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même des poils, quand supposé il s’en trouveroit trente dans une étoffe, ce qui est impossible, un seul lac suffiroit pour les faire figurer tous ensemble, parce que chaque poil ne faisant qu’une figure à chaque coup de navette passé, la partie du poil qui figure tient cachée celle qui ne figure pas, & cette façon de figurer ne vient que de celle de lire le dessein, parce que chaque poil ayant son corps particulier, & chaque corps ayant ses cordages, il faut que celui qui monte le métier ait un grand soin d’incorporer dans son lac toutes les cordes qui sont relatives à la maille de poil qui doit faire faire la figure. Il faut observer encore que si l’endroit du droguet se faisoit dessus, pour-lors il faudroit tirer toutes les cordes qui doivent faire la figure, au-lieu que se faisant dessous, il faut les laisser, & ne tirer précisément que celles qui n’en font aucune.

Il se fabrique actuellement à Lyon des droguets à grands desseins & sans répétition ; ces étoffes sont destinées pour la Russie. Il faut pour ces étoffes des cassins de 800 cordes, parce que chaque corde ne tire qu’une maille de corps ; le dessein est fait sur un papier de 8 en 14 pour que l’étoffe soit réduite ; il est vrai que la découpure est plus grossiere, mais comme les fleurs & les feuilles sont extraordinairement grandes, une découpure plus grosse qu’à l’ordinaire ne défigure point l’étoffe.

La figure dans le genre d’étoffe est un satin, qui est d’autant plus beau que la réduction lui donne du brillant, & comme l’endroit de l’étoffe est dessous, on ne fait tirer que le fond, par conséquent tout ce qui ne se tire pas doit faire figure.

Mais comme il arriveroit que la partie qui ne se tireroit pas ne seroit point arrêtée quant à la chaîne qui doit former le satin ; cette étoffe est montée différemment des autres.

Tous les droguets en général ont une chaine passée en taffetas, ou un gros-de-tours sur quatre lisses à l’ordinaire, & rien de plus quant aux lisses, les mailles du poil faisant la figure par la tire qui se lie suivant que le cas l’exige : ceux-ci ont également une chaine de poil pour former le corps de l’étoffe ; à l’égard de la chaine du satin qui en fait la figure, comme elle n’est point tirée, elle est passée dans huit lisses à l’ordinaire de même que dans les mailles de corps, & lorsque l’étoffe se fabrique, l’ouvrier fait lever à chaque coup de navette, au moyen de la marche, une seule lisse de satin qui lie ou arrête cette partie qui fait la figure, & au moyen de cette opération l’étoffe se trouve parfaite. A observer que des quatre lisses de taffetas destinées à faire le corps de l’étoffe, l’ouvrier en leve régulierement deux à chaque coup de navette, savoir, une prise & une laissée des quatre, & que dans toutes les étoffes en général qui imitent le droguet, la chaine qui fait corps d’étoffe, n’est jamais passée dans le corps composé des mailles qui sont tirées pour faire la figure, de façon que dans tous les droguets autres que celui-ci, deux marches seules suffisent pour faire l’ouvrage.

Il n’en est pas de même dans la façon de fabriquer celui-ci, il faut absolument huit marches pour faire l’étoffe, par rapport aux huit lisses de satin qui doivent lier la chaine qui le compose ; chaque marche fait lever une lisse de satin & deux du taffetas, de sorte que les huit lisses étant parfaitement d’accord avec celles du taffetas, celles-ci levent quatre fois pour faire le course, c’est-à-dire, pour passer toutes les marches dont les lisses n’en levent qu’une.

