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la rate une âcreté vitale, sont encore plus chimériques, car il n’y a pas le moindre acide dans la rate, & le lait ne s’y caille jamais. Vains jouets de l’imagination, disparoissez à la vûe des vérités anatomiques.

Est-il probable qu’on soit impuissant & stérile quand la rate est détruite ? Non sans doute, & c’est plutôt le contraire. Les parties génitales sont éloignées de la rate de tout le péritoine. De plus, on sait que les chiennes sans rate ne sont pas moins fécondes ni moins avides du mâle. Tant qu’on ne raisonnera pas sur des principes tirés de la structure des parties, on ne fera que des systèmes propres à nous égarer.

Je pardonnerois plutôt aux anciens qui ont établi dans la rate le trône des ris, de la joie, & le siége des plaisirs du siecle de Saturne ; du-moins est-il vrai que quand la rate fait bien ses fonctions, on dort mieux, on est plus gai & plus content, mais c’est que rien ne gêne le cours du sang & des esprits.

Après tout, notre système physiologique sur la rate peut seul être en état de satisfaire à plusieurs questions, autrement assez obscures ; par exemple,

Que font la situation, le volume, le voisinage de la rate, la façon dont elle est suspendue ? Que nous apprennent la situation, la naissance, la capacité de l’artere splénique ? Je réponds, que la rate, voisine du diaphragme, du cœur, de l’estomac, & des muscles du bas-ventre qui l’entourent, est ainsi placée pour mieux recevoir l’action de toutes ces parties. Ce viscere est ainsi suspendu afin de pouvoir être également comprimé de toutes parts, par rapport aux besoins du sang qui s’y filtre. L’artere splénique, la plus grande des arteres du bas-ventre, libre dans son trajet, est avantageuse à la rate, parce qu’elle fournit promptement une grande abondance de sang qui circule avec rapidité.

Pourquoi un animal qui a la rate coupée devient-il plus lascif ? La situation de l’artere spermatique en donne la raison. Le sang de l’aorte ne pouvant plus passer par l’artere splénique liée & bouchée, est forcé de couler plus abondamment dans les vaisseaux spermatiques ; ainsi la secrétion étant augmentée, augmente le desir de l’évacuer ; mais comme le manque de rate coûte beaucoup au foie, cette lasciveté est de peu de durée.

D’où vient que le même animal à qui on a coupé la rate pisse très-souvent ? C’est parce que la lymphe qui couloit par l’artere céliaque dans la rate, est obligée d’entrer dans les arteres émulgentes qui sont peu éloignées de l’artere céliaque.

D’où vient que les animaux qui n’ont point de rate sont plus voraces que les autres ? Cela doit arriver, tant parce qu’il se filtre plus de suc gastrique, une des causes de la faim, que parce que la contraction du ventricule augmente, & toujours par la même raison, qui est que le sang de la céliaque entre en plus grande quantité dans les rameaux qui se distribuent à l’estomac ; ainsi le ventricule étant évacué plus promptement, la voracité renaît ; mais elle dure peu, parce que la chylification se dérange.

D’où viennent les borborigmes, les nausées, les vomissemens qui arrivent les premiers jours qu’on a fait l’extirpation de la rate à quelque animal ? La situation des nerfs spléniques & stomachiques en donnent la raison. Le cours du sang & des esprits dans les intestins est entierement troublé ; telle portion qui en reçoit plus que de coutume, se contracte plus vivement, & l’air qui séjourne entre deux barrieres nouvelles, est poussé fortement & par secousses.

Par quelle raison, après l’extirpation de la rate, l’animal qui a souffert cette opération, est-il abattu, triste & tourmenté de la soif ? Je répons que cet animal a souffert des douleurs violentes qui ont dû

troubler toute l’économie des parties voisines ; les nerfs sympathiques en restent ébranlés, & les impressions de la douleur subsistent long tems.

On remarque aussi que le foie grossit, ou se flétrit, ou s’enflamme dans les animaux qui n’ont pas de rate ; si ce viscere est en bon état, il doit grossir, par la même raison qu’un rein grossit quand l’autre est perdu ; mais s’il est mal disposé, il peut se flétrir ou s’enflammer, parce qu’il se trouve privé d’une grande quantité de lymphe qui lui venoit de la veine splénique.

On observe encore qu’après l’extirpation de la rate, l’hypocondre droit paroît plus élevé ; cela procede de ce qu’on a extirpé la partie qui élevoit l’hypocondre gauche ; outre qu’alors le foie s’augmente communément par la plus grande quantité de sang qui y circule.

On demande enfin par quelle raison les hypocondriaques & les spléniques sont sujets à tous les maux & accidens dont on vient de parler. Pour quelle raison sont-ils pâles, & pourquoi cependant sont-ils quelquefois provoqués à rire sur des riens ?

Les hypocondriaques en qui la rate obstruée ne fait pas ses fonctions, doivent être sujets à-peu-près aux mêmes symptomes que les animaux auxquels on a enlevé la rate ; c’est à-peu-près la même chose dans l’économie animale que la rate manque, ou qu’elle ne fasse pas ses fonctions.

La pâleur vient peut-être 1°. de ce que les veines mesentériques qui sont extrèmement grosses, retiennent une grande quantité de sang : 2°. de ce que le sang trop épais ne sauroit entrer dans le réseau qui colore la peau.

Quoique les hypocondriaques soient ordinairement fort tristes, il leur arrive cependant de rire le plus dans certaines occasions & sur des bagatelles ; c’est parce qu’alors le sang regorge dans les artères diaphragmatiques. On conçoit encore que les esprits refluent alors des nerfs de la rate dans les nerfs du diaphragme qui sont voisins, & l’on sait que le ris ne manque pas de survenir quand les nerfs du diaphragme viennent à être ébranlés. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Rate maladie de la, (Médecine.) le viscere attaché dans l’hypocondre gauche, suspendu au diaphragme, contenant dans ses cellules une grande quantité de sang moins disposé à s’épaissir que partout ailleurs, est le viscere qu’on nomme la rate ; ce viscere dépourvu d’un émonctoire particulier, & doué d’un mouvement propre, est sujet à grand nombre de maladies.

1°. Il est vrai que l’absence & le défaut de cette partie, quand le volume du foie se trouve plus considérable qu’à l’ordinaire, prouve qu’elle n’est pas absolument nécessaire à la vie, mais elle l’est à la santé.

2°. Les grandes blessures de la rate sont communément mortelles. La contusion & la compression qu’elle peut éprouver, produit une dureté très-difficile à résoudre : c’est le chef-d’œuvre de l’art d’y réussir.

3°. Ceux qui ont la rate enflée, sont appellés vaporeux, rateleux ; souvent on confond cette maladie avec la mélancolie, la colique, ou le gonflement de la partie gauche du foie ; souvent aussi l’enflure vient d’hydropisie, d’hydatides ; & alors la rate est attaquée de relâchement & de froideur. Les sujets qui se trouvent dans ces divers cas, sont ordinairement soulagés, lorsqu’il leur survient une diarrhée, à moins que cette diarrhée ne soit produite par la compression du réservoir lombaire. Ces sortes de tumeurs, à raison de leurs différentes causes, sont d’un traitement trop difficile ; l’enflure de la rate accompagnée de dureté, de skirrhe, d’écrouelles,