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leres à son bord, pour leur donner la proue qu’elles tiendroient. Lorsqu’on parle des vaisseaux, on dit donner la route.

Vent par proue, vent devant. Le vent se leva tout d’un coup du nord, & nous prit par proue, c’est-à-dire, nous prit pardevant étant devenu contraire.

Proue, en Anatomie ; os de la proue, est le nom d’un des os du crane, appellé aussi occipital. Voyez Occipital.

PROVÉDITEUR, s. m. (Hist. de Venise.) magistrat de la république de Venise. Il y a deux sortes de provéditeurs dans cette république ; le provéditeur commun, & le provéditeur général de mer. Le provéditeur du commun est un magistrat assez semblable dans ses fonctions à l’édile des Romains. Le provéditeur de mer est un officier dont l’autorité s’étend sur la flotte lorsque le général est absent. Il manie particulierement l’argent, & paie les soldats & les matelots, dont il rend compte à son retour au sénat. Sa charge ne dure que deux ans, & sa puissance est partagée de telle sorte avec le capitaine général de la marine, que le provéditeur a l’autorité sans la force, & le général a la force sans l’autorité. (D. J.)

Provéditeur de la douane, (Commerce.) on nomme ainsi à Livourne celui qui a l’intendance & le soin général de la douane & des droits d’entrée & de sortie de cette ville d’Italie, célebre par son commerce. Le provéditeur tient le premier rang après le gouverneur : on appelle sous-provéditeur, celui qui a soin de la douane en son absence.

C’est à cette douane que l’on est obligé de venir déclarer toutes les marchandises qui arrivent à Livourne par mer ou par terre ; & ces déclarations sont régistrées par des commis. Il arrive communément en tems de paix à Livourne trois cens vaisseaux par an, huit à neuf cens barques, & un grand nombre de félouques. La moitié de ces vaisseaux sont anglois. (D. J.)

PROVENCE, (Géog. mod.) province méridionale de France, bornée au nord par le Dauphiné, au midi par la Méditerranée, au levant par les Alpes & le Var qui la séparent de la Savoie, au couchant par le Rhône, qui la sépare du Languedoc. Son étendue du midi au nord est de 40 lieues, & de 32 du levant au couchant.

On divise la Provence en haute & basse : la haute est au nord, & la basse au midi. La premiere est un pays assez tempéré, qui donne des pommes, du blé, mais peu de vin. Dans la basse, l’air est très chaud ; son terroir est sec & sablonneux, produisant des grenadiers, des orangers, des citronniers, des figuiers, des plantes médicinales, des muscats, &c. M. Godeau l’appelloit ingénieusement la gueuse parfumée. Elle abonde encore en oliviers & en muriers.

Les principales rivieres de la Provence sont la Durance, le Verdon & le Var. Elle comprend deux archevêchés & douze évêchés. Il n’y a plus d’états généraux depuis 1639, mais il y a des assemblées générales tenues tous les ans, par ordre du roi, à Lambesc. L’archevêque d’Aix y préside. Le commerce de cette province est considérable, soit pour le Levant, soit pour l’Italie.

Il y a en Provence des étangs & des golfes de grande étendue. L’étang de Martigues au bord de la mer, entre Marseille & le Rhône, a plus de 4 lieues de large. Le golfe de Griauld, & celui de Toulon, ont chacun environ 4 lieues de longueur. Le port de cette derniere ville & celui de Marseille sont très-renommés. Les îles d’Hieres sont célebres. On appelle mer de Provence la partie de la Méditerranée qui est au midi de cette province. Elle comprend les mers de Marseille, le golfe de Martigues, & celui de Griauld. La religion de Malte posséde de grands biens dans cette province. Elle y a deux grands-prieurés, & soixante

& onze commanderies. Aix est la capitale de toute la province.

