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enlevement ; on l’appelle aussi raptus in parentes, parce qu’il se commet contre le gré des parens ; ce rapt fut puni par Solon encore plus séverement que celui qui auroit été commis par violence.

L’enlevement des filles & femmes a toujours été suivi de grands malheurs, & a même souvent occasionné des guerres sanglantes ; tel fut l’enlevement de Dina, fille de Jacob, qui porta Siméon & Lévi ses freres à massacrer les Sichimites ; tel fut encore l’enlevement de la belle Hélene qui fut cause de la destruction de Troye.

Il y avoit une loi à Athènes que quelques-uns attribuent à Solon, d’autres à Dracon, qui condamnoit le ravisseur à épouser celle qu’il avoit ravie, ou à subir la mort.

Les Romains furent d’abord peu délicats sur le rapt, témoin l’enlevement des Sabines. Dans la suite ils établirent des peines, mais assez légeres pour un si grand crime. La loi Julia de vi publicâ, au ff. ne prononçoit que l’interdiction de l’eau & du feu, à laquelle succéda la déportation.

Ces peines furent changées & augmentées dans la suite, à mesure que le crime de rapt devint plus fréquent. On peut voir dans le Code théodosien les constitutions faites sur ce sujet par les empereurs Constantin, Constance, Majorien & Jovien.

Justinien a refondu toutes ces lois dans la loi unique, au code de raptu virginum & viduarum ; il ordonne par cette loi que tous les ravisseurs des vierges ou femmes mariées seront, ainsi que leurs complices, punis de mort & leurs biens confisqués, lorsque les personnes ravies étoient de condition libre ; & si le ravisseur étoit de condition servile, il y avoit contre lui peine du feu : il déclare que le consentement de la personne ravie, ni celui de ses pere & mere, donné depuis l’enlevement, ne pourront exempter le ravisseur de cette peine ; que les pere & mere qui dans ce cas garderont le silence, ou qui s’accommoderont à prix d’argent, subiront eux-mêmes la peine de la déportation : il permet aux pere & mere, tuteurs & curateurs, freres & sœurs, maîtres & parens de la personne ravie, de tuer le ravisseur & ses complices qu’ils surprendroient dans l’acte même de l’enlevement ou dans leur fuite ; il ne veut pas que le ravisseur puisse s’aider de la prescription ni de la voie de l’appel, ni qu’il puisse jamais épouser la personne ravie quand même elle ou ses parens y consentiroient.

La loi raptores cod. de episcop. & cleric. qui concerne le rapt des religieuses & des diaconesses, porte qu’outre la peine de mort les biens seront confisqués au profit du monastere des religieuses ou de l’église à laquelle la personne ravie étoit attachée ; elle permet aussi au pere & autres parens, tuteurs & curateurs de tuer le ravisseur surpris en flagrant délit.

La novelle 123. prononce la même peine de mort contre le ravisseur & ses complices, soit que la religieuse ait consenti ou non, & au cas qu’elle ait consenti, la loi veut qu’elle soit punie sévérement par la supérieure du monastere.

Par rapport à la confiscation, les novelles 143 & 150. décident qu’elle appartiendra au fisc & non à la personne ravie, ni à ses parens qui s’en sont rendus indignes pour n’avoir pas veillé suffisamment à la garde de leurs enfans.

L’église, outre la peine de l’excommunication, défendoit autrefois au ravisseur de jamais épouser la personne ravie, même de son consentement.

Mais par le droit nouveau l’on a permis le mariage lorsque la fille ayant été remise en liberté, persiste à consentir au mariage.

Le concile de Trente ordonne la même chose, & veut de plus que le ravisseur dote la personne ravie à l’arbitrage du juge.

Les anciennes lois des Francs, telles que les lois gombettes & les lois saliques, ne prononçoient contre le ravisseur qu’une amende plus ou moins forte, selon les circonstances.

Mais les dernieres ordonnances ont avec raison prononcé des peines plus séveres.

Celle de Blois, art. 42, veut qu’en cas de rapt de filles ou fils mineurs qui sont attirés par blandices à épouser sans le gré & consentement de leurs pere & mere, le ravisseur soit puni de mort sans espérance de rémission & de pardon, & nonobstant tout consentement que les mineurs pourroient alléguer par après avoir donné audit rapt ; elle veut aussi que l’on procede extraordinairement contre tous ceux qui auront participé au rapt.

La déclaration du 26 Novembre 1639, veut pareillement que les ravisseurs de fils, filles ou veuves soient punis de mort & leurs complices, sans que cette peine puisse être moderée.

Elle déclare même les filles, veuves, mineures de vingt-cinq ans, qui après avoir été ravies contracteront mariage contre la teneur des ordonnances, notamment de celle de Blois, privées par le seul fait, les enfans qui en naîtront, de toutes successions directes & collatérales, & de tous droits & avantages qui pourroient leur être acquis par mariage, testamens, dispositions de coutume, même de la légitime, voulant que le tout soit confisqué & employé en œuvres pies.

Cette même loi déclare les mariages faits avec les ravisseurs pendant que la personne ravie est en leur possession, non valablement contractés, sans qu’ils puissent être confirmés par le tems ni par le consentement des pere & mere, tuteurs & curateurs, & s’ils sont faits après que la personne ravie a été remise en liberté, ou qu’étant majeure elle ait donné un nouveau consentement pour le mariage, les enfans qui naitront de ce mariage sont déclarés indignes & incapables de légitime & de toute succession, & les parens qui auroient favorisé ces mariages sont aussi declarés incapables de succéder aux personnes ravies, & défenses sont faites à toutes personnes de solliciter pour eux des lettres de réhabilitation.

L’ordonnance de 1670 met le crime de rapt au nombre de ceux qui ne sont pas susceptibles de lettres de grace ; mais elle n’entend parler que de rapt fait par violence & non du rapt de séduction.

Toutes ces dispositions ont encore été confirmées par la déclaration du 22 Septembre 1710, par laquelle il est défendu d’exempter de la peine de mort le ravisseur qui consentoit d’épouser la personne ravie, comme cela se pratiquoit en Bretagne & dans quelques autres provinces.

Sur le rapt, voyez le décret de Gratien, de raptoribus ; le code théodosien & le code de Justinien, tit. de raptu virginum ; Julius Clarus, Fontanon, Papon, Despeisses, Gui Pape, & le traité des matieres criminelles de M. de Vouglans.

RAPTA, (Géog. anc.) ville de l’Ethiopie, sous l’Egypte, située vraissemblablement sur le bord du fleuve Raptus. Arrien, dans son périple de la mer Rouge, dit que Rapta étoit le dernier entrepôt de l’Azanie (aujourd’hui Aïan) ; c’est là que ce navigateur finit sa course, en ajoutant qu’au-delà, l’Océan n’est pas trop bien connu, qu’il tourne vers le couchant, & qu’il va se mêler avec la mer occidentale, au sud de l’Ethiopie, de l’Afrique & de la Libye.

Ptolomée place la ville de Rapta, & le fleuve Raptus au 7e degré de latitude. On croit communément que le fleuve Raptus est la riviere de Zébée d’aujourd’hui, qui prend sa source assez près de la rade de Maleg (l’Astapus des anciens), & qui se jette dans la mer à Quilmanci, dans le royaume de Mélinde ; mais ne seroit-il pas plûtôt la rade de Cua-