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lier la soie ou la dorure, puisque, comme on l’a déja dit, il faut passer deux coups de navette dans le fond de l’étoffe, pour faire usage d’une marche de liage.

Sous la dénomination d’armure de satin, soit à cinq lisses, soit à huit, façonnés ou unis, nous observerons la méthode qui vient d’être prescrite, de même que pour les étoffes qui auront un poil, dont la chaîne sera disposée pour satin ; de façon que quand nous parlerons d’armure en satin pour les chaînes, nous n’entendrons que ce qui vient d’être dit & démontré.

Satins pleins ou unis. Les satins pleins sont composés depuis quatre-vingt-dix portées jusqu’à cent vingt sur huit lisses, c’est-à-dire depuis sept mille deux cens fils jusqu’à neuf mille six cens, en observant d’employer un organsin proportionné au genre d’étoffe ; ce qui signifie que plus on garnit en chaîne, plus il faut que le fil soit fin, pour que le satin soit plus beau. L’armure de cette étoffe est celle des satins à huit lisses, comme il a été dit ci-devant.

Satins à fleurs ou façonnés. Sous la dénomination de satins à fleur, on comprend tous les satins courans en deux ou trois lacs, les satins brochés, les lustrines sans poil courantes ou brochées, les persiennes courantes ou brochées, les damas lisérés ou brochés ; en un mot, toutes les étoffes dont la figure ou la soie qui la fait est arrêté par un fil de la chaîne auquel on donne le nom de liage.

Pour l’intelligence de ce liage, il faut observer que toutes les étoffes à fleurs ordinaires de différentes couleurs, ont ces mêmes couleurs arrêtées par des fils qui sur la fleur forment une figure oblique auxquels on a donné le nom de liage, parce qu’effectivement ils lient la soie ou la dorure qui fait figure sur le fond de l’étoffe, de façon que si dans les parties de trois ou quatre doigts de largeur, qui forment une feuille ou fleur dans l’étoffe, la dorure ou la soie qui composent cette partie n’étoit arrêtée par aucun fil, cette soie ou cette dorure boucleroit, sur-tout dans les broches, comme on voit dans les envers des étoffes boucler la soie ou la dorure dont elles sont composées, ce qui rendroit l’étoffe imparfaite.

Il est donc nécessaire, pour la perfection de l’étoffe, qu’il y ait des fils qui soient destinés à arrêter les couleurs ou matieres qui forment le dessein, c’est-à-dire, à les lier avec le fond.

Les fils sont pris dans les satins à 8 lisses, ou tous les sixiemes dans la chaîne lorsque l’étoffe est toute soie, ou tous les dixiemes lorsqu’il y a de la dorure liée.

Le liage ordinaire dans les satins à 8 lisses, est composé de quatre lisses, sans pouvoir en mettre ni plus, ni moins.

Dans un satin où le sixieme fil est pris, on donne le nom au liage de 5 le 6, c’est-à-dire, 5 laissés & le 6e pris ; dans celui où le 10e fil est pris, c’est un liage de 9 le 10, voilà les termes ; c’est-à-dire 9 laissés & le 10e pris.

Pour passer un liage de 5 le 6, on passe les quatre lisses de liage devant les 8 de satin qui sont passées, & on prend le sixieme fil pour le passer sous la maille de la premiere lisse de liage : on prend ensuite les deux qui restent des 8 lisses, & les 4 en recommençant, desquels le quatrieme qui se trouve sur la quatrieme lisse est passé sous la premiere maille de la seconde lisse de liage. La troisieme lisse de liage prend le fil de la seconde lisse, c’est-à-dire qu’on laisse des quatre fils qui restoient des 8 lisses le fil de la premiere ; & on passe le second sous la troisieme lisse. La quatrieme lisse de liage prend son fil sur la huitieme du satin, parce que la troisieme prenant celui de la seconde, le cinquieme fil doit être celui de la huitieme, ainsi des autres, en recommençant par la premiere de liage & la sixieme du satin.

