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porté ès prisons du fort-l’évêque, aux fins de voir & visiter, au desir de ladite ordonnance, la nommée Jaqueline Bataille, âgée de 50 ans ou environ, à laquelle j’ai remarqué une glande tuméfiée & disposée à suppurer, située sous l’aisselle gauche, & un grand nombre de pustules dartreuses aux fesses & aux cuisses, outre qu’elle s’est plainte à moi d’avoir la fievre considérablement les soirs ; toutes lesquelles indispositions me paroissent être causées par un sang échauffé & corrompu, devenu tel par le mauvais air qu’elle respire depuis longtems, & par l’usage des mauvais alimens dont elle a été nourrie ; c’est pourquoi j’estime, sous le bon plaisir néanmoins de mesdits sieurs du grenier à sel, que ladite prisonniere a besoin pour guérir de ses incommodités, d’être saignée, purgée, & traitée suivant les regles de l’art, de respirer un meilleur air, & d’user de bons alimens. De plus, elle doit coucher, boire, & manger seule jusqu’à ce qu’elle soit en état de faire les remedes nécessaires ; sans ces remedes, elle ne manquera pas de communiquer ses maux aux autres prisonniers. Fait à Paris, les jour & an que dessus.

Rapport de la condition d’un coup d’arme à feu, pour savoir si l’arme a crevé dans la main du blessé, ou si le coup a été tiré exprès sur sa personne. Rapporté par moi soussigné maître chirurgien juré à Paris, que de l’ordonnance verbale de nosseigneurs du grand-conseil, j’ai vû & visité le nommé Edme Hamon dit Langevin, en présence de M. Lucas, procureur de la partie, qui ont requis de moi, si les blessures dudit Langevin ont été faites par une arme à feu crevée dans les mains du blessé, ou par un coup de cet arme qui lui auroit été porté en-dehors. Après avoir considéré avec attention toutes les cicatrices, leurs figures & leur situation, je les ai trouvées trop ramassées entre elles pour procéder d’une arme crevée entre les mains du blessé, laquelle cause toujours à la main de terribles écartemens, qui produisent des cicatrices fort étendues ; ce qui me fait croire que ces cicatrices ont succédé à un coup qui a été tiré de propos délibéré sur la personne dudit Langevin. Fait à Paris ce 14 Avril 1662.

Rapport d’estimation de pansemens & médicamens pour une fracture compliquée à la cuisse. Nous médecin & chirurgien du roi en son châtelet de Paris, soussignés, certifions qu’en vertu d’une sentence contradictoire rendue au châtelet par M. le lieutenant civil, en date du 15 Février 1695, laquelle ordonne que les pansemens faits & fournis au sieur T… capitaine au régiment de, par le sieur B… chirurgien major des hôpitaux du roi, seront par nous prisés & estimés, après avoir préalablement vû & visité ledit sieur T… pour certifier de sa guérison, nous avons procédé à ladite visite, & que nous avons remarqué audit sieur T… deux cicatrices encore récentes, très considérables & fort profondes ; savoir l’une située à la partie moyenne & antérieure de la cuisse droite, & l’autre à la partie moyenne & postérieure de la même cuisse, pareille à la précédente, que ledit blessé nous a dit être les vestiges d’un coup de mousquet, traversant la cuisse de part en part, & fracturant l’os dans son passage ; laquelle plaie nous a paru très-bien guérie, & avoir été très-sagement traitée ; ensorte que bien loin que le blessé ait lieu de se plaindre de la claudication à laquelle il est réduit, au contraire, nous l’estimons fort heureux que sa cuisse ait pû lui être conservée après une si terrible blessure. Sur quoi nous étant appliqués à l’examen du mémoire qui nous a été mis ès mains par ledit sieur B… & après avoir pesé juridiquement sur les soins, sujétions & assiduités qu’il a été obligé de rendre audit blessé pendant plus de sept mois, tant en la ville d’Ath, qu’en cette ville de Paris, nous estimons que bien que la somme de 1200 liv. demandée par ledit

sieur B… ne soit pas exorbitante par rapport à un traitement aussi considérable, & à son heureux succès, il doit néanmoins se contenter de celle de 800 l. attendu qu’il nous est notoire que les biens dudit sieur T… ne répondent pas tout-à-fait à sa qualité & à sa naissance. Fait à Paris le 16 dudit mois & an.