Le nom de Provence vient de Provincia, que les Romains donnerent à cette partie des Gaules qu’ils conquirent la premiere : elle étoit de plus grande étendue que la Provence d’aujourd’hui ; car outre le Languedoc, cette province Romaine contenoit encore le Dauphiné & la Savoie, jusqu’à Geneve ; néanmoins on voit que communément dans le neuvieme, le dixieme & le onzieme siecles, le nom de Provence étoit donné au pays qui est à l’orient du Rhône, & l’on n’appelloit en particulier le comté de Provence, que ce qui est enfermé entre la mer Méditerranée, le Rhône, la Durance & les Alpes.

Ce pays étoit autrefois habité par les Salyes ou Salices, que quelques-uns écrivent en latin Salvi, & d’autres Saluvii & Salluvii, qui étoient Liguriens d’origine. Les Marseillois venus des Grecs de Phocée en Ionie, s’étoient établis sur les côtes de ce pays-là, où ils avoient fondé plusieurs villes. Les anciens habitans qui souffroient avec peine ces nouveaux venus, les incommodoient par de fréquentes hostilités ; de sorte que les Marseillois furent contraints d’implorer le secours des Romains leurs alliés. Fulvius, consul romain, fut envoyé contre les Salyes, l’an 629 de la ville de Rome, & 125 ans avant J. C. L’année suivante il les battit dans quelques combats, mais il ne les subjugua point ; ce fut le consulaire Sextius qui acheva cette conquête, & chassa le roi Teutomate de ce pays, qu’il abandonna pour se retirer chez les Allobroges l’an 631 de Rome, & 123 avant J. C. Ainsi, les Romains commencerent alors à avoir le pié dans la Gaule transalpine. Ce pays fut des derniers qui leur resta, & qu’ils ne perdirent qu’après la prise de Rome par Odoacre.

Euric, roi des Visigots, s’empara de la Provence, & son fils Alaric en jouit jusqu’à ce qu’il fut tué en bataille par Clovis. Les Visigots, qui étoient maîtres de ce pays, le donnerent à Théodoric, roi des Ostrogots, qui le laissa à sa fille Amalasunte, & à son petit-fils Athalaric. Après la mort d’Athalaric & d’Amalasunte, les Ostrogots pressés par Bélisaire, général de l’empereur Justinien, abandonnerent la Provence aux rois françois Mérovingiens, qui la partagerent entr’eux.

Sous les Carlovingiens la Provence fut possédée par l’empereur Lothaire, qui la donna à titre de royaume à son fils Charles, l’an 855, & ce royaume s’éteignit vers l’an 948. Plusieurs princes en jouirent ensuite à titre de comté, jusqu’à la mort de Charles, roi de Sicile, qui, à ce que prétendit Louis XI. l’avoit institué son héritier, en 1481.

Ce qu’il y a de certain, c’est que Louis XI. prit possession de toute la Provence, & fit ouir en justice plusieurs témoins, qui affirmerent que Charles avoit déclaré hautement avant sa mort, qu’il vouloit que le roi de France fût héritier de tous ses états qu’il laissoit à la couronne. On promit néanmoins aux Provenceaux qu’on leur conserveroit leurs lois particulieres & leurs privileges, sans que par l’union à la couronne leur pays pût devenir province de France. C’est pour cela que dans les arrêts rendus au parlement d’Aix, on met, par le roi, comte de Provence ; & les rois dans leurs lettres adressées à ce pays-là, prennent la qualité de comtes de Provence.

Ce fut en vain qu’après la mort de Louis XI. René, duc de Lorraine, renouvella ses prétentions sur la succession du roi René, son ayeul maternel ; il en fut débouté par une sentence arbitrale, après quoi Charles VIII. unit à perpétuité la Provence à la couronne de France, l’an 1487.

On peut consulter Ruffi, histoire des comtes de Provence ; Honoré Bouche, histoire de Provence ; Petri Quinquerani de Laudibus Provinciæ, lib. III. Paris,