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grande confiance, & le déplaisir de voir sa présomption confondue par les événemens.

Les regles de prudence par rapport aux autres, sont principalement de ne s’entremettre des affaires d’autrui que le moins qu’il est possible, par la difficulté de les finir au gré des intéressés. Ils ont souvent des vues cachées & opposées à elles-mêmes que l’on ne peut atteindre, ni souvent démêler. On sait néanmoins ce que la charité & le bon cœur exigent à ce sujet ; mais la prudence semble demander en même tems qu’on ne s’ingere point dans les affaires d’autrui, à moins qu’un devoir évident ne l’exige, ou que nous n’y soyons directement appellés par les intéressés.

Quand nous serons engagés à entrer dans ce qui les touche, nous devons leur donner à comprendre que nous agissons uniquement par condescendance à leur volonté, sans leur répondre du succès ; mais surtout lorsqu’on s’apperçoit que par leur faute, ou par d’autres conjonctures on leur devient suspect, on ne peut trop tôt prendre le parti de quitter le soin de ce qui les touche, quelque service qu’on pût leur rendre d’ailleurs ; on s’exposeroit à leur donner plus de mécontentement que de satisfaction.

Prudence, (Iconol.) Cette vertu est représentée allégoriquement sous la figure d’une jeune fille tenant un miroir entouré d’un serpent.

PRUDERIE, s. f. (Morale.) imitation grimaciere de la sagesse. Il y a, dit la Bruyere, une fausse modestie qui est vanité ; une fausse gloire, qui est légereté ; une fausse grandeur, qui est petitesse ; une fausse vertu, qui est hypocrisie ; une fausse sagesse, qui est pruderie.

Une femme prude paye de maintien & de paroles ; une femme sage paye de conduite : celle-là suit son humeur & sa complexion ; celle-ci sa raison & son cœur. L’une est sérieuse & austere, l’autre est dans les diverses rencontres précisément ce qu’il faut qu’elle soit. La premiere cache des foibles sous de plausibles dehors, la seconde couvre un riche fonds sous un air libre & naturel. La pruderie contraint l’esprit, ne cache ni l’âge ni la laideur ; souvent elle les suppose. La sagesse au contraire pallie les défauts du corps, annoblit l’esprit, ne rend la jeunesse que plus piquante, & la beauté que plus périlleuse. (D. J.)

PRUDHOMME, s. m. (Jurisprud.) signifie celui qui est expert en quelque chose.

On donnoit anciennement ce titre aux gens de loi, que les juges appelloient pour leur donner conseil ; c’étoient à-peu-près la même chose que ces jurisconsultes que les Romains appelloient prudentes.

On a depuis donné ce nom à ceux qui sont versés dans la connoissance de quelque chose ; & dans les coutumes, prudhomme veut dire expert. Le dire de prudhomme est ce qui est arbitré par experts. Coutume de Paris, article 47. Voyez Experts.

On a aussi donné le titre de prudhommes à certains officiers de police, tels que les prudhommes vendeurs de cuirs. Voyez Cuirs & Vendeurs. (A)

PRUES, s. f. en terme de flottage de bois, sont des especes de cordes faites avec deux rouettes de bois. Les prues sont par rapport aux usnes, ce que le fil est par rapport à la petite ficelle.

PRUIM, ou PRUYM, ou PRUM, (Géogr. mod.) célebre abbaye d’hommes de l’ordre de S. Benoît en Allemagne, au diocèse & à 12 lieues de Trèves, sur une riviere de même nom.

Cette abbaye a été fondée par Pepin, à la priere de la reine Berthe sa femme. Son fils s’étant révolté contre lui, il lui fit couper les cheveux, & le relégua dans ce nouveau monastere. C’est aussi dans ce même lieu qu’en 855 l’empereur Lothaire, fils de Louis le Débonnaire, après avoir bouleversé l’Europe sans

succès & sans gloire, se sentant affoibli, vint se faire moine. Il ne vécut dans le froc que six jours, & mourut imbécille, après avoir régné en tyran.

Les empereurs ses successeurs honorerent les abbés de Pruim du titre de princes du saint empire. Les biens de cette abbaye ayant prodigieusement augmenté, devinrent l’objet de la cupidité des archevêques de Trèves, qui en sont aujourd’hui les titulaires.

Cette abbaye est une des plus régulieres de l’Allemagne : on y montre la semelle d’un des souliers qu’on dit être de Notre-Seigneur Jesus-Christ, donnée au roi Pepin par le pape Zacharie, & il en est fait mention dans le titre de la fondation du monastere.

Une autre singularité de cette abbaye, est la fondation d’un oratoire souterrein de l’an 1097. In honore sanctorum vigenti quatuor seniorum. Voyez le voyage littéraire de dom Martenne. Longit. de ce lieu 24. 35′. lat. 50. 13′. (D. J.)

PRUNE, s. f. (Jardinage.) fruit à noyau très connu qui vient sur le prunier. Les prunes sont rondes ou oblongues, & quelques-unes sont un peu applaties. Elles varient pour la grosseur, la forme, la couleur & le goût, selon les différentes especes de prunier. On les distingue en trois classes relativement à leurs bonnes, médiocres ou mauvaises qualités : on fait nombre de quinze especes pour les meilleures ; il y en a peut-être vingt autres sortes qu’on regarde comme médiocres ; tout le reste passe pour mauvais, en ce qui est de les manger crues. Il y en a cependant quelques-unes qui ont leur mérite lorsqu’elles ont passé sur le feu. On fait donc une différence des prunes qui sont bonnes à manger crues, de celles qui sont propres à faire des pruneaux, des compottes & des confitures. La plûpart des prunes quittent le noyau quand on les ouvre, mais il y en a quelques-unes qui ne le quittent pas, ce qui est un défaut. Ces fruits ont aussi quelques propriétés pour la Médecine. Voyez Prunier.

Prune & Pruneau, (Diete & Mat. med.) voyez Prunier.

PRUNELAGE, s. f. (Jardinage.) c’est une portion de terrein planté de pruniers, voyez Pruniers.

PRUNELLE, s. f. (Jardinage.) petit fruit d’un arbrisseau que l’on nomme prunellier, qui est l’espece sauvage du genre des pruniers. Les prunelles sont rondes, de la grosseur d’un grain de raisin, & d’une âpreté insupportable au goût. Ce fruit est très-tardif ; il ne prend une sorte de maturité qu’à la fin de l’automne, & il reste une partie de l’hiver sur l’arbrisseau. Les prunelles peuvent être de quelqu’utilité. Voyez Prunellier.

Prunelle, (Anatom.) voyez Pupille. La prunelle est comme un canal conique tronqué, dont la base regarde l’intérieur de l’œil, car cette base a presque trois fois plus de capacité que l’ouverture extérieure.

Cette admirable disposition est l’effet d’une grande sagesse, puisque l’humeur crystalline peut alors recevoir des objets extérieurs, une plus grande quantité de lumiere. Il se prépare dans les vaisseaux de l’iris une humeur aqueuse qui se décharge dans la chambre antérieure de l’œil.

M. Hoenselot, dans les mémoires de l’académie des Sciences, année 1721, dit que dans la plûpart des cadavres humains qu’il a examinés, il a trouvé la prunelle médiocrement, & quelquefois très-rétrécie, mais jamais beaucoup dilatée ; ce qui donneroit lieu de croire qu’il y a naturellement une espece d’équilibre entre le ressort des fibres circulaires de l’iris, & celui de ses fibres rayonnées.

M. Petit avoit promis de parler un jour des différentes dilatations des prunelles qui se rencontrent