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En effet, les Rasenæ étoient venus par terre en Italie. Ils y pénétrerent par le Trentin & par les gorges de l’Adige ; & le pays qu’ils occuperent d’abord avoit toute une autre étendue que l’Etrurie proprement dite, comme Polybe l’assure en termes formels. Auteurs de leur plus grande puissance, ils avoient été maîtres non-seulement de l’Etrurie, mais encore de presque toute l’Ombrie, & de tout ce qu’envahirent depuis les Gaulois Cenomani, Boii & Lingones ; c’est-à-dire, de toute la contrée qui s’étend des deux côtés du Pô, depuis l’Adda jusqu’à la mer. Ainsi, pour lors, ils touchoient aux Alpes, dont ils étoient originaires, & n’avoient fait, à proprement parler, que reculer les bornes de leur ancienne patrie, sans en sortir. Les pays qui séparent la Rhétie de la Toscane ayant été dans la suite conquis sur eux par d’autres peuples, cette séparation fit perdre de vue la trace de leur premiere origine. (D. J.)

RASER, v. act. (Gramm.) c’est abattre une chose au ras d’une autre. Raser la barbe, c’est la couper au ras du visage ; une maison, c’est l’abattre à ras de terre. Raser signifie aussi toucher légerement. Cette balle a rasé la corde. Voyez les articles suivans.

Raser, (Critique sacrée.) La loi portoit que les lévites pour exercer leurs fonctions fussent purifiés, & eussent tout le poil du corps rasé. Nomb. viij. 7. Les lépreux, au septieme jour de leur purification, devoient en faire autant. Lév. xiv. 9. Dans les grandes calamités, tout le peuple ne devoit paroître que rasé. Is. xv. 2. Les prêtres seuls étoient exceptés de la loi. Lév. xxj. 5. Quelquefois cependant on laissoit croître sa barbe pour marquer le deuil, ou la part qu’on prenoit aux malheurs d’un ami. Raser toute la barbe & tous les cheveux de quelqu’un, ou la moitié de l’un & de l’autre, c’étoit chez les Juifs une très grande insulte. II. Rois, x. 4. Ainsi raser tous les poils est une expression figurée qui veut dire outrager, maltraiter avec la derniere rigueur ; c’est pourquoi quand Isaïe, vij. 20, déclare que l’Eternel empruntera un rasoir pour raser le poil du corps de son peuple, ces paroles signifient que Dieu se servira pour punir son peuple du glaive des Assyriens. Raser la poussiere d’une ville, dans le langage du même prophete, ch. xij. v. 25, c’est ruiner une ville de fond en comble. (D. J.)

Raser la maison, (Hist. anc. & mod.) c’étoit chez les Romains une des peines de celui qui aspiroit à la tyrannie. Valere Maxime, liv. VI. ch. iij. rapporte que Sp. Cassius convaincu d’avoir tenté de se rendre maître de la république, fut condamné par le sénat & par le peuple à la mort, dont trois consulats & un magnifique triomphe ne purent le garantir. Le peuple n’étant point encore satisfait, on abattit sa maison pour augmenter son supplice, par la destruction de ses dieux domestiques : Ut penatium quoque strage puniretur.

On sévit aujourd’hui de la même maniere contre les coupables de lése-majesté ; & l’assassinat du roi de Portugal vient d’être suivi du bannissement de l’ordre entier des Jésuites hors de ce royaume, & de la démolition de toutes leurs maisons.

Raser, (Marine.) c’est ôter à un vaisseau ce qu’il a d’œuvres mortes sur les hauts.

Raser, terme de Maréchal. Ce mot se dit en parlant des coins ou dents du cheval. Un cheval qui rase ou qui a rasé, est un cheval qui n’a plus les coins creux, c’est-à-dire dont la dent est rase & unie : ce qui arrive environ à la huitieme année du cheval. Ecole du manege. (D. J.)

Raser, en terme de Layettier, c’est mettre l’extrémité des planches de niveau entr’elles.

Raser, terme de Chasse. Ce mot se dit du gibier qui se tapit contre terre pour se cacher. La perdrix se rase quand elle apperçoit des oiseaux de proie.