Une observation, qui peut-être n’a jamais été faite sur la façon de fabriquer le droguet, est qu’un spéculatif, ou une personne qui examineroit de près la façon de fabriquer tous les droguets en général, seroit en droit de dire que, puisque les poils qui font la figure, ne sont point passés dans les lisses, & que

dans celui-ci on passe celui qui fait la figure dans des lisses de satin, afin que la soie soit arrêtée, il faut donc que les parties qui se tirent, ne le soient point à l’envers de l’étoffe[1], puisqu’elles ne reçoivent point de trame, & qu’il n’y a aucune lisse de rabat ni de levée pour arrêter la soie : à quoi on répond que dans la fabrication de toutes les étoffes de cette espece, on passe chaque lac deux coups de la même navette, savoir un avec le lac où le bouton tire, & l’autre où il ne l’est point : de façon que la trame se trouvant alternativement dessus & dessous la partie qui n’est pas tirée, cette même partie se trouve incorporée dans le milieu de l’étoffe, & fait qu’elle est aussi belle à l’envers qu’à l’endroit, à la figure près. Il faut deux navettes dans le droguet liséré, savoir, celle du fond & celle de la figure.

Il se fabrique à Lyon quantité de petites étoffes qui se tirent avec le bouton, dont les dénominations sont inventées pour en faciliter la vente ; mais comme leur composition dérive du droguet ordinaire, fond satiné, ou fond taffetas, il suffit d’avoir démontré la façon de fabriquer ces deux genres d’étoffes, pour que l’on ne croye pas nécessaire d’en donner une description qui deviendroit inutile.

PRUTH le, (Géog. mod.) le Hieracus de Ptolomée, ou le Geracus d’Ammien Marcellin, riviere de la Dacie, est selon Mrs de Valois & Cluvier le Pruth des modernes, riviere de Pologne, qui a sa source dans les montagnes de la Pocutée ; elle traverse la Moldavie, & va se perdre dans le Danube, un peu avant qu’il se jette lui-même dans la mer Noire.

C’est sur le bord du Pruth que le czar Pierre en 1711, vit tout d’un coup son armée sans vivres, sans fourrages, & cent cinquante mille turcs devant lui ; plus malheureux en ce moment que son rival Charles XII. à Pultawa ; mais le moment fut court : Une femme le sauva en négociant la paix du Pruth ; femme d’un simple dragon, elle épousa son empereur & lui succéda. Nous n’avons point oublié son article dans cet ouvrage. (D. J.)

PRYAPOLITE, (Hist. nat.) nom d’une pierre qui a plus ou moins de ressemblance avec la verge d’un homme. Ce nom se donne quelquefois à des pierres d’après une ressemblance très-imparfaite, & il s’applique communément à toutes sortes de pierres cylindriques à qui le hazard a donné cette forme.

Quelques naturalistes prétendent avoir vu des pryapolites avec deux pierres arrondies qui formoient les testicules ; ils ajoutent même que l’on pouvoit distinguer le canal de l’urethre ; mais il paroit que leur imagination a beaucoup aidé à ces ressemblances qui ne sont rien moins que réelles. Voyez l’article Jeux de la nature.

PRYMNESIA, (Géog. anc.) 1°. ville de l’Asie mineure, dans la grande Phrygie selon Ptolomée, l. V. c. ij. qui la place entre Eucarpia & Docimœum. Pausanias, l. V. c. xxj. la nomme Prymnessus ; & elle fut dans la suite une ville épiscopale : 2°. ville de la Carie, selon Etienne le géographe. (D. J.)

PRYTANE, s. m. (Antiq grecq.) on nommoit prytanes chez les Athéniens, cinquante sénateurs tirés successivement par mois de chaque tribu, pour

  1. L’on voit dans les taffetas doubletés ou tripletés, ainsi nommés, parce qu’ils ont deux à trois poils de couleurs pour faire des fleurs, l’endroit dessus qui imite le broché ; les poils qui ne sont arrêtés que tous les 10 coups, 15 coups plus ou moins. Ils ne seroient arrêtés que dans les parties où ils font figures, si l’ouvrier n’avoit pas soin de faire tirer tous les 10, 15 coups, tous les poils quand il passe son second coup de navette. On est obligé de faire l’endroit dessus, parce-que les desseins ou les fleurs sont légeres & délicates : ces sortes d’étoffes étant d’été ; de façon que si on vouloit faire l’endroit dessous il faudroit tirer le fonds afin de laisser ce qui feroit la figure ; pour lors il faudroit tirer les sept huitiemes des cordages, ce qui rendroit la tire si rude & pesante qu’il ne seroit pas possible de travailler l’étoffe.