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Ille suæ contra non immemor artis
Omnia transformat sese in miracula rerum,
Ignemque, horribilemque feram fluviumque liquentem.

C’est-à-dire,

Tel que le vieux pasteur des troupeaux de Neptune,
Protée à qui le ciel, pere de la Fortune,
Ne cache aucuns secrets,
Sous diverse figure, arbre, fleuve, fontaine,
S’efforce d’échapper à la vue incertaine
Des mortels indiscrets.

Homere raconte, Odyssée, livre IV. que Ménélas, de retour de Troie, ayant été jetté par la tempête sur la côte d’Egypte, y fut retenu vingt jours entiers sans pouvoir en sortir. Dans cette triste situation, il alla consulter Protée, ce vieillard marin de la race des immortels, principal ministre de Neptune, & toujours vrai dans ses réponses. Eidothée sa propre fille voulut bien instruire Ménélas de la maniere dont il devoit se conduire pour tirer de son pere la connoissance de l’avenir.

Tous les jours vers l’heure du midi, lui dit-elle, Protée sort des antres profonds de la mer, & va se coucher sur le rivage au milieu de ses troupeaux. Dès que vous le verrez assoupi, jettez-vous sur lui, & serrez-le étroitement malgré tous ses efforts ; car pour vous échapper il se métamorphosera en mille manieres ; il prendra la figure de tous les animaux les plus féroces ; il se changera même en eau, ou bien il deviendra feu : que toutes ces formes affreuses ne vous épouvantent point, & ne vous obligent point à lâcher prise ; au contraire liez-le, & le retenez plus fortement. Mais dès que revenu à la premiere forme où il étoit quand il s’est endormi, il commencera à vous interroger ; alors n’usez plus de violence : vous n’aurez qu’à le délier, & lui demander ce que vous voulez savoir, il vous enseignera les moyens de retourner dans votre patrie ; il vous instruira même de tout le bien & de tout le mal qui est arrivé chez vous pendant votre voyage.

Je laisse Ménélas au milieu des transports de sa joie & de sa reconnoissance ; ou plutôt j’abandonne les fictions d’Homere pour donner la véritable histoire de Protée.

C’étoit un roi d’Egypte qui regna deux cens quarante ans après Moïse ; il avoit appris à prédire les révolutions du cours des planetes par une étude profonde de l’Astronomie. Quant à ses métamorphoses, dit Diodore de Sicile, c’est une fable qui est née chez les Grecs d’une coutume qu’avoient les rois égyptiens. Ils portoient sur leur tête pour marque de leur force & de leur puissance, la dépouille d’un lion ou d’un taureau ; ils ont même porté des branches d’arbres, du feu, & quelquefois des parfums exquis. Ces ornemens servoient à les parer, & à jetter la terreur & la superstition dans l’ame de leurs sujets. (D. J.)

PROTEI-COLUMNÆ, (Géog. anc.) on trouve ce nom dans le onzieme livre de l’Enéïde, vers 262. où on lit :

Atrides Protei Menelaus ad usque columnas
Exulat.

Ménélaüs roi de Sparte, & fils d’Atrée, fut jetté par la tempête du côté de l’Egypte, où il demeura huit ans. Protée régnoit dans ce tems-là en Egypte ; c’est ce qui a fait que Virgile donne à la partie de ce pays où Ménélaüs aborda, le nom de colonnes de Protée, pour signifier l’extrémité de ses états. On entend communément par les colonnes de Protée, le port d’Alexandrie. En effet, Homere, Odyss. liv. IV. v. 355. dit que Ménélaüs aborda à l’île de Pharos. (D. J.)

PROTELEIA, s. f. (Hist. anc.) la veille des no-

ces, jour où les Athéniens conduisoient la nouvelle

épouse au temple de Minerve, & sacrifioient pour elle à la déesse. La jeune fille y consacroit sa chevelure à Diane & aux parques. Les prêtres immoloient un porc.

