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duisoient un froid plus grand que celui que la neige seule étoit capable de produire, il mit dans une bouteille qu’il eut soin de bien boucher, de la neige seule, il remarqua qu’elle se liquefioit beaucoup plus lentement que celle à laquelle on avoit mélé des sels. Il s’assura même par d’autres expériences, que les sels qui n’accéléroient pas la fonte de la neige, ne produisoient point de glace, quoique l’humidité de l’atmosphere s’attachât aux bouteilles qui contenoient les mélanges ; ainsi les crystaux du tartre, ni le borax, ni même le sublimé corrosif, mélés avec la neige, ne glacerent pas les liqueurs qu’on exposa à leur action ; ils resterent long-tems sur la neige sans être dissous.

Cette observation le conduisit à examiner quel effet produiroient des corps capables de dissoudre la neige très-rapidement par leur chaleur ; il mit donc dans une bouteille qu’il avoit presque remplie de neige, une quantité assez considérable de sable bien chaud ; mais quoique la neige se fondît assez rapidement, il ne s’y forma point de glace : la bouteille se couvrit seulement d’humidité. Il répéta la même expérience avec de l’eau chaude qu’il versa sur la neige au moyen d’un entonnoir dont le tuyau étoit très petit, pour que l’eau ne se répandît pas sur le verre, le froid produit fut très-considérable ; il s’amassa beaucoup d’humidité sur la bouteille ; mais on ne put pas y appercevoir de glace. Comme on auroit pû soupçonner que l’humidité qui s’attachoit ainsi aux bouteilles dans lesquelles il faisoit ses expériences, venoit de la neige même fondue, il pesa avec beaucoup d’exactitude, une bouteille dans laquelle il mit un mélange d’esprit de vin & de neige ; le tout pesa trois onces six gros : lorsque l’humidité s’y fut attachée, elle pesa dix-huit grains de plus. Dans une autre expérience il trouva que cette augmentation alloit à vingt grains ; preuve évidente que cette humidité étoit fournie par l’air qui environnoit les bouteilles.

Après s’être assuré que les sels ne produisoient du froid que parce qu’ils dissolvoient la neige ou la glace, il étoit naturel de rechercher quelles étoient les liqueurs qui dissolvoient le plus rapidement la glace ; voici les expériences que M. Boyle fit à ce sujet.

Premiere expérience. 1°. Un cylindre de glace d’un pouce de long, mis dans de l’huile de vitriol, s’y fondit en cinq minutes.

2°. Un cylindre de glace de la même dimension, mis dans de l’esprit de vin dans lequel il plongea, s’y fondit en 12 minutes.

3°. Un autre se liquéfia en 12 minutes dans de l’eau-forte.

4°. Un autre en 12 minutes dans de l’eau pure.

5°. Un autre fut presque 44 minutes à se fondre dans de l’huile de térébenthine.

6°. Un sixieme fut 64 minutes à se fondre à l’air.

Seconde expérience. 1°. Un cylindre de glace semblable aux précédens, se fondit en trois minutes dans de l’huile de vitriol.

2°. En 13 minutes dans de l’esprit de vin.

3°. En 26 dans l’eau.

4°. En 47 dans l’huile de térébenthine.

5°. En 52 dans l’huile d’olives.

6°. En 152 dans l’air.

Peu de tems après avoir publié son histoire du froid, M. Boyle fit part à la societé royale de Londres d’une expérience qui fut inserée dans le n° XV. des Transactions philosophiques. Par cette expérience il prétend fournir un moyen de produire un froid considérable sans le secours de neige, de glace, de grêle, de vent & de nitre, & cela dans toutes les saisons de l’année. La voici : prenez une livre de sel armoniac en poudre, dissolvez le dans trois livres d’eau, l’y mettant en une seule fois si vous voulez produire un froid très-considérable, mais de peu de durée ; ou en deux

