Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blé pour la premiere case, deux pour la seconde, quatre pour la troisieme, & ainsi de suite en doublant toujours jusqu’à la soixante-quatrieme. La demande au premier coup-d’œil pourra paroître très-modeste, & le roi lui-même en jugea ainsi : mais après un plus mûr examen, il se trouva qu’elle excédoit de beaucoup ses facultés & celles des plus opulens monarques. Le calcul suivant en fournit la preuve.

1°. Suivant ce qui a été dit plus haut, la somme de toute progression est  : mais comme ici  ; n’est que , & le dénominateur peut être négligé. On a donc

2°. On s’est assûré qu’une petite marque d’un pouce cubique contient au plus 450 grains de froment. Il y a 1728 de ces mesures dans un pié cubique, qui fait le boisseau de plusieurs endroits & trois fois celui de Paris : le boisseau triple de celui de Paris contient donc 1728 × 450, ou 777600 grains.

3°. Supposons une enceinte quarrée d’une lieue de tour (à 14400 piés la lieue) convertie en grenier, & que le blé y soit entassé à la hauteur de 20 piés ; chaque côté de l’enceinte sera de 3600 piés, son aire de 3600 × 3600 = 12960000 piés quarrés, qui multipliés par la hauteur 20 donneront 259200000 piés cubiques ou boisseaux, pour la contenance d’un pareil grenier. Mais chaque boisseau contient lui-même 777600 grains : le nombre des grains nécessaires pour remplir le grenier supposé est donc 259200000 × 777600, ou 201553920000000.

Il n’y a plus qu’à diviser le premier nombre 184 &c. par ce dernier ; le quotient fera connoître combien de pareils greniers seroient nécessaires pour contenir les grains en question. Or ce quotient est 91522, avec une fraction qu’on néglige ici, mais qui évaluée seroit plus que suffisante pour faire la fortune de six mille honnêtes familles.

Qui voudroit apprécier en argent cette énorme quantité de blé, trouveroit, à ne mettre le boisseau (tel même que nous l’avons supposé) qu’à 2 liv. de notre monnoie, que le prix de chaque grenier seroit 518.400.000 liv. & comme il y en a 91522, ces deux nombres multipliés l’un par l’autre donneroient 47.445.004.800.000 liv. somme exorbitante & telle que les trésors reunis de tous les potentats du monde connu seroient éloignés d’y atteindre. Article de M. Rallier des Ourmes

Progression des animaux, (Physiq.) la progression est ce transport par lequel les animaux passent d’un lieu à un autre, au moyen du mouvement qu’ils donnent à des parties différentes de leurs corps destinées à cet usage. Il y a plusieurs especes de progressions dont les principales sont le marcher, le voler, & le nager.

1°. Le roulement dans les huitres ; 2°. le trainement dans les limaçons, les vers de terre, les sangsues, &c. 3°. le rampement dans les serpens ; 4°. l’attraction dans les polypes & dans les séches, sont des progressions différentes de celles du marcher des quadrupedes, ou plutôt ne sont pas proprement des progressions.

En effet, le mouvement par lequel les huitres détachées des rochers, & les autres animaux enfermés dans des coquilles, sont transportés d’un lieu à un autre, n’est qu’un roulement causé par les vagues de l’eau qui les pousse.

L’allure du trainement des limaçons, des vers de terre, &c. est un mouvement qui n’est guere plus composé que celui des huitres dans son principe, quoiqu’il ait un effet plus diversifié.

Le rampement des serpens n’est différent de celui des vers de terre, qu’en ce que leur corps ne rentre pas en lui-même, mais qu’il plie pour se raccourcir.

L’allure des polypes se fait par des bras, qui s’attachent par le moyen de certaines parties qui leur tiennent lieu d’ongles.

Les animaux terrestres ont une progression plus parfaite & plus commode, parce qu’elle les fait tourner plus aisément & plus promptement de tous les côtés. Les instrumens qui y servent, qui sont les piés, ont aussi une structure beaucoup plus composée ; les ongles entre autres y ont beaucoup de part, car ils servent pour affermir leurs piés & empêcher qu’ils ne glissent ; les élans qui les ont fort durs, courent aisément sur la glace sans glisser.

Leurs piés ne servent pas seulement pour marcher, mais aussi pour grimper, pour prendre la nourriture, pour travailler à leurs habitations ou à des ouvrages, comme les mouches à miel à bâtir leurs cellules.

Enfin les animaux qui ont quatre piés s’en servent encore pour nager ; la plûpart ne les remuent point d’autre maniere pour nager que pour marcher, & ce mouvement des piés soutient tout l’animal, par la raison que le pli qu’ils leur font faire en le levant, est cause qu’ils ne rencontrent pas tant d’eau que quand ils les rabaissent, parce qu’alors ils sont plus étendus. Les animaux qui ont des peaux entre les ongles des piés, comme le castor & la loutre, frappent l’eau en abaissant les piés d’une maniere encore plus avantageuse pour soutenir leur corps sur l’eau, parce qu’ils les écartent & les élargissent, lorsqu’ils les abaissent, & qu’ils les resserrent & les étrécissent quand ils les relevent. Voyez Nager.

Aristote nous a laissé un livre περὶ ζῴων πορείας, ou sur le mouvement progressif des animaux. Petrus Alcyonius, Petrus de Alvernia, & Proculus y ont ajouté leurs commentaires. Franç. Bonanici a composé dix livres sur le même sujet ; ils ont été publiés à Florence en 1591, in-fol. D’autres ont encore traité cette matiere ; mais le livre qui mérite le plus d’être lû, c’est celui de Joh. Alph. Borelli, de motu animalium. Il a paru à Rome en 1680, in-4°. Lugd. Batav. 1710, & finalement à Naples en 1734, même format. Quant à la progression des insectes, nous en ferons un article séparé. (D. J.)

Progression des insectes, (Hist. nat. des Ins.) la progression ou le mouvement progressif des insectes, est le transport de ces especes d’animaux d’un lieu à l’autre, soit dans l’eau, sur terre, ou dans l’air pour leurs divers besoins.

Cette grande variété qu’on remarque dans le mouvement des différens animaux, a paru mériter l’attention de plusieurs savans, mais ils n’ont pas assez approfondi les mouvemens progressifs des insectes, & cependant ce sujet n’étoit pas indigne de leurs regards.

La progression des insectes est variée suivant l’élément qu’ils habitent. Autre est la maniere dont se meuvent ceux qui vivent dans l’eau ; autre est la maniere de ceux qui vivent sur la terre, & de ceux qui voltigent dans l’air. De plus chaque espece a un mouvement qui lui est propre, soit dans l’eau, soit sur terre, soit dans l’air.

De la progression des insectes aquatiques. Les insectes aquatiques ne sont point bornés à un seul genre de mouvement progressif. Grand nombre marchent, nagent, & volent ; d’autres marchent & nagent ; d’autres n’ont qu’un de ces deux moyens de s’avancer. De ceux qui nagent la plûpart nagent sur le ventre, & quelques-uns sur le dos. Pour nager plus vîte, il y en a qui ont la faculté de se remplir d’eau, & de la jetter avec force par la partie postérieure, ce qui les pousse en avant par un effet semblable à celui qui repousse l’éolipile, ou fait voler une fusée ; d’autres ont les jambes postérieures longues & faites en forme de rames, dont ils imitent les mouvemens.