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flammatoires, le pourpre & la porcelanie, qui attaquent les habitans de la campagne ; les fatigues & le poids de la chaleur & du jour que ces pauvres forçats de l’été endurent du matin au soir, épaississent le sang, le brûlent, y occasionnant des miasmes putrides qui portent leur action & leur malignité dans toute la machine. Les évacuans modérés & les cordiaux doux acides & froids, sont excellens dans ces cas.

Dans l’automne, & sur-tout vers la fin de l’été, les fievres intermittentes, les continues putrides, viennent de la quantité des fruits & de la chaleur immodérée ; l’un & l’autre produisent dans les visceres une fermentation qui donnent naissance à des levains qui se répandent dans tous les habitans d’une même contrée.

L’air infecté, raréfié & chargé des vapeurs malignes, est aussi une cause ordinaire de ces maladies.

Le manque d’alimens restaurans, & de boisson adoucissante ou rafraîchissante dans les grandes chaleurs, joint aux travaux qui épuisent les forces continuellement, sans qu’on ait le tems ou le moyen de les réparer, sont une cause commune & plus que suffisante pour produire les maladies populaires qui désolent les campagnes.

Les meilleurs remedes seroient des alimens nourrissans & restaurans pris de tems à autre & en petite quantité ; le repos aideroit le recouvrement des forces & l’effet de ces secours.

POPULARIA, s. f. pl. (Hist. anc.) places que le simple bourgeois occupoit au théâtre ; elles étoient distinguées des equestres & des orchestræ ; les premieres étoient pour les chevaliers, les secondes pour les sénateurs.

POPULARITÉ, s. f. (Gram.) attention à se rendre agréable au peuple : la popularité est une chose bonne ou mauvaise, selon le caractere de l’homme populaire & ses vues.

POPULATION, s. f. (Phys. Polit. Morale.) ce mot est abstrait, pris dans l’acception la plus étendue, il exprime le produit de tous les êtres multipliés par la génération ; car la terre est peuplée non-seulement d’hommes, mais aussi des animaux de toutes especes qui l’habitent avec eux. La reproduction de son semblable est dans chaque individu le fruit de la puissance d’engendrer ; la population en est le résultat. Mais cette expression s’applique plus particulierement à l’espece humaine ; & dans ce sens particulier, elle désigne le rapport des hommes au terrein qu’ils occupent, en raison directe de leur nombre & inverse de l’espace.

A-t-il été un tems où il n’existoit qu’une seule créature humaine de chaque sexe sur la terre, & la multitude des hommes répandus aujourd’hui sur la surface est-elle le produit d’une progression continue de générations dont ce couple originel & solitaire est le premier terme.

Cela ne paroîtra pas impossible, si l’on considere avec quelle prodigieuse abondance l’espece humaine se reproduit ; quoique de toutes les especes d’êtres connues, elle soit une des moins fécondes.

Dans une table de progression donnée par M. Wallace, savant auteur anglois, dans un ouvrage qu’il a publié sur le nombre des hommes, & qui a été traduit dans notre langue ; il établit, qu’à commencer par ce premier couple, & en supposant qu’il n’ait procréé, ainsi que tous les couples qui en sont provenus, que six enfans chacun, moitié mâles & moitié femelles, le nombre des hommes a dû s’accroître en 1233 ans, c’est-à-dire, depuis la création jusqu’aux approches du déluge, à la quantité de 412, 316, 860, 416 ; en supprimant le tiers des enfans nés pour ceux qui ne parviennent pas à l’âge de maturité, & ne faisant produire chaque couple, qu’à l’âge de 27 ans à-peu-

près, & en divisant le nombre des années qui forment

cette époque en 37 périodes de 33 ans chacune.

Ce calcul pourroit paroître spécieux, si l’expérience ne lui étoit pas contraire. Le nombre des enfans supposés engendrés par chaque couple, n’est pas trop considérable ; il est plus ordinaire de le voir excéder dans chaque mariage que d’en voir provenir un nombre moindre. La soustraction du tiers de ces enfans pour ceux qui meurent avant l’âge de maturité, paroît encore suffisante. Il en meurt davantage, dira-t-on : oui ; mais il faut observer que c’est sur un plus grand nombre qui naissent, ce qui ne diminue rien au produit total résultant des calculs de M. Wallace. Car, si en effet sur 15 ou 16 enfans, qu’il n’est pas rare de voir sortir d’un même pere & d’une même mere, il en périt la moitié, ou même les deux tiers dans l’enfance, le reste sera toujours plus considérable que cet auteur n’en laisse subsister de chaque couple.

Si cette propagation est vraissemblable, si le nombre des enfans qui naissent communément de chaque mariage, prouve que les produits assignés par M. Wallace ne sont pas trop forts, de quel nombre d’hommes la terre ne devroit-elle pas être couverte ? Elle ne pourroit plus contenir la multitude de ses habitans. Car si l’on calcule sur le même principe la propagation depuis le déluge, on trouvera que la quantité en seroit innombrable. Elle le seroit même encore, en réduisant à moitié les produits supposés dans l’ouvrage que nous avons cité.

Les trois fils de Noë, avec lui sauvés du déluge, avoient chacun leur femme. Il y avoit donc trois couples alors pour multiplier. La propagation a donc dû être beaucoup plus rapide & plus abondante que dans l’époque antécédente où elle n’avoit commencé que par un seul couple ; ainsi, comme nous l’avons déja dit, en la réduisant à moitié de celle que M. Wallace suppose pendant cet intervale précédent, il seroit encore impossible de nombrer la quantité des hommes qui subsisteroient ; puisque, indépendamment de la plus grande quantité de multiplians, il se trouve aussi un beaucoup plus grand espace de tems depuis le déluge jusqu’à présent que depuis la création jusqu’au déluge, qui est la période calculée, laquelle n’en contient que 37 de 33 ans un tiers chacune, au lieu que la seconde en comprend 123 de la même étendue.

M. de Voltaire dit dans le premier volume de l’essai sur l’histoire générale : « que des savans chronologistes ont supputé qu’une seule famille après le déluge toujours occupée à peupler, & ses enfans s’étant occupés de même, il se trouva en 250 ans beaucoup plus d’habitans, que n’en contient aujourd’hui l’univers ».

Le genre humain est bien loin d’être en effet si nombreux. M. Wallace établit lui-même par un autre calcul, qu’en fixant l’étendue de la terre d’après les observations de Thomas Templeman, dans sa nouvelle revue du globe, & prenant le terme moyen de la population des différens états de l’Europe, supposant ensuite le reste de la terre habitée dans la même proportion, elle doit contenir mille millions d’hommes.

D’où vient donc cette prodigieuse différence ? Les hommes n’ont-ils autant multiplié que pendant un tems ? Quand on ne fixeroit par une évaluation commune le produit de chaque couple qu’à deux enfans, ils seroient infiniment plus nombreux ; en le réduisant à un seul, le genre humain n’existeroit plus. La cause d’un effet si extraordinaire mériteroit bien d’être recherchée. Supposer avec M. Wallace que l’espece humaine est dépérie en elle-même, & diminuée en quantité : prétendre en trouver la raison dans les maux physiques & moraux qui l’assiegent, tels que la