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cédent de la seconde mouillée, c’est-à-dire, des sables que l’on a rechargé d’eau après que la premiere propre à faire le sel en a été tirée.

On charge les fosses ordinairement deux fois par jour ; la premiere eau, qui est la franche saumure, où la bonne eau est quelquefois 4 à 6 heures à passer, suivant que le fable est bien uni & fort pressé, après quoi on appelle du relai la seconde eau que l’on fait passer sur le même sable des fosses, & qui devient la bonne eau au saunier des premieres fosses que l’on recharge ensuite ; l’eau filtre ainsi au-travers du glu du fond des fosses, autant de jour comme de nuit.

Il faut pour faire toutes les préparations un tems sec & chaud ; car on ne peut travailler aux greves, & ramasser le sable sans soleil & sans chaleur. Les sauniers font du sel toute l’année lorsqu’ils ont provision de sable ; mais on n’en ramasse ordinairement que depuis le commencement de Mai jusqu’à la fin d’Août, suivant que la saison est favorable.

On a dit que la premiere eau est la vraie saumure ; elle coule directement par les canaux de chaque fosse dans le tonneau de la saline, qui est placé à côté des fourneaux ; quand on fait le relai ou la seconde eau, on perce le tuyau pour que cette eau ne tombe que dans le tonneau du relai voisin des fosses ; les pluies, comme on le peut voir, font beaucoup de tort à cette manufacture ; elles détruisent aussi les havelées & ételées des greves, qui sont ainsi entierement perdues.

Quand on a tiré la saumure & le relai des greves, qui sont dans les fosses, il ne reste plus qu’une espece de vase que les sauniers rejettent, & que la marée remporte.

Pour vérifier si la saumure est bonne & forte, on a une petite balle de plomb, grosse au plus comme une poste à loup, couverte de cire, qui la rend grosse comme une balle de mousquet ; il faut qu’elle surnage sur cette eau ou premiere saumure ; alors on la jette dans des plombs placés sur des fourneaux dans la saline ; les plombs ou chaudieres qui sont au nombre de trois (& même le plus souvent quelques sauneries n’en ont que deux) sont de forme parallelogramme, ayant 2 piés de long, sur deux piés de large, & le rebord 2 pouces d’épaisseur, & le tout environ 6 lignes d’épaisseur ; ils sont peu élevés au-dessus de l’atre du fourneau qui est enfoncé, & dont l’ouverture est par-devant. Ils ont chacun deux évens par-derriere : le feu est continuel depuis le lundi, soleil levant, jusqu’au dimanche soleil levant.

Lorsque les sauniers font six jours de la semaine, ou au-moins, ils sont obligés d’avoir été préalablement avertir les commis aux quêtes le samedi de la semaine précédente.

Quand on commence la semaine, & que l’on a allumé le feu au fourneau, on remplit les plombs de saumure que l’on fait bouillir sans discontinuer jusqu’à ce que le sel soit achevé, ce qui dure environ deux heures & demi, à trois heures au-plus ; après que toute l’eau est évaporée, on ramasse promptement le sel avec un rabot, & on l’enleve avec une petite pelle semblable à celles avec lesquelles on leve le sable des havelées, & on jette le sel dans des corbeilles, que l’on nomme marvaux à égoutter ; ces marvaux sont faits en pointes comme les formes où l’on met égoutter les sucres ; après que le sel est égoutté, on le trouve en pierre que l’on met dans les colombiers, & que les sauniers ne peuvent livrer qu’à ceux qui sont porteurs des billets des commis ; les pierres sont plusieurs mois à se former ; un plomb n’en peut faire au plus que deux par an.

On laisse égoutter le sel qu’on releve des plombs environ 5 ou 6 heures ; après quoi on le jette en grenier. Une erre ou relais de sel des plombs ne peut emplir une de ces corbeilles, chaque erre ne for-

mant qu’un carte de plus de boisseau.

Il faut relever les plombs tous les deux jours au moins pour les rebattre, & les repousser, parce que l’activité du feu & la crasse qui se forme sur les plombs les fait enfoncer, & qu’il faut les redresser & les nettoyer pour qu’ils bouillent plus aisément. Les sauniers appellent ce travail corroyer les plombs ; ce qui se fait au marteau.

Les fourneaux ne peuvent durer au plus que deux mois, après quoi on les démollit pour les rebâtir de nouveau, parce que les premiers se sont engraissés des écumes du sel ; on en brise les matériaux le plus menu qu’il est possible, & on en met la valeur de deux corbeillées dans une mouquée ou relevée de sable dans les fosses, lorsque les sauniers s’apperçoivent qu’elle n’est pas assez forte.

On brûle dans les fourneaux de petites buches & des fagots. Le bois de hêtre pour les buches & de chêne pour les fagots sont estimés les meilleurs bois dans les lieux où le bois est rare, on se sert au même usage de joncs marins.

Les sauniers se relaient les uns les autres pour veiller sur les fourneaux, & entretenir toujours le feu en état de faire bouillir également la saumure des différens plombs ; on écume le sel quand il commence à bouillir avec le même rabot, avec lequel on le ramasse quand il est achevé.

L’usage des propriétaires de ces salines & des sauniers qui y travaillent est de partager ; de cette maniere le propriétaire fournit tous les ustensiles & instrumens & le sable, & les sauniers n’ont que la septieme partie du prix de la vente ; il fournit en argent au receveur de la gabelle la valeur d’un boisseau & demi de sel au prix qu’il est quêté ou fixé, en outre les 4 sols pour livre du prix du boisseau & demi ; mais cet usage est particulier à quelques salines.

Le sel fabriqué, comme nous venons de dire, doit se consommer dans les pays des environs, étant ailleurs défendu & de contrebande, il ne va guere que 4 à 5 lieues au plus. Il est de mauvaise qualité, ce qui se reconnoit sur-tout dans les chairs qui en sont préparées, & qui ne se peuvent bien conserver ; c’est pourquoi quand on veut faire des salaisons d’une bonne qualité, on ne se sert quand on le peut que des sels de brouage qui sont bien plus doux, au-lieu que ceux-ci sont très-âcres & très-corrosifs.

Enumération des instrumens nécessaires aux Sauniers, fabricateurs de sel blanc ramassé des greves. Les charrues semblables à celles de terre ; les herses semblables. Les haveaux sont composés d’une planche d’environ 4 piés de long, de 10 à 12 pouces de haut posée de champ ou cant, le bas en droite ligne & le haut chantourné. Dans cette planche sont emmanchés deux bâtons qui forment le brancart où on atelle la bête qui doit tirer cette machine. Il y a encore deux autres morceaux de bois qui servent de poigneés pour gouverner cette machine. Voyez fig.

Banneau ou tombereau, est un tombereau dont les côtés ou bords sont fort bas ; le tombereau même est petit.

Les tonnes sont de grosses futailles qui sont enterrées.

Rabot est une douve centrée du fond du tonneau qui est emmanché.

Les fourneaux sont très-bas, & sont presque posés à rez-de-chaussée. Il y a un creux qui forme l’aire, enfoncé de 20 à 25 pouces.

Crochet de fer, sorte de tisard.

Les pics à démolir sont les mêmes que ceux des maçons.

Le puchoir est un petit tonneau contenant 6 à 8 pintes, avec lequel les sauniers puisent de la saumure dans la tonnée pour en emplir les plombs ; il