Le liage de 9 le 10 se prend de la même maniere ;

on compte les 8 fils des 8 lisses, ensuite recommençant par la premiere, on prend le fil de la seconde, de façon que le premier fil de liage, qui dans celui de 5 le 6, se trouvoit sur la sixieme lisse, se trouve sur la seconde dans celui de 9 le 10 ; le second se trouve sur la quatrieme, c’est-à-dire, 6 qui restoient, & 4 de recommence ; le troisieme fil se trouve sur la sixieme, & le quatrieme sur la huitieme & derniere lisse.

On voit par cet arrangement un ordre & une entente qui ne doit point être interverti, sans quoi le fil qui par hasard seroit pris sur quelqu’autre lisse que celle indiquée, feroit faute dans la figure de l’étoffe.

Suivant cette disposition, il est évident que, dans un liage de 5 le 6 chaque lisse de liage qui fait baisser les fils quand la soie est levée, se trouve avoir 24 fils d’une maille à l’autre, ce qui fait un très-petit intervalle, attendu la quantité de fils dans une largeur de d’aune, dont les étoffes sont composées dans leurs largeurs, de même dans un liage de 9 le 10 ; la différence d’une maille à l’autre sur la même lisse doit être de 40 fils : ce la est clair, parce que la différence de la premiere à la seconde dans un liage de 5 le 6 est de 6 fils ; de la premiere à la troisieme de 12 fils ; de la premiere à la quatrieme, 18 fils, & enfin de la premiere à l’autre premiere, de 24, ainsi des autres.

Dans les satins façonnés on distingue encore deux genres d’étoffes ; savoir, les satins courans & les satins brochés.

On donne le nom de satins courans aux étoffes dont la navette fait la figure : par exemple ; dans un satin appellé satin deux lacs, on passe une navette d’une couleur sur la premiere marche, & une autre navette d’une couleur différente sur la seconde marche ; observant de faire baisser la même lisse de liage sous chacune des deux premieres marches ; la seconde lisse de liage sous la troisieme & la quatrieme ; la troisieme lisse sous la cinquieme & la sixieme ; la quatrieme lisse sous la septieme & la huitieme.

Il faut bien faire attention que les étoffes façonnées soit courantes, soit brochées, ne reçoivent l’impression de la figure que par le mouvement du cordage qui fait lever la soie qui doit la faire, & que l’opération de la lisse de liage n’est autre chose que de faire baisser avec la lisse de liage une partie de la soie levée, ou les fils qui se trouvent sous la maille de cette lisse pour arrêter la soie ou dorure qui se trouve passée sous la soie levée.

Satin trois lacs. Le satin trois lacs se fait comme celui à deux, en observant de passer une navette sur le pas de la premiere marche, & deux navettes successivement sur les pas de la seconde, ainsi des autres.

Satin broché. On appelle satin broché une étoffe dont les navettes ne suffisent pas pour faire la figure du dessein qui peut contenir cinq ou six couleurs différentes chaque coup. Par exemple, s’il y a de la dorure dans le dessein, elle n’est point passée avec la navette dans le genre d’étoffe, de même que l’excédent de la distribution des couleurs. Pour lors on a des petites navettes, nommées espolins, qui contiennent toutes les couleurs qu’on veut insérer dans l’étoffe, & les espolins sont passés à différentes reprises, au fur & à mesure que la soie est levée par le ministere de la tireuse, pour faire cette opération. Dans ce cas, le satin qui ne contenoit que 8 marches, respectivement aux 8 lisses dont il est composé, en doit contenir 12, parce qu’il en faut quatre pour les quatre lisses de liage, c’est-à-dire, une pour chaque lisse.

Lorsqu’on a passé les deux ou trois navettes différentes sous les deux marches, ainsi qu’il a été dit ci-devant, on fait lever la soie pour passer les espolins, ce qui s’appelle brocher, pour lors on fait baisser la premiere lisse de liage pour passer tous les espolins qui doivent être passés dans ce coup. On donne le nom de coup aux navettes passées & aux espolins ; de fa-