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l’occasion des évocations de la pythonisse, fit par sa propre vertu & indépendamment de l’art magique, paroître aux yeux de Saül une figure de Samuel, qui prononça à ce prince l’arrêt de sa mort & de sa perte entiere. Le rabbin Levi-Ben-Gerson veut que tout ceci se soit passé dans l’imagination de Saül. Ce prince frappé des menaces que Dieu lui avoit faites, & troublé par la vue du danger présent, s’imagina, dit-il, voir Samuel qui lui réitéroit ses menaces, & qui lui annonçoit sa mort prochaine.

Le pere Calmet, de qui nous empruntons ceci, croit que de tous ces sentimens, le mieux fondé est celui qui prétend que Samuel apparut véritablement à Saül ; non que ce fût par la force de la magie de la pythonisse, ni par la vertu du démon, mais par la vertu toute puissante de Dieu, qui pour punir Saül de sa vaine curiosité, permit qu’à l’occasion des évocations de la magicienne, le vrai Samuel lui apparût & lui découvrît son dernier malheur. Il renvoye à ce sujet aux notes de Leon Allatius sur le traité d’Eustathe, intitulé de Engastrimytho, & à sa dissertation particuliere sur ce sujet.

Or dans cette dissertation où il expose & refute fort savamment les divers sentimens que nous avons rapportés ci-dessus, il établit ensuite le sien principalement sur ce passage de l’Ecclésiastique, ch. cxlvj. V. 23. après cela Samuel mourut, & il déclara & fit connoitre au roi que la fin de sa vie étoit proche. Il éleva sa voix du fond de la terre, & prophétisa pour détruire l’impiété de la nation : ce qu’il confirme par un autre des Paralipomenes où il est dit que, Saül mourut pour avoir consulté la pythonisse, & Samuel, lui répondit (disent les septante), & il ne rechercha pas le Seigneur. Or en comparant ces paroles avec le texte sacré du vingt-huitieme chapitre du premier livre des Rois, il en résulte que Saül vit véritablement Samuel ; car 1°. la magicienne ne se fut pas plutôt mis en devoir d’évoquer les manes de celui que Saül demandoit, qu’elle vit Samuel, & jugeant par son air terrible & menaçant qu’il en vouloit à Saül, elle jette un grand cri & dit à ce prince, pourquoi m’avez-vous trompée, car vous êtes Saül ? Celui-ci demande à la pythonisse ce qu’elle voit, elle lui répond qu’elle voit des dieux, ou un juge, un prince, un magistrat qui sort du fond de la terre, & qui a la forme d’un vénérable vieillard revêtu d’un manteau. Saül reconnoit Samuel à cette description, le prophete lui déclare entre autres choses d’une maniere précise, que Dieu le livrera lui & le camp d’Israël entre les mains des Philistins, & il ajoute, vous & vos fils serez demain avec moi. Dire que la pythonisse dans tout ceci contrefit la voix de Samuel, c’est supposer que Saül & aucun de ceux de sa suite n’auroient pû s’appercevoir de la supercherie ; & avancer que le démon fit des prédictions aussi certaines d’évenemens casuels, c’est lui attribuer le don de prédire certainement l’avenir, qu’il ne connoit tout-au-plus que par conjecture. Au reste, cet auteur reconnoit que l’Eglise n’ayant prononcé sur aucun de ces sentimens, il est libre d’embrasser celui qu’on croit le plus vraissemblable. Le sien a ces deux avantages, qu’il n’altere point le sens littéral, & qu’il ne déroge pas à la puissance de Dieu en n’attribuant pas un trop grand pouvoir au démon. Calmet, Dictionnaire de la Bibl. tom. III. pag. 327. & 465. & Dissertat. sur l’apparit. de Samuel à Saül, vers la fin.