Raser l’air, terme de Fauconnerie. Il se dit de l’oiseau lorsqu’il vole sans remuer presque les aîles, & sans daguer.

RASETTES, ou Régulateur, (Lutherie.) Dans les jeux d’anches des orgues, ce sont de petites verges de fil-de-fer représentées fig. 53. Planch. d’orgue, g E F ; g est une entaille du petit crochet, sous lequel en frappant avec le tranchant d’un couteau, on retire la rasette que l’on enfonce en frappant avec le dos ou le plat du couteau sur la partie supérieure. E, la tige ; F, la partie inférieure recourbée, comme on le voit dans la fig. La partie f s’applique sur la languette des jeux d’anches, & sert à l’y tenir assujettie en un certain point. Voyez Trompette. La tige de la rasette passe par un trou fait à la noix C du tuyau, & par un autre trou fait à la bague D. Voyez la fig. 44. Pl. d’orgue, & l’article Orgue, où l’usage de la rasette est expliqué.

RASEZ, (Géog. mod.) petit pays de France dans le bas Languedoc, avec titre de comté, dont la petite ville de Limoux est le chef-lieu. Ce comté fut donné par Charles-le-chauve en 871, à Bernard II. comte de Toulouse ; mais depuis S. Louis il a toujours appartenu à la couronne. (D. J.)

RASGRAD, ou Hrasgrad, (Géog. mod.) ville des états du turc, dans la Bulgarie, entre Rotzig & Ternoo. Le grand-seigneur y tient un sangiac pour avoir le passage du Danube libre.

RASICULMO, (Géog. mod.) cap sur la côte septentrionale de la Sicile ; c’est celui qui forme la pointe orientale du golfe de Milazzo. Les anciens le nommoient Tralerium promontorium. (D. J.)

RASIERE, s. f. (Mesure seche.) Il y a deux sortes de rasieres ; l’une que l’on nomme à Dunkerque rasiere ou mesure de mer, & l’autre que l’on appelle rasiere de terre. La premiere pese 280 livres, & quelquefois jusqu’à 290 livres ; & la seconde ne pese que 245 liv. Savary. (D. J.)

RASINA, (Géogr. anc.) C’est une riviere ou un ruisseau qui se jette dans le Pô. Ortelius dit que c’est un fleuve dont Martial fait mention l. III. ep. 67.

Vaterno Rasinâ que pigriores.

(D. J.)

RASOIR, s. m. (Coutellerie.) instrument composé d’un taillant d’acier fin, & d’une châsse de bois, d’écaille, ou de baleine, duquel instrument tranchant & affilé on se sert pour faire la barbe.

Voici la maniere dont se fait le rasoir dans la boutique du Coutelier. Vous alongez votre acier en pente, comme si vous vous proposiez de lui former un tranchant d’un côté & un dos de l’autre. Observez de mettre la partie saine de l’acier au dos, parce que c’est ce dos qui formera dans la suite du travail le tranchant du rasoir. Votre barre d’acier étirée en pente, doit avoir environ une ligne d’épaisseur à l’extrémité de sa pente, & trois lignes environ au dos ; quant à la largeur, elle est de 9 lignes ou environ dans toute la longueur de la barre. Vous la séparez ensuite en petits morceaux d’un pouce de longueur sur la tranche à queue qui est placée dans un trou pratiqué à la base de la bigorne de l’enclume. Quand toutes ces séparations sont faites, ce qui s’exécute en deux ou trois chaudes, vous trempez la barre ainsi divisée par ces séparations obliques, dans de l’eau fraîche ; vous frappez ensuite la barre froide de petits coups de marteau, & elle se casse à toutes les séparations, & se distribue en petits morceaux d’acier en talus, minces d’un côté, épais de l’autre, qu’on appelle bobeches.

Les bobeches étant faites, comme il n’est pas nécessaire que le dos d’un rasoir soit d’un acier aussi fin que son tranchant, on prend un morceau d’acier de Nevers, qu’on alonge, & auquel on donne la même forme qu’à celui d’Angleterre, dont on a fait les bo-