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Relief d’une médaille, (Art numismat.) saillie des figures & des types qui sont empreints sur la tête ou sur le revers d’une médaille.

Le relief dans les médailles, comme l’a remarqué le pere Jobert, est une beauté, mais cette beauté n’est pas une marque indubitable de l’antique. Elle est essentielle aux médailles du haut-empire ; mais dans le bas-empire il se trouve des médailles qui n’ont guere plus de relief que nos monnoies. Le tems nécessaire pour graver les coins plus profondément, & pour battre chaque piece dans ces coins, nous a fait négliger cette beauté dans nos monnoies & dans nos jettons ; par-là nous avons perdu l’avantage de les pouvoir conserver aussi long-tems que les monnoies romaines. Leurs médailles que l’on tire de terre après 1800 ans, sont encore aussi fraîches & aussi distinctes que si elles sortoient des mains de l’ouvrier. Nos monnoies au-contraire, après 40 ou 50 ans de cours, sont tellement usées, qu’à peine peut-on reconnoître ni la figure ni la légende. Ainsi les anciens nous surpassent par cet endroit ; mais dans nos grosses médailles, non-seulement nous égalons les Grecs & les Romains, souvent même nous les surpassons. Depuis qu’on a inventé la maniere de battre sous le balancier, nous avons porté le relief aussi haut qu’il puisse aller, en fait de médailles. (D. J.)

Relief-bas, (Sculpture.) on appelle bas-relief un ouvrage de sculpture qui a peu de saillie, & qui est attaché sur un fond. Lorsque dans le bas-relief il y a des parties saillantes & détachées, on les nomme demi-bosses.

Les sujets de bas-relief ne sont point bornés, on y peut représenter toutes sortes de choses & d’ornemens, des animaux, des fleurs, des rinceaux, des feuillages, & même des morceaux d’histoire.

On distingue trois sortes de bas-reliefs, autrement dits basses-tailles ; dans la premiere, les figures qui sont sur le devant paroissent se détacher tout-à-fait du fond ; dans la seconde espece, les figures ne sont qu’en demi-bosse, ou d’un relief beaucoup moindre ; dans la derniere, elles n’ont que très-peu de saillie.

Il n’est pas vrai, comme le prétendoit M. Perrault, que les anciens sculpteurs aient tous violé les regles de la perspective dans leurs ouvrages ; nous connoissons plusieurs bas-reliefs antiques contraires à cette injurieuse décision. Le recueil de Rosci qui a pour titre : admiranda veteris sculpturæ vestigia, nous en présente quelques-uns, & principalement trois, qui sont une preuve évidente de la connoissance des anciens dans la perspective. Le premier est à la pag. 43. il est connu sous le nom du repas de Trimalcion ; sans doute un grec l’a exécuté à Rome ; la perspective des bâtimens s’y découvre avec la plus grande clarté, on ne feroit pas mieux aujourd’hui. A la pag. 11. de ce même recueil, est encore un bas-relief, où sont représentés deux victimaires conduisant un taureau, dont le marbre est à Rome dans la vigne de Médicis. Enfin celui qui se trouve à la pag. 78. luctus funebris, & que l’on conserve à Rome dans le palais Barberin, est peut-être la preuve la plus complette qu’on pourroit opposer à l’auteur du parallele des anciens ; non-seulement on y voit un édifice dégradé, & fuyant dans la plus exacte perspective, mais aussi des intérieurs de voûte.

Je ne prétends pas néanmoins que l’art des bas-reliefs ait été aussi parfaitement connu des anciens, qu’il l’est des modernes, & je conviens que souvent les dégradations de lumiere manquent à la beauté de leurs ouvrages. Quelquefois, par exemple, une tour qui paroît éloignée de cinq cens pas du devant du bas-relief, à en juger par la proportion d’un soldat monté sur la tour, avec les personnages placés le plus près du bord du plan ; cette tour, dis-je,

est taillée comme si on la voyoit à cinquante pas de distance. On apperçoit la jointure des pierres, & l’on compte les tuiles de la couverture. Ce n’est pas ainsi que les objets se présentent à nous dans la nature ; non-seulement ils paroissent plus petits à mesure qu’ils s’éloignent de nous, mais ils se confondent encore quand ils sont à une certaine distance, à cause de l’interposition de la masse de l’air.

Les sculpteurs modernes, en cela généralement mieux instruits que les anciens, confondent les traits des objets qui s’enfoncent dans le bas-relief, & ils observent ainsi la perspective aërienne. Avec deux ou trois pouces de relief, ils font des figures qui paroissent de ronde-bosse, & d’autres qui semblent s’enfoncer dans le lointain. Ils y font voir encore des paysages artistement mis en perspective, par une diminution de traits, lesquels étant non-seulement plus petits, mais encore moins marqués, & se confondant même dans l’éloignement, produisent à-peu-près le même effet en Sculpture, que la dégradation des couleurs fait dans un tableau.

On peut donc dire qu’en général les anciens n’avoient point l’art des bas-reliefs aussi parfaits que nous les avons aujourd’hui ; cependant il y a des bas-reliefs antiques qui ne laissent rien à desirer pour la perfection. Telles sont les danseuses, que tant d’habiles sculpteurs ont pris pour modele ; c’est un ouvrage grec si précieux, & que l’on conserve avec tant de soin dans la vigne Borghese à Rome qu’il n’en est jamais sorti.

Entre les ouvrages modernes dignes de notre admiration, je ne dois point taire le grand bas-relief de l’Algarde représentant saint Pierre & saint Paul en l’air, menaçant Attila qui venoit à Rome pour la saccager. Ce bas-relief sert de tableau à un des petits autels de la basilique de saint Pierre ; peut-être falloit-il plus de génie pour tirer du marbre une composition pareille à celle de l’artiste, que pour la peindre sur une toile. En effet, la poésie & les expressions en sont aussi touchantes que celles du tableau où Raphaël a traité le même sujet, & l’exécution du sculpteur qui semble avoir trouvé le clair obscur avec son ciseau, paroit d’un plus grand mérite que celle du peintre. Les figures qui sont sur le devant de ce superbe morceau, sont presque de ronde-bosse ; elles sont de véritables statues ; celles qui sont derriere ont moins de relief, & leurs traits sont plus ou moins marqués, selon qu’elles s’enfoncent dans le lointain ; enfin la composition finit par plusieurs figures dessinées sur la superficie du marbre par de simples traits.

On peut dire cependant que l’Algarde n’a point tiré de son génie la premiere idée de cette exécution, qu’il n’est point l’inventeur du grand art des bas-reliefs ; mais il a la gloire d’avoir beaucoup perfectionné cet art. Le pape Innocent X. donna trente mille écus à ce grand artiste pour son bas-relief. Il étoit digne de cette récompense ; mais on peut douter, avec M. l’abbé du Bos, si le cavalier Bernin & Girardon, n’ont pas mis autant de poésie que l’Algrade dans leurs ouvrages. Je ne rapporterai, dit-il, de toutes les inventions du Bernin, qu’un trait qu’il a placé dans la fontaine de la place Navone, pour marquer une circonstance particuliere au cours du Nil, c’est-à-dire pour exprimer que sa source est inconnue ; & que, comme le dit Lucain, la nature n’a pas voulu qu’on pût voir ce fleuve sous la forme d’un ruisseau.

Arcanum natura caput non prætulit ulli,
Nec licuit populis parvum, te Nile, videre.

La statue qui représente le Nil, & que le Bernin a rendue reconnoissable par les attributs que les anciens ont assignés à ce fleuve, se couvre la tête d’un