Python, s. m. (Mytholog.) les écrits des Poëtes ont rendu ce monstre très-célebre. On en raconte l’histoire bien diversement, & il n’est pas aisé de démêler ce qu’il peut y avoir de vrai dans le prodigieux amas de circonstances fabuleuses dont on l’a enveloppé. Je me garderai bien d’entrer dans ce détail. Je ne m’arrêterai pas davantage à recueillir les moralités qu’on a tirées de cette fable, ni les explications physiques que Macrobe & d’autres en ont

données, ni moins encore les rêveries où les Alchimistes se sont abandonnés sur ce sujet. On auroit autant d’ennui à les lire, que j’en ai eu moi-même, & des esprits raisonnables n’adopteroient point des explications qui n’ont jamais eu de fondement que dans les fictions de l’imagination, ou dans le cerveau de quelques visionnaires qui vouloient faire des livres.

Pausanias en recherchant l’origine du nom de pytho, nous apprend que Delphus, petit-fils de Lycorus, eut un fils nommé Pythis, qui donna le nom de Pytho à la ville de Delphes. Nous trouvons dans ce Pythis le Typhon d’Homere, & le tyran dont parle Plutarque ; car Pausanias écrit à son sujet, que l’histoire qui avoit le plus de cours, étoit qu’il avoit été tué par Apollon à coups de traits, c’est-à-dire qu’on avoit attribué la cause de sa mort à la colere d’Apollon, dont il avoit voulu abolir le culte. On sait de quelle maniere Apollon vengea son prêtre Crysès de l’enlevement de Chryséis, & quels furent les traits qui firent périr tant de braves soldats de l’armée grecque. Pythis après sa mort, continue Pausanias, fut abandonné à la pourriture dans le lieu même où il avoit été tué. On ne pouvoit marquer plus de haine contre un homme après son décès, que de le priver des honneurs de la sépulture. Enfin Pausanias ajoute que les Poëtes avoient fait de ce Pythis un dragon que la terre avoit commis pour garder l’oracle, & pour empêcher qu’on n’en approchât. C’est ainsi que les premiers poëtes ont commencé à déguiser l’histoire de Python sous le voile de la fiction. Ceux qui les ont suivis y ont ajouté de nouvelles circonstances, qui ont achevé de la défigurer.

Il y a encore une autre tradition que le même Pausanias nous a conservée, qui a tous les caracteres de la vraissemblance, & qui est à-peu-près de la même date que la premiere. Un roi de l’île d’Eubée, nommé Crius, eut un fils qui fut un insigne scélérat ; il s’empara de Delphes, pilla le temple d’Apollon, & les maisons des plus riches particuliers, & s’en retourna chargé de butin. Il revint une seconde fois à Delphes, pour y commettre de nouveaux désordres ; les habitans eurent recours à Apollon, & le supplierent de les garantir du danger qui les menaçoit. Phémonoé, pour lors prêtresse d’Apollon, leur fit cette réponse de la part de son dieu : « Le moment fatal approche, Apollon va lancer ses traits sur le brigand du Parnasse. Les prêtres crétois ne souillent point leurs mains dans le sang humain. La mémoire de ce châtiment ne périra jamais ».

Plutarque, dans son traité du silence des oracles, rejette tout ce qu’on dit du combat d’Apollon contre Python, & de la fuite de Python. Il prétend que cette cabane de feuilles que l’on construisoit tous les neuf ans dans le temple d’Apollon, ne représentoit point la demeure d’un dragon, mais celle d’un tyran ou d’un roi, & que le reste de la cérémonie avoit rapport à quelque grand crime commis anciennement par ce tyran.

Si l’on veut prendre la peine de lire son traité d’Isis & d’Osiris, on y verra que la fable du combat d’Apollon contre Python a pris naissance chez les Egyptiens. Orus, fils d’Isis & d’Osiris, étoit parmi les Egyptiens le même qu’Apollon chez les Grecs. Tous ce que les Egyptiens contoient des combats d’Orus contre Typhon, & de son entiere défaite, étoit passé de l’Egypte dans la Grece, & avoit été appliqué au prétendu combat d’Apollon contre le tyran de Delphes, que Homere a appellé Typhon pour le rendre plus odieux ; car le nom de Typhon étoit en abomination chez les Egyptiens. Voyez Typhon. (D. J.)

PYTHONISSE, s. f. (Divinat.) femme possédée de l’esprit python. Voyez Python.

Pythonisse d’Endor, (Critique sacrée.) on sait