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ou 357 lignes à cause de la grandeur de la fraction .

L’enfoncement est donc dans le premier cas où l’on considere la pesanteur seule du bateau, ou plutôt de la partie du pont qu’il occupe & qu’il forme, de 18 pouces 11 lignes.

Et dans le second cas, où l’on ajoute à ce poids le plus grand fardeau qui suive ordinairement une armée, de 29 pouces 8 lignes.

Donc, dans le premier cas, il reste 24 pouces, 7 lignes de bateau perpendiculairement au-dessus de l’eau.

Et dans le second il en reste 13 pouces, 10 lignes.

Hauteur plus que suffisante & très-considérable, relativement à celle du bateau, qui n’est en tout que de 43 pouces, 6 lignes.

Remarquez qu’en estimant les enfoncemens par une base moyenne, si cette base me favorise lorsque les enfoncemens ne passent pas le milieu du bateau, elle m’est au contraire désavantageuse dans les autres enfoncemens ; c’est-à-dire, que je ne me suis écarté de la derniere précision qu’à mon désavantage, ainsi que je m’y étois engagé ; puisqu’il m’importe peu que l’enfoncement soit un peu plus grand ou un peu plus petit que le calcul ne le donne, lorsqu’il ne passe pas le milieu ; & qu’il m’importe beaucoup qu’il ne soit pas exagéré lorsqu’il passe le milieu. Ce qui m’arrive toutes fois, puisque j’use alors dans mon calcul d’une base plus petite que celle qui enfonce dans l’eau, & qui doit par conséquent me donner l’enfoncement plus grand qu’il n’est, de même qu’elle me donne l’enfoncement plus petit qu’il n’est, lorsqu’il ne passe pas le milieu, puisqu’alors j’use dans mon calcul d’une base plus grande que celle qui enfonce.

Donc le bateau, ou plutôt la partie du pont qui lui répond, qu’il forme & qu’il soutient, peut porter le fardeau le plus lourd qui suive ordinairement une armée : ce qui faisoit l’objet de la premiere partie de ma démonstration.

Passons à la seconde partie.

Seconde partie. Les mouvemens de l’eau les plus violens & les plus irréguliers ne rompront point le pont proposé.

Je distribue les mouvemens de l’eau en deux especes ; en mouvement constans, & en mouvemens instantanés.

J’entends par mouvemens constans, ceux que l’eau continue d’avoir, quels que soient les mouvemens instantanés.

Et par mouvemens instantanés, ceux qui naissent des causes accidentelles & passageres.

Je distribue ces derniers en mouvemens instantanés qui naissent du vent, & en mouvemens instantanés qui naissent des poids qui passent sur la chaussée.

Et je sous-divise, pour plus d’exactitude encore, les mouvemens instantanés qui naissent du vent, en mouvement, dont la direction suit celle du cours de la riviere, & en mouvement, dont la direction est contraire, ou croise, de quelque maniere que ce soit, le cours de la riviere.

Or je dis que le pont ne sera rompu par aucun de ces mouvemens.

1°. Le pont ne sera point rompu par les mouvemens constans de l’eau.

Pour que ces mouvemens rompissent le pont, il faudroit ou qu’ils écrasassent le bateau, ou qu’ils le déplaçassent. Or je prétends qu’ils ne produiront ni l’un, ni l’autre de ces effets.

Ils ne l’écraseront point, parce qu’on a observé de donner au bateau beaucoup de longueur, afin de ne rien perdre de sa capacité, & d’exposer à l’action du courant le moins de surface qu’il seroit possible ; de former la poupe & la proue de pieces de bois soli-

des, & d’arcbouter fortement ces pieces & les planches

de chêne dont elles sont revêtues.

Ils ne les déplaceront point, car il est fortement attaché par les cordes qui partent de son mât, & qui se rendent aux différens cables qui tiennent aux pieux qu’on a enfoncés sur l’un & l’autre rivage, & que par la manœuvre que l’on pratique dans nos coches d’eau, & que tout le monde connoît ; il gardera constamment la direction que les pontonniers mariniers auront eu ordre de lui donner.

Il est donc évident que les mouvemens constans de l’eau ne déplaceront point le bateau, tant que la corde qui part de son mât, & qui se rend au cable qui tient au pieu ne se rompra point. Aussi supposai-je qu’on aura soin de la prendre bonne & bien filée.

Mais quand il arriveroit à cette corde de casser, & au bateau de demeurer exposé aux mouvemens constans de l’eau, ou à son courant, sans cette attache ; je soutiens qu’il ne seroit point déplacé.

Car il ne peut être déplacé que ces deux choses ne se fassent en même tems.

1°. Que les 11 pieces de bois de sa travée o o o, voyez Pl. XXVIII. fig. 5. qui sont fixées sur le sommier supérieur fg, ne soient aussi déplacées.

2°. Que les quatre diagonales de fer rs, rs, ne se rompent.

Or il est évidemment impossible que les pieces oo &c. soient déplacées par le mouvement constant de l’eau : car ce mouvement se fait dans la direction dû sommier inférieur a b, Pl. XXVIII. fig. 1. & les pieces oo, oo, &c. même Pl. fig. 5. ne peuvent être dérangées que par une action perpendiculaire au sommier supérieur fig, fig. 5. parallele au sommier inférieur a b, fig. 1. tout ce qui pourroit arriver au bateau, ce seroit peut-être de reculer ou descendre un peu, presque imperceptiblement, si les diagonales de fer r s, r s, fig. 5. Pl. XXVIII. ne s’opposoient point à ce petit dérangement. Mais ces diagonales ne le permettent pas, & on les a prises d’une force à résister en cas de besoin à un pareil nisus.

2°. Le pont ne sera point rompu par les mouvemens instantanés qui ont pour cause accidentelle le vent qui agite les eaux & les poids qui pesent sur la chaussée.

Il ne sera pas rompu par les mouvemens instantanés des poids qui passent sur la chaussée.

Car ces mouvemens ne peuvent occasionner la rupture du pont, ni par la rupture d’un bateau, ni par le déplacement d’un bateau dont l’enfoncement dans l’eau est alors plus grand qu’il n’étoit.

Car l’effet de ces mouvemens n’est nulle part plus considérable qu’entre deux pilastres sur l’endroit de la travée qui correspond aux onze extrémités des pieces placées sur le sommier supérieur ; alors le bateau est plus enfoncé qu’il est possible qu’il le soit, parce qu’il soutient seul toute l’action du fardeau ; mais nous avons démontré plus haut qu’alors son enfoncement ne passoit pas 29 pouces 8 lignes.

Mais puisqu’il enfonce déjà par son propre poids de 18 pouces 11 lignes, il n’est donc tiré, par le mouvement accidentel & instantané de la charge survenante, du niveau des autres bateaux, ou de l’état où il étoit auparavant, que de 10 pouces 9 lignes.

Or cet enfoncement de 10 pouces 9 lignes se fait sans occasionner la rupture du bateau ; nous l’avons démontré plus haut, par la maniere dont il est construit, & arcbouté dans tout son contour.

Reste donc à démontrer que le pont n’est ni endommagé ni rompu par le déplacement du bateau, qui se trouve alors plus enfoncé dans l’eau qu’il n’étoit.

C’est ici que se développe tout ce qu’il peut y avoir de délicatesse dans le méchanisme du pont, & où se fait sentir l’avantage qu’il y a à en avoir fait