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& que cet aveuglement le conduit à l’erreur.

13°. Il est enfin fort à propos que les rapports en Chirurgie soient faits sans connivence, & avec tout le secret possible ; c’est pour cela que l’ordonnance porte qu’on les délivrera cachetés, parce que la révélation du secret attire souvent l’impunité du crime, & la persécution de l’innocence.

Des certificats d’excuses ou exoënes. On entend par l’exoëne ou le certificat d’excuse, une certification par écrit donnée par un médecin ou par un chirurgien, conjointement ou séparément, sur l’état des particuliers, soit à leur simple requisition ou par ordonnance de justice, tendant à faire connoître à tous ceux qui ont droit d’y prendre part ; la vérité des causes maladives qui peuvent les dispenser valablement de faire bien des choses dont ils seroient tenus, s’ils jouissoient d’une santé parfaite.

Ces sortes de certifications sont de trois especes ; savoir ecclésiastiques, politiques, & juridiques.

Les exoënes ecclésiastiques tendent à obtenir du pape, des evêques, des prélats, & de tous ceux qui ont quelque supériorité dans la hiérarchie ecclésiastique, des dispenses concernant l’exercice de certaines fonctions bénéficiales, l’observation des lois canoniques, la dissolution du mariage sur faits d’impuissance, attribuée à l’un ou à l’autre des conjoints.

Les exoënes politiques regardent tout l’état en général, ou le service des maisons royales en particulier.

Les premiers se font en France, à la requisition de ceux que leurs maladies ou leurs blessures empêchent de vaquer à leurs charges, emplois, & fonctions. Ceux de la seconde espece qui regardent le service des maisons royales, sont demandés par les officiers de ces maisons. Dans ces sortes d’exoënes politiques, on n’observe aucune formalité judiciaire, étant de simples certificats qui sont délivrés par ordre des supérieurs, ou à la requisition des particuliers. La seule précaution qu’on y apporte, est de n’y avoir aucun égard, que lorsqu’ils sont donnés par des médecins ou chirurgiens d’une réputation connue, & non suspects de subornation.

Les exoënes juridiques ont lieu dans les procédures civiles & criminelles, pour retarder le jugement d’un procès, dont l’instruction ou la poursuite demande la présence des parties.

Elles sont encore requises ou ordonnées, lorsqu’il est question d’élargir, de resserrer, ou de transferer un prisonnier que le mauvais air feroit périr infailliblement ; quand il s’agit de commuer la peine d’un forçat qui n’est pas en état de servir sur les galeres ; d’épargner dans ces pays-ci, ou de modérer les douleurs de la torture à un criminel que sa foiblesse met hors d’état d’en essuyer la violence.

La grossesse ou les couches des femmes, sont encore des raisons valables pour les dispenser de comparoître en personne, afin de répondre aux accusations qui leur sont intentées.

Or il faut pour la validité des exoënes, non-seulement une procuration spéciale de la part des exoënés, par laquelle on affirme à l’audience de la validité de l’exoëne ; mais l’ordonnance veut encore que l’on produise le rapport d’un médecin approuvé, qui ait affirmé de la vérité de sa certification par-devant le juge du lieu.

Au reste, toutes les circonstances marquées pour bien faire les rapports proprement pris, doivent être gardées dans les exoënes juridiques, sur-tout dans la procédure criminelle.

Des rapports comprenant les estimations de visite, pansemens, & médicamens. L’on doit entendre par un rapport d’estimation en Chirurgie, un jugement par écrit donné par un, ou par plusieurs chirurgiens-ju-

rés, sur l’examen d’un mémoire de pansemens & de

médicamens qui leur est remis par un chirurgien auquel le payement en est contesté par celui qui en est le débiteur, soit qu’ils lui ayent été faits ou fournis à lui-même, ou que le chirurgien y ait travaillé par son ordre, ou qu’il ait été condamné par justice à en faire les frais.

Les estimations ont donc lieu en Chirurgie, lorsque les salaires sont contestés par les débiteurs aux chirurgiens qui les ont traités, soit qu’ils refusent absolument d’entrer en payement, ou qu’ils leur fassent des offres qui ne soient pas recevables ; car en ce cas-là, les juges ordonnent que les mémoires concernant les opérations, pansemens, & médicamens en question, seront prisés & estimés par des experts, qui sont quelquefois nommés d’office, mais ordinairement dont les parties conviennent ; le demandeur en nommant un, & le défendeur un autre.

Mais au surplus, soit que les experts ayent été nommés d’office, ou que les parties en soient convenues, on observe toutes les formalités nécessaires, pour que les juges puissent faire droit aux parties avec toute l’équité possible.

Il y a ici des regles générales & particulieres à observer dans toutes sortes d’estimations de Chirurgie.

Par exemple, 1°. les experts doivent considérer le mérite de l’opération, parce que celles qui demandent beaucoup de dextérité & d’expériences, ou qui sont pénibles & laborieuses, doivent être mieux payées que celles qui sont faciles, communes, & que l’on fait sans beaucoup de peine & de travail.

2°. Il faut quelquefois avoir plûtôt égard à l’importance des maladies ; par exemple, un chirurgien qui réunira en fort peu de tems une grande division dans les chairs, par la suture, par la situation, & par un bandage convenable, méritera d’être beaucoup mieux récompensé qu’un chirurgien ignorant qui aura tamponné une semblable plaie, & qui ne l’aura conduite à sa guerison, qu’après une longue suppuration, & qu’après avoir fait souffrir au blessé de cruelles douleurs qu’il lui auroit épargnées, aussi bien qu’un traitement fort ennuyeux, s’il eût été bien versé dans son art, dont une des meilleures maximes l’engage à traiter ses malades promptement, surement, & avec le moins de dérangement qu’il est possible.

Je ne prétends pourtant pas inférer de là, que le tems qu’on emploie dans les traitemens ne doive pas être considéré dans les estimations de Chirurgie, parce qu’il y a des maladies si grandes par elles-mêmes, qui ont de si fâcheuses complications, & auxquelles il survient un si grand nombre d’accidens, que l’on ne peut très-souvent les guérir que par un long traitement. Il y en a même qui sont légeres en apparence, & que la mauvaise disposition des sujets rend néanmoins très-longues & très-difficiles à guérir. Or les experts doivent peser sur toutes ces choses, afin de faire leur estimation avec équité.

3°. L’on doit beaucoup insister dans la taxe d’un mémoire sur la qualité des personnes qui ont été traitées, aussi-bien que sur leurs facultés ; car plus les personnes sont élevées en dignité, plus aussi demandent-elles de sujétions, de soins, de visites, d’assiduités, qui méritent par conséquent une plus ample récompense : outre que les fonctions des Chirurgiens qui n’ont rien de fixe, sont toujours payées à l’amiable par les honnêtes gens, selon le rang qu’ils tiennent, & cet usage doit servir de regle dans les estimations.

La considération des facultés des malades n’est pas moins essentielle en ces rencontres que celle de leurs qualités, parce qu’il y a tel marchand, ou officier de robe, ou sur-tout tel employé dans les fermes, qui