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priere, ℣. 13. & 16. le mot προσευχὴ, qu’il falloit rendre par oratoire.

Les proseuches étoient différentes des synagogues à plusieurs égards ; car 1°. dans les synagogues les prieres se faisoient en commun, au nom de toute l’assemblée ; mais dans les oratoires chacun faisoit la sienne en particulier, telle qu’il lui plaisoit : & c’est ainsi que J. C. en usa dans celui où il est dit qu’il entra, & qu’il passa la nuit.

2°. Les synagogues étoient couvertes : les oratoires étoient de simples cours tout à découvert, faits, à ce que rapporte Epiphane, comme les places romaines qu’on appelloit forum, qui n’étoient autre chose qu’un enclos découvert, où autrefois à Rome & dans les autres états républicains, le peuple s’assembloit pour les affaires publiques. Le même Epiphane dit que de son tems les Samaritains avoient encore un de ces oratoires près de Sichem.

3°. Les synagogues étoient toujours bâties dans les villes, & les oratoires toujours dans les fauxbourgs, & d’ordinaire sur des lieux élevés ; & celui où pria Notre Seigneur étoit sur une montagne. Il y a même beaucoup d’apparence que c’est ce qui est souvent appellé dans le vieux Testament des hauts lieux : car ces hauts lieux ne sont pas toujours condamnés dans l’Ecriture. Ils ne le sont que lorsqu’on y rendoit quelque culte à d’autre qu’au vrai Dieu, ou quand des schismatiques y élevoient des autels par opposition à celui qui étoit établi dans le lieu destiné à cet usage ; les Prophetes & d’autres saints hommes s’en servoient sans scrupule, comme on le voit par plusieurs exemples que l’Ecriture rapporte.

Ce qui confirme encore cette opinion, c’est que ces oratoires avoient ordinairement des bois aussi-bien que les hauts-lieux. Sans doute que le sanctuaire de l’Eternel où Josué éleva sa colonne sous le chêne ou le bois de chêne, à Sichem, étoit un de ces oratoires ; & il est clair qu’il y avoit un bois de chêne par les termes du texte. Les proseuches d’Alexandrie dont parle Philon, avoient des bois sacrés ; & celui qui étoit à Rome dans le bocage d’Egérie étoit de la même espece. Peut-être que quand le psalmiste parle d’oliviers verdoyans dans la maison de Dieu, il faut l’entendre de ces oratoires. Il y en avoit aussi un autrefois à Mispha, comme le marque l’auteur du I. liv. des Machabées. Tout cela étoit des moaahé, & peut fort bien avoir été désigné par ces expressions.

Au reste, on ne peut pas disconvenir que les synagogues, qui servoient au même usage que les oratoires dont il y avoit encore quelques-uns du tems de Notre-Seigneur, ne portassent aussi quelquefois le même nom. Josephe & Philon semblent employer le mot de proseuque ou d’oratoire en ce sens. Cependant il y a lieu de penser que quelques-unes des synagogues des juifs d’Alexandrie, étoient à découvert comme les oratoires d’autrefois ; d’autant plus qu’il ne pleuvoit presque jamais en Egypte, & qu’on y avoit bien plus besoin d’air dans les assemblées, & d’arbres pour garantir de l’ardeur du soleil, que de toits contre la pluie. (D. J.)

PROSLAMBANOMENOS, s. m. dans la musique ancienne, étoit le nom de la corde la plus grave de tout le système, un ton au-dessous de l’hypate-hypaton. Son nom signifie surnuméraire ou ajoutée, parce que cette corde fut ajoutée au-dessous de tous les tétracordes, pour achever le diapason ou l’octave avec la mese, & le disdiapazon, ou la double octave, avec la nete hyperboleon qui étoit la corde la plus aiguë de tout le système. (S)

PROSODIE, s. f. (Gramm.) « Par ce mot prosodie, on entend la maniere de prononcer chaque syllabe régulierement, c’est-à-dire, suivant ce qu’exige chaque syllabe prise à-part, & considerée dans ses trois propriétés, qui sont l’accent,

l’aspiration, & la quantité ». Pros. franç. art. 1. §. 1.

