Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/482

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sition principale ; & cependant il est visible qu’elle ne fait partie ni du sujet ni de l’attribut, mais qu’elle tombe seulement sur l’affirmation, à l’appui de laquelle on la fait intervenir dans le discours.

Ces sortes de propositions sont ambiguës, & peuvent être prises différemment selon le dessein de celui qui les prononce. Comme quand je dis : tous les philosophes nous assurent que les choses pesantes tombent d’elles-mêmes en-bas, si mon dessein est de montrer que les choses pesantes tombent d’elles-mêmes en-bas, la premiere partie de cette proposition ne sera qu’incidente, & ne fera qu’appuyer l’affirmation de la derniere partie ; mais si au contraire je n’ai dessein que de rapporter cette opinion des philosophes, sans que moi-même je l’approuve, alors la premiere partie sera la proposition principale, & la derniere sera seulement une partie de l’attribut ; car ce que j’affirmerai ne sera pas que les choses pesantes tombent d’elles-mêmes, mais seulement que tous les philosophes l’assurent ; mais il est aisé de juger par la suite auquel de ces deux sens on prend ces sortes de propositions.

Pour savoir quand une proposition complexe est négative, il faut examiner sur quoi tombe la négation dans une telle proposition ; car ou elle tombe sur le verbe de la proposition principale, & alors elle est négative ; ou elle tombe sur la complexion, soit du sujet, soit de l’attribut, & alors elle est affirmative. Ainsi cette proposition : les impies qui n’honorent pas Dieu, seront damnés, est affirmative, parce que la négation n’affecte que la complexion du sujet.

Les propositions composées sont celles qui ont ou un double sujet ou un double attribut. Or il y en a de deux sortes : les unes où la composition est expressément marquée : & les autres, où elle est plus cachée, & qu’on appelle pour cette raison exponibles, parce qu’elles ont besoin d’être exposées ou expliquées pour en connoître la composition.

On peut réduire celles de la premiere sorte à six especes : les copulatives & les disjonctives, les conditionnelles & les causales, les relatives & les discrétives.

On appelle copalutives celles qui enferment ou plusieurs sujets, ou plusieurs attributs joints par une conjonction affirmative ou négative, c’est-à-dire, & ou ni. La vérité de ces propositions dépend de la vérité de toutes les deux parties.

Les disjonctives sont d’un grand usage, & ce sont celles où entre la conjonction disjonctive, vel, ou. L’amitié, ou trouve les amis égaux, ou les rend égaux. Une femme hait ou aime, il n’y a point de milieu. La vérité de ces propositions dépend de l’opposition nécessaire des parties, qui ne doivent point souffrir de milieu ; mais comme il faut qu’elles n’en puissent souffrir du tout pour être nécessairement vraies, il suffit qu’elles n’en souffrent point ordinairement, pour être considérées comme moralement vraies.

Les conditionnelles sont celles qui ont deux parties liées par la condition si, dont la premiere, qui est celle où est la condition, s’appelle l’antécédent, & l’autre le conséquent. Pour la vérité de ces propositions, on n’a égard qu’à la vérité de la conséquence ; car encore que l’une & l’autre partie fût fausse, si néanmoins la conséquence est légitime, la proposition, entant que conditionnelle, est vraie. Telle est cette proposition : si la matiere est libre, elle pense.

Les causales sont celles qui contiennent deux propositions liées par un mot de cause, quia, parce que, ou ut, afin que. Malheur aux riches, parce qu’ils ont leur consolation en ce monde : les méchans sont élevés, afin que tombant de plus haut, leur chute en soit plus grande. Tolluntur in altum, ut lapsu graviore ruant. Possunt quia posse videntur.

On peut aussi réduire à ces sortes de propositions

celles qu’on appelle réduplicatives. L’homme, entant qu’Homme, est raisonnable. Les rois, entant que rois, ne dépendent que de Dieu seul.

Il est nécessaire pour la vérité de ces propositions, que l’une des parties soit cause de l’autre : ce qui fait aussi qu’il faut que l’une & l’autre soit vraie ; car ce qui est faux n’est point cause, & n’a point de cause ; mais l’une & l’autre partie peut être vraie, & la cause être fausse, parce qu’il suffit pour cela, que l’une des parties ne soit pas cause de l’autre : ainsi un prince peut avoir été malheureux, & être né sous une telle constellation, qu’il ne laisseroit pas d’être faux qu’il ait été malheureux, pour être né sous cette constellation.

Les relatives sont celles qui renferment quelque comparaison & quelque rapport. Telle est la vie, telle est la mort : où est le trésor, la est le cœur. Tanties, quantum habes. La vérité de ces propositions dépend de la justesse du rapport.

Les discrétives sont celles où l’on fait des jugemens différens, en marquant cette différence par ces mots sed, mais ; tamen, néanmoins, ou autres semblables, exprimés ou sous-entendus. Fortuna opes auferre, non animum potest. Et mihi res, non rebus submittere conor. Cælum, non animum mutant, qui trans mare currunt.

La vérité de cette sorte de propositions dépend de la vérité de toutes les deux parties, & de la séparation qu’on y met ; car quoique les deux parties fussent vraies, une proposition de cette sorte seroit ridicule, s’il n’y avoit point entr’elles d’opposition., comme si je disois : Judas étoit un larron, & néanmoins il ne peut souffrir que la Magdelaine répandit ses parfums sur J. C.

Il y a d’autres propositions composées, dont la composition est plus cachée. On peut les réduire à ces quatre sortes, 1°. exclusives : 2°. exceptives : 3°. comparatives : 4°. inceptives ou désitives.

Les exclusives marquent qu’un attribut convient à un sujet, & qu’il ne convient qu’à ce seul sujet, ce qui est marquer qu’il ne convient pas à d’autres : d’où il s’ensuit qu’elles enferment deux jugemens différens, & que par conséquent elles sont composées dans ce sens. C’est ce qu’on exprime par le mot seul ou autre semblable, & le plus souvent en françois par ces mots, il n’y a. Ainsi cette proposition, il n’y a que Dieu seul aimable pour lui-même, peut se résoudre en ces deux propositions : nous devons aimer Dieu pour lui-même, mais pour les créatures nous ne devons point ainsi les aimer.

Il arrive souvent que ces propositions sont exclusives dans le sens, quoique l’exclusion ne soit pas exprimée, comme dans ce beau vers : le salut des vaincus est de n’en point attendre.

Les exceptives sont celles où l’on affirme une chose de tout un sujet, à l’exception de quelqu’un des inférieurs de ce sujet, à qui on fait entendre par quelque mot exceptif, que cela ne convient pas : ce qui visiblement renferme deux jugemens, & rend par-là ces propositions composées dans le sens, comme si je dis : toutes les sectes des anciens philosophes, hormis celle des Platoniciens, n’ont pas eu une idée saine de la spiritualité de Dieu.

Les propositions exceptives & les exclusives peuvent aisément se changer les unes dans les autres. Ainsi cette exceptive de Terence, imperitus, nisi quod ipse facit, nil rectum putat, a été changée par Cornelius Gallus en cette exclusive, hoc tantum rectum quod facit ipse putat.

Les propositions comparatives enferment deux jugemens, parce que c’en sont deux de dire qu’une chose est telle, & de dire qu’elle est telle plus ou moins qu’une autre ; & ainsi ces sortes de propositions sont composées dans le sens. Ridiculum acri fortius ac melius magnas plerumque secatres. On fait souvent