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res dans des endroits où il n’y auroit point de pont.

Coroll. XVI. Qu’on pourroit tirer ce corps des autres en prenant tous les ouvriers en fer, en bois, & autres qui s’y rencontreroient, comme charpentiers, menuisiers, charrons, serruriers, taillandiers, couteliers, arquebusiers, maréchaux, mariniers, cordiers, pionniers, &c. & le nommer royal ponton.

Coroll. XVII. Qu’il seroit peut-être à-propos que l’ennemi ignorât le méchanisme de ce pont, & qu’il ne seroit pas impossible qu’il ne le connût de longtems, en prenant les précautions convenables.

Coroll. XVIII. Qu’en levant la premiere des travées qui porte des tréteaux d’un côté de la riviere sur le premier bateau, & la derniere qui porte du dernier bateau sur les tréteaux de l’autre côté de la riviere, on peut, sans le moindre inconvénient, tirer à bord le reste du pont tout assemblé.

Coroll. XIX. Que les charges fortes, loin de rompre le pont, ne font qu’ajouter à sa solidité en fixant les travées & la chaussée sur les sommiers supérieurs ; ensorte que le pont proposé formeroit une machine inébranlable, si on plaçoit sur chaque travée 8000 liv. ou le poids que nous avons démontré qu’elle pourroit aisément soutenir. Si l’on supposoit donc le pont construit sur une riviere de 210 toises, ou de 1260 piés de large, il auroit alors 70 travées, & partant il seroit chargé dans toute sa longueur de 560000 liv. & rendu plus solide par cette énorme charge, que quand il étoit à vuide.

Coroll. XX. Que le méchanicien s’étant proposé de substituer son pont à un pont de pierre, s’il en étoit besoin, il a dû lui donner toute la solidité qu’il a.

Coroll. XXI. Qu’ayant supposé par-tout que le pié cubique de chêne sec pesoit 60 liv. , au lieu que selon les expériences que M. Deslandes a faites, ce bois ne doit peser que 59 liv. lorsqu’il est devenu propre aux constructions (voyez l’essai sur la marine des anciens, pag. 82.), il a fait une supposition qui lui est défavorable ; & qu’il s’ensuit de-là que toutes les parties de son pont sont un peu plus légeres que le calcul ne les donne.

Coroll. XXII. Qu’il ne faut point chercher à diminuer la dépense, en allégeant les parties du pont, par plusieurs raisons : la premiere, c’est que cette diminution de dépense seroit trop peu considérable ; la seconde, c’est qu’en allégeant le pont, on lui ôte nécessairement de sa solidité, & l’on restreint ses usages ; la troisieme, c’est que pour peu que l’on ôte d’équarrissage à une piece de bois, sa force souffre un déchet considérable, car on peut dire que ce déchet est à-peu-près comme les quarrés des bases.

Si donc une piece avoit sept pouces d’équarrissage, & qu’on ne lui en donnât plus que six, sa force dans son premier état, étant à-peu-près à sa force dans le second, comme 49 à 36 ; le déchet de force seroit à-peu-près d’un tiers. D’où l’on voit qu’on ne peut guere alléger des bois d’une bonne force, sans s’exposer à les rendre trop foibles. La quatrieme, c’est que ceux qui auront bien compris le méchanisme du pont, sentiront facilement qu’il est de la derniere importance que les pieces des travées n’arcuent point, ou du-moins que fort peu. Or nous sommes sûrs, & par notre expérience propre, & par les expériences de M. de Buffon, qu’elles n’arcueront point sensiblement, si on leur laisse l’équarrissage que nous leur avons donné.

Coroll. XXIII. Que l’exécution en grand est l’écueil ordinaire des machines, au lieu qu’il est évident que le pont proposé aura d’autant plus de succès, que ses parties seront plus grandes, & sa charge plus considérable. Eloignez la machine proposée de sa vraie destination, & vous lui faites perdre de sa solidité ; rapprochez-la de sa destination, & vous lui restituez sa solidité & ses autres avantages ; ce qui est

le contraire des mauvaises machines. Ce n’est ni pour transporter un poids de 10 livres, ni pour traverser un ruisseau de deux toises, que l’on cherche des ponts ; aussi celui que je propose est-il inutile dans ces cas ; son usage & sa solidité ne commencent que quand les rivieres sont vastes & les poids énormes, c’est-à-dire qu’il est de ressource où les autres ont toujours manqué.

Transport d’un pont de 100 toises, ou 600 piés de long. Si l’on construit ce pont selon les dimensions qu’on a prises dans le mémoire précédent, sur une riviere qui auroit 100 toises ou 600 piés de large, il est évident qu’on auroit besoin de 31 bateaux, de six tréteaux garnis de toutes leurs pieces, ce qui formeroit 34 travées, dont toutes auroient 31 madriers, & dont les unes & les autres seroient alternativement de cinq & six grosses pieces ; ce qui donneroit 1054 madriers, & 187 grosses pieces.

Or il paroît par la premiere partie de la démonstration, où l’on a fait la plus scrupuleuse évaluation des parties du pont & de leurs poids, que chaque grosse piece de travée pese environ 500 livres, & chaque madrier environ 160 livres.

Si donc une voiture à quatre roues porte aisément 3850 livres ou environ, huit grosses pieces de travée, ou 25 madriers de la chaussée, feront sa charge.

Il faudra donc 1°. autant de voitures qu’il y a de bateaux, ou 31 voitures dans le cas présent ; 2°. deux voitures pour les tréteaux & leurs pieces ; 3°. autant de voitures qu’il y a de fois 8 en 187 ; 4°. autant de voitures qu’il y a de fois 25 en 1054, c’est-à-dire 100 voitures pour tout ce pont, ou 3 voitures par travées ou par chaque trois toises. Cependant ce pont a été construit selon des dimensions, telles qu’il peut être substitué à un pont de pierre en cas de besoin.

Dépense des bois nécessaires à la construction dudit pont de 100 toises ou de 600 piés de long. La dépense n’est pas aussi considérable que sa solidité semble l’exiger, ainsi qu’il va paroître par l’estimation de toutes ses parties, faites par les ouvriers mêmes.

lv.
Revêtement d’un bateau. Trois planches de cœur de chêne de 28 piés de long, sur 13 pouces 4 lignes de large, & un pouce six lignes d’épais, 150.
Six planches de 36 piés de long, sur 14 pouces de large, & un pouce d’épais, 300.
Deux bords d’un bateau de chacun 32 piésde long, sur 3 pouces d’épais, & 6 pouces de large, 90.
Parties intérieures d’un bateau. Douze traverses de 4 piés de long, sur 4 pouces d’équarrissage, 30.
Un sommier inférieur de 28 piés de long, sur 6 pouces d’équarrissage, 48.
Vingt-six montans de 3 piés 6 pouces de long, sur 3 pouces 6 lignes d’équarrissage, 50.
Deux pieces prismatiques formant la poupe & la proue, chacune de 5 piés 9 pouces de long, & dont deux côtés de la base sont de 12 pouces, & l’autre de 9 pouces, 56.
Neuf supports chacun de 4 piés de long, sur 4 pouces d’équarrissage, 21.
Dix-huit arcboutans des 9 supports, chacun de 4 piés 6 pouces de long, sur 4 pouces d’équarrissage, 59.
22.
Six arcboutans de la pouppe & de la proue, chacun de 5 piés de long, sur 4 pouces d’équarrissage, 16.
Huit rouleaux de 15 pouces de long, sur 4 pouces de diametre, 16.