J’ai actuellement sous les yeux un exemplaire de l’ouvrage où parle ainsi M. l’abbé d’Olivet ; & cet exemplaire est apostillé de la main de M. Duclos, l’homme de lettres le plus poli & le plus communicatif. Il observe qu’il falloit dire chaque syllabe d’un mot, parce que chaque syllabe prise à-part & détachée des mots, n’a ni accent, ni quantité. Rien de plus sage que cette remarque : peut-on dire en effet que le son a, par exemple, soit long ou bref, grave ou aigu, en soi, & indépendamment d’une destination déterminée ? C’est tout simplement un son qui suppose une certaine ouverture de la bouche, & naturellement susceptible de telle modification prosodique que les besoins de l’organe, ou les différens usages pourront exiger dans les diverses occasions : ainsi, selon la remarque de M. d’Olivet lui-même, a est long, quand il se prend pour la premiere lettre de l’alphabet ; un petit ā, une panse d’ā : quand il est préposition, il est bref ; je suis ă Paris, j’écris ă Rome, j’ai donné ă Paul. M. Duclos remarque de son côté que dans le premier cas a est grave, & qu’il est aigu dans le second. Cette diversité de modification, selon les occurrences, est une preuve assurée que ce son n’en a aucune qui lui soit propre.

S’il étoit permis de proposer quelques doutes après la décision de ces deux illustres académiciens, je demanderois si l’aspiration est bien effectivement du ressort de la prosodie : cette question n’est pas sans fondement. J’ai prouvé, article H, que l’aspiration n’est que la maniere particuliere de prononcer les sons avec explosion ; qu’en conséquence elle est une véritable articulation, comme toutes les autres, qui s’operent par le mouvement subit & instantané des lèvres ou de la langue ; & qu’enfin la lettre h, qui est le signe de l’aspiration, doit être mise au rang des consonnes, comme les lettres qui représentent les articulations labiales & les articulations linguales. Il doit donc y avoir une raison égale, ou pour soumettre au domaine de la prosodie toutes les autres articulations aussi-bien que l’aspiration, ou pour en soustraire l’articulation aspirante aussi-bien que les linguales & les labiales.

« Chaque syllabe, dit M. l’abbé d’Olivet (ibid.), est prononcée avec douceur ou avec rudesse, sans que cette douceur ni cette rudesse ait rapport à l’élévation ni à l’abaissement de la voix ». Il regarde cette douceur & cette rudesse comme variétés prosodiques, propres à nous garantir de l’ennuyeux fléau de la monotonie, & conséquemment comme appartenant autant à la prosodie que les accens & la quantité, qui sont destinés à la même fin.

Que toute syllabe soit prononcée avec douceur ou avec rudesse, c’est un fait ; mais que veut-on dire par-là ? C’est-à-dire que tout son est produit ou avec l’explosion aspirante ou sans cette explosion. Mais ne peut-on pas dire de même que tout son est produit avec telle ou telle explosion labiale ou linguale, ou sans cette explosion ? N’est-il pas également vrai que les différentes articulations sont autant de variétés propres à nous épargner le dégoût inséparable de la monotonie ? Et ira-t-on conclure pour cela que l’usage, le choix, & la prononciation des consonnes est une affaire de prosodie ?

A quoi se réduit après tout ce que l’on charge la prosodie de nous apprendre au sujet de l’aspiration ? A nous faire connoître les mots où la lettre h, qui en est le signe, doit être prononcée ou muette. Eh ! n’avons-nous pas plusieurs autres consonnes qui sont quelquefois prononcées & quelquefois muettes ? Voyez Muet.

Il me semble que je puis croire que M. Duclos est à-peu-près de même avis, & qu’il ne regarde pas