PROTERIATO, (Géog. mod.) riviere d’Italie au royaume de Naples, dans la Calabre ultérieure. Elle a sa source au mont Apennin, & se jette dans la mer Ionienne. Quelques-uns veulent que ce soit le Locanus de Ptolomée.

PROTERVIA, s. f. (Littérat.) nom donné chez les Romains aux restes des grands festins qui ne méritoient ni d’être serrés & conservés pour le lendemain, ni d’être donnés aux domestiques pour leur nourriture, mais qu’on brûloit & qu’on jettoit au feu ; c’est cette espece de sacrifice qu’on appelloit protervia ; ce qui fit dire plaisamment à Caton le jeune, d’un des disciples d’Apicius, qui après avoir mangé tout son bien, avoit par malheur mis le feu à sa maison, proterviam fecit, il a fait son dernier sacrifice.

PROTESILÉES, s. f. pl. (Ant. greq.) fêtes annuelles en l’honneur de Protésilas fils d’Iphiclus, un des argonautes qui venoit d’épouser Laodamie lorsqu’il fut question de la guerre de Troie. L’oracle avoit prédit que celui des grecs qui le premier mettroit pié à terre devant Troie, perdroit la vie. A peine leurs vaisseaux eurent abordé, que Protésilas voyant que personne ne vouloit débarquer, sacrifia sa vie pour le salut de ses concitoyens ; il s’élança sur le rivage, & dans l’instant il fut tué par Hector d’un coup de fleche. Les Grecs, à leur retour, lui rendirent les honneurs héroïques, éleverent des monumens à sa gloire, lui bâtirent un temple à Abydos, & instituerent en son honneur des jeux funebres, qui de son nom furent appellées πρωτεσίλεια, & qu’on célébroit à Phylacé lieu de sa naissance en Thessalie. (D. J.)

PROTEST, s. m. (Jurisprud.) ce terme semble être un diminutif de protestation ; & en effet, c’est une sommation faite par un notaire, sergent ou huissier, à un banquier, marchand ou négociant, d’accepter une lettre de change tirée sur lui ; ou bien quand le tems du payement est échu, & que celui qui l’a acceptée est refusant de la payer, le protest est alors une sommation qu’on lui fait de l’acquitter ; & dans l’une ou l’autre sorte de protest on déclare & on proteste que faute d’acceptation, ou faute de payement de la lettre de change dont il s’agit, on la rendra au tireur, que l’on prendra de l’argent à change & rechange pour le lieu d’où la lettre a été tirée, qu’on rendra la lettre au tireur & donneur d’ordre ; enfin que l’on se pourvoira ainsi que l’on avisera bon être.

Le protest, faute d’acceptation, doit être fait dans le tems même que l’on présente la lettre, lorsque celui sur qui elle est tirée refuse de l’accepter, soit par rapport au tems, ou pour les sommes portées en la lettre, ou faute de lettres d’avis, ou faute d’avoir reçu des fonds.

Le protest faute de payement, se fait lorsqu’après les dix jours de grace, à compter du lendemain de l’échéance de la lettre de change, celui qui l’a acceptée refuse d’en faire le payement. Ce protest doit être fait dans les dix jours après celui de l’échéance, que l’on ne compte point non plus que celui de l’acceptation ; tous les autres jours, même les dimanches & les fêtes les plus solemnelles sont comptés.

Quand le protest n’est fait que faute d’acceptation, il n’oblige le tireur qu’à rendre au porteur la valeur de la lettre de change protestée, ou de lui donner des suretés qu’elle sera acquittée ; au-lieu que le protest, faute de payement dans les dix jours de l’ordonnance, autorise le porteur de la lettre à exercer son recours solidaire contre tous les endosseurs, tireurs, accepteurs ; il lui est libre de s’adresser à celui qu’il juge à propos, sauf le recours de celui-ci contre les autres.