Rapport fait par des matrones de leur visite d’une fille de trente ans qui avoit été forcée & violée. Nous Marie Mirau, Christophlette Reine, & Jeanne Portepoulet, matrones jurées de la ville de Paris, certifions à tous qu’il appartiendra, que le 22e jour d’Octobre de l’année présente 1672, par l’ordonnance de M. le prevôt de Paris, en date du 15 de cedit mois, nous nous sommes transportés dans la rue de Pompierre, en la maison qui est située à l’occident de celle où l’écu d’argent pend pour enseigne, une petite rue entre deux, où nous avons vû & visité Olive Tisserand, âgée de trente ans ou environ, sur la plainte par elle faite en justice contre Jacques Mudont, bourgeois de la ville de la Roche-sur-Mer, duquel elle a dit avoir été forcée & violée.

Le tout vû & visité au doigt & à l’œil, nous avons trouvé qu’elle a les toutons dévoyés, c’est-à-dire la gorge flétrie ; les barbes froissées, c’est-à-dire l’os pubis ; le lippion recoquillé, c’est-à-dire le poil ; l’entrepet ridé, c’est-à-dire le périnée ; le pouvant débiffé, c’est-à dire la nature de la femme qui peut tout ; les balunaux pendans, c’est-à-dire les levres ; le lippendis pelé, c’est-à-dire le bord des levres ; les baboles abattues, c’est-à-dire les nymphes ; les halerons démis, c’est-à-dire les caroncules ; l’entrechenat retourne, c’est-à-dire les membranes qui lient les caroncules les unes aux autres ; le barbideau écorché, c’est-à-dire le clitoris ; le guilboquet fendu, c’est-à-dire le cou de la matrice ; le guillenard élargi, c’est-à-dire le cou de la pudeur ; la dame du milieu retirée, c’est-à-dire l’hymen ; l’arriere-fosse ouverte, c’est-à-dire l’orifice interne de la matrice. Le tout vû & visité feuillet par feuillet, nous avons trouvé qu’il y avoit trace de… &c. Et ainsi nous dites matrones, certifions être vrai à vous M. le prevôt, au serment qu’avons fait à ladite ville. Fait à Paris le 23 Octobre 1672.

Ce rapport de matrones avec l’explication des termes ici transcrite, est tiré du tableau de l’amour du sieur Nicolas Venette, médecin. On l’a copié sur le dictionnaire de Trévoux.

Rapport de la visite d’une fille de dix ans, qui avoit été violée, & qui avoit en même tems contracté la vérole. Rapporté par nous chirurgiens du roi, en sa cour de parlement, maître chirurgien juré à Paris, & maîtresse sage-femme jurée en titre d’office au châtelet de ladite ville, qu’en vertu d’une requête répondue par M. le lieutenant-criminel, en date du 27 Septembre dernier, laquelle ordonne que M. A. L. C. agée de dix ans, fille de Joseph L. C. joueur d’instrumens, & de R. N. sa femme, sera par nous vue & visitée, nous nous sommes à cet effet assemblés en la maison de J. B. l’un de nous, auquel lieu ladite M. A. L. C. nous a été amenée par son pere ; lequel, avant qu’on procédât à la visite en question, nous a dit que sa-dite fille avoit été violée il y a six mois ou environ, & que deux mois après ladite violence, il lui avoit paru des pustules en différentes parties de son corps, accompagnées d’une inflammation douloureuse au pharynx, & d’une grande douleur de tête. Sur quoi l’ayant visitée en tout son corps, nous avons remarqué à sa vulve les vestiges d’une contusion & d’un écartement, qui ont procédé de l’intromission que l’on a faite en cette partie, que nous avons trouvée toute humectée du suintement des glandes vaginales. De plus, nous avons remarqué à ladite fille une inflammation ulcéreuse, & un gonflement sensible aux glandes du gosier, nommées amygdales, & quantité de pustules plates & farineuses à la tête, aux bras,