ou trois reprises, si vous voulez avoir un froid moindre à la vérité, mais plus durable ; agitez le mélange avec un petit bâton, un morceau de baleine ou quelqu’autre chose que le sel ne puisse pas attaquer pour accélérer la dissolution, car c’est de la que dépend le succès de l’expérience. Lorsque le tems est bien disposé, le froid qu’on produit par ce moyen, va quelquefois au-dessous du terme de la glace. M. Boyle est même parvenu à produire de la glace en un tems très-court. Le 27 Mars, dit-il, mon thermometre qui avoit 16 pouces de long, environ un huitieme de pouce de diametre, & dont la boule étoit de la grosseur d’une noix muscade, étant a pouces, je le plongeai dans l’eau, & l’ayant promené pour l’y en faire prendre la température, il descendit à pouces ; je mis alors du sel armoniac dans cette eau, au bout d’un quart d’heure le thermometre étoit descendu a  ; il y avoit près d’un demi quart d’heure que les vapeurs qui s’étoient attachées au vaisseau avoient commencé à se géler. Lorsque la vertu frigorifique fut arrivée à son plus haut période, je remarquai que de petite lames d’eau dont je couvrois le vaisseau, se glaçoient en un quart de minute pourvû qu’on agitât fortement le mélange ; trois quarts d’heure après qu’on eut mis le sel armoniac dans l’eau, le thermometre qu’on avoit retire quelque tems auparavant, mais qui cependant n’étoit encore remonté qu’au premier terme de la glace, descendit un pouce au dessous de ce terme ; deux heures & demie après qu’on eut commencé à dissoudre le sel armoniac, la liqueur du thermometre se soutenoit au milieu des deux termes de la glace, dont le premier étoit à 5 pouces, (lorsqu’elle étoit à cette hauteur, il commençoit ordinairement à géler en plein air) & le second à pouces : c’étoit le plus bas où les plus grands froids de l’hiver précédent avoient pu la faire descendre. Trois heures après le commencement de l’opération, la liqueur n’étoit encore remontée qu’au premier des termes de la glace dont je viens de parler ; après quoi elle commença de remonter très-lentement, &c.

Depuis Boyle, un grand nombre de physiciens se sont occupés du même objet ; nous allons rapporter le plus succinctement qu’il nous sera possible, les expériences qu’ils ont ajoutées à ses découvertes.

Messieurs de l’académie de Florence trouverent que le sel armoniac mêlé à la glace, produit un froid plus considérable que le nitre, & que l’huile de vitriol concentrée, versée sur du sel armoniac, produisoit une forte efferverscence qui étoit accompagnée d’un froid capable de produire la congelation d’une lame d’eau qui couvriroit le vase. Voyez les Essais de l’académie del Cimento. Boyle répéta depuis cette expérience avec le même succès, il remarqua en outre que l’huile de vitriol étendue, versée sur l’esprit volatil de sel armoniac fait avec l’alkali fixe, avoit fait descendre son thermometre d’un pouce.

M. Geoffroy, le médecin, lut en 1700. à l’académie royale des Sciences de Paris, des observations sur le froid ou le chaud qui accompagne certaines dissolutions. Il a mis dans un vase une pinte d’eau commune, il y a placé un thermometre de 18 pouces & l’y a laissé quelque tems pour qu’il prit le degré de la température de l’eau ; il y a jetté ensuite quatre onces de sel armoniac, la liqueur du thermometre est descendue de 2 pouces 9 lignes en moins d’un quart-d’heure. Il a fait cette expérience avec le salpêtre, le thermometre est descendu d’un pouce trois lignes ; avec le vitriol, il est descendu de près d’un pouce ; le sel marin l’a fait descendre de dix lignes seulement ; ce sel se dissout plus difficilement que les autres. Tous les sels alkali volatils ont refroidi l’eau commune par leur mélange plus ou moins, selon qu’ils étoient plus ou moins purifiés ; celui d’urine a paru le faire plus promptement qu’aucun autre.

Le sel armoniac mêlé avec le vinaigre distillé, le suc de limon, le verjus n’a fait aucune effervescence,