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avoient été institués par le premier Tarquin. On les célébroit à l’honneur de Jupiter, de Junon & de Minerve. Ils commençoient toujours le 4 Septembre, & ils duroient 4 jours du tems de Cicéron. Leur durée fut augmentée dans la suite, aussi-bien que celle de la plupart des autres jeux publics, quand les empereurs se furent emparés du droit de les faire représenter. Quoique les jeux romains fussent ordinairement des jeux circenses, magni circenses, selon Plutarque ; cependant on les faisoit aussi scéniques ; je n’en veux pour preuve que ce passage de Tite-Live, lib. XXXI. Ludi romani scenici eo anno magnificè, apparatèque facti, ab ædilibus curulibus L. Valerio Flacco & L. Quintio Flaminio biduum instaurati sunt. « Les jeux romains scéniques furent célébrés cette année-là magnifiquement, & avec apparat, par les édiles curules L. Valérius Flaccus, & L. Quintius Flaminius, durant deux jours continuels ». (D. J.)

Romain, adj. (Arith.) le chiffre romain n’est autre chose que les lettres majuscules de l’alphabet I, V, X, L, C, D, &c. auxquelles on a donné des valeurs déterminées ; soit qu’on les prenne séparément ; soit qu’on les considere relativement à la place qu’elles occupent avec d’autres lettres. Voyez Caractere.

Le chiffre romain est fort en usage dans les inscriptions, sur les cadrans des horloges, &c. Voyez Chiffre. (E)

Romain gros, fondeurs en caracteres d’Imprimerie, est le onzieme des corps sur lesquels on fond les caracteres d’imprimerie ; sa proportion est de trois lignes mesure de l’échelle ; il est le corps double de la gaillarde, & le sien est le trimégiste. Voyez Proportion des Caracteres, & l’exemple à l’article Caractere.

Romain petit, sixieme corps des caracteres d’imprimerie ; sa proportion est d’une ligne quatre points mesure de l’échelle ; son corps double est le petit parangon. Voyez Proportion des Caracteres, & l’exemple à l’article Caractere.

ROMAINE, s. f. (Balancier.) sorte de balance, propre à peser de grands fardeaux. Elle est composée d’un fléau AB, (voyez les Pl. du balancier.) A la 5 ou 6e partie de la longueur du fléau, est un arbre, dont les deux extrémités sont en couteaux par la partie inférieure ; les tranchans de ces couteaux portent sur les coussinets de la châsse ED, qui est faite comme celle du fléau à double crochet, façon d’Allemagne ; à l’extrémité A, qui est la plus proche du point de suspension, est une jumelle, dont les coussinets portent sur les tranchans des couteaux d’un arbre qui traverse le fléau en cet endroit ; à l’entretoise inférieure de cette jumelle, est un crochet, auquel on attache l’anneau où les quatre cordes du plateau F, se réunissent ; vers l’extrémité B du fléau, est un bouton dont l’usage est de retenir l’anneau du poids C, qui peut couler de B en D, & de D en B, dans lequel intervalle sont des divisions qui marquent les multiples & les aliquotes du poids C.

Usage de cette balance. On suspend cette machine par le crochet E, on met ensuite dans le plateau F, les choses que l’on veut peser : on fait ensuite couler le poids C, de B en D, ou de D en B, jusqu’à ce qu’il soit en équilibre avec le plateau chargé ; on regarde quelle division répond à l’anneau qui sera, par exemple, la 6e, à compter de D en B, ce qui fait connoître que la marchandise dont le plateau est chargé, pese six fois autant que le poids C ; ainsi si le poids C est de 20 B, la marchandise pesée est de 120 B.

En général, les poids sont en raison réciproque des leviers. Voyez Levier.

ROMAIN-MOTIER, (Géog. mod.) ville de Suisse au pays Romand, dans un vallon, & chef-lieu d’un

bailliage de même nom. Elle doit son origine à une abbaye qui portoit le nom de saint Romain, Romani monasterium. Cette abbaye a été changée en un château où réside le bailli. (D. J.)

ROMAN, s. m. (Fictions d’esprit.) récit fictif de diverses avantures merveilleuses ou vraisemblables de la vie humaine ; le plus beau roman du monde, Télémaque, est un vrai poëme à la mesure & à la rime près.

Je ne rechercherai point l’origine des romans, M. Huet a épuisé ce sujet, il faut le consulter. On connoît les amours de Diniace & de Déocillis par Antoine Diogène, c’est le premier des romans grecs. Jamblique a peint les amours de Rhodanis & de Simonide. Achillès Tatius a composé le romans de Leücippe & de Clitophon. Enfin Héliodore, évêque de Trica dans le quatrieme siecle, a raconté les amours de Théagène & de Chariclée.

Mais si les fictions romanesques furent chez les Grecs les fruits du goût, de la politesse, & de l’érudition ; ce fut la grossiereté qui enfanta dans le onzieme siecle nos premiers romans de chevalerie. Voyez Roman de chevalerie.

Ils tiroient leur source de l’abus des légendes, & de la barbarie qui regnoit alors ; cependant ces sortes de fictions se perfectionnerent insensiblement, & ne tomberent de mode, que quand la galanterie prit une nouvelle face au commencement du siecle dernier.

Honoré d’Urfé, dit M. Despreaux, homme de grande naissance dans le Lyonnois, & très-enclin à l’amour, voulant faire valoir un grand nombre de vers qu’il avoit composés pour ses maîtresses, & rassembler en un corps plusieurs avantures amoureuses qui lui étoient arrivées, s’avisa d’une invention très agréable. Il feignit que dans le Forès, petit pays contigu à la Limagne d’Auvergne, il y avoit du tems de nos premiers rois, une troupe de bergers & de bergeres qui habitoient sur les bords de la riviere du Lignon, & qui assez accommodés des biens de la fortune, ne laissoient pas néanmoins, par un simple amusement & pour le seul plaisir, de mener paître par eux-mêmes leurs troupeaux. Tous ces bergers & toutes ces bergeres, étant d’un fort grand loisir, l’amour, comme on le peut penser, & comme il le raconte lui-même, ne tarda guere à les y venir troubler, & produisit quantité d’événemens considérables.

M. d’Urfé y fit arriver toutes ses avantures, parmi lesquelles il en mêlâ beaucoup d’autres, & enchâssa les vers dont j’ai parlé, qui tous méchans qu’ils étoient, ne laisserent pas d’être goûtés, & de passer à la faveur de l’art avec lequel il les mit en œuvre ; car il soutint tout cela d’une narration également vive & fleurie, de fictions très-spirituelles, & de caracteres aussi finement imaginés qu’agréablement variés & bien suivis.

Il composa aussi un roman qui lui acquit beaucoup de réputation, & qui fut fort estimé, même des gens du goût le plus exquis, bien que la morale en fût vicieuse, puisquelle ne prêchoit que l’amour & la mollesse. Il en fit quatre volumes qu’il intitula Astrée, du nom de la plus belle de ses bergeres ; c’étoit Diane de Chateau-Morand. Le premier volume parut en 1610, le second dix ans après, le troisieme cinq ans après le second, & le quatrieme en 1625. Après sa mort, Baro son ami, & selon quelques-uns son secrétaire, en composa sur son mémoire un cinquieme tome, qui en formoit la conclusion, & qui ne fut guere moins bien reçu que les quatre autres volumes.

Le grand succès de ce roman échauffa si bien les beaux esprits d’alors, qu’ils en firent à son imitation quantité de semblables, dont il y en avoit même de dix & de douze volumes ; & ce fut pendant quelque tems, comme une espece de débordement sur le parnasse.