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D, croix de saint André E, & autres pieces F, formant la partie circulaire traversée de plusieurs plateformes ou madriers G, fig. 132, pour la facilité du passage : le tout soutenu sur sa longueur de plusieurs pieces de bois H, fig. 131, en forme de potence ; les angles I, fig. 132, de ce pont nécessairement arrondis sont recouverts de chassis à charniere & de même forme, que l’on leve, lorsqu’on ferme le pont, & que l’on baisse, lorsqu’on l’ouvre.

Les fig. 134 & 135 sont l’élévation & le plan d’un autre pont-tournant, ouvrant aussi en deux parties composées chacune d’un plancher, fig. 135, garni de longrines A, traversines B, & coyers C, sur lesquelles sont posées plusieurs plate-formes ou madriers D, pour la facilité du passage ; la portée ne pouvant être soutenue par-dessous au précédent, l’est au contraire par-dessus par une espece de ferme, fig. 134, composée de tirant E, de poinçon F, arbaletriers G, contrefiches H, & jambes de force I, ce plancher surmonté d’un appui ou garde foux, composé de poinçon K, sommiers inférieurs L, sommiers supérieurs M, roule sur un pivot placé au milieu, à quelque distance duquel sont plusieurs poulies N arrêtées au chassis du pont.

Des ponts suspendus. Les ponts suspendus sont d’un très-grand avantage pour les pays montagneux, ou ils sont plus en usage que dans les autres, puisqu’ils ouvrent un passage entre deux provinces, fermé par des fleuves ou précipices entre des rochers escarpés où tout autre pont seroit impraticable. Celui que l’on voit dans la vignette de la Planche XVIII, en est un de cette espece, qui au rapport de Ficher, liv. III, est executé en Chine près la ville de Kintung ; c’est un composé de plusieurs planchers garnis chacun de longrines & traversines bien arrêtées ensemble, suspend les sur environ vingt fortes chaînes attachées aux extrémités de deux montagnes : ce pont, quoique chancelant lors du passage des charrois, ne laisse pas d’être encore très solide.

Des pilotis & échafaudages pour la construction des ponts. L’art de piloter dans le fond des rivieres pour la construction des piles de ponts en pierre, n’est pas une chose des moins intéressantes, pour ce qui regarde la Charpenterie, puisqu’elle seule en fait la principale partie ; nous n’avons eu jusqu’à présent qu’une seule & unique maniere de le faire, & qui coute considérablement ; en effet couper des rivieres[1], construire des batardeaux[2], établir des pompes[3] pour l’épuisement des eaux, une grande quantité d’hommes que l’on est obligé d’employer pour toutes ces manœuvres, un nombre infini d’inconvéniens presqu’insurmontables, & qu’il est impossible de prévoir en pareil cas, sont autant de considérations qui ont souvent empêché de bâtir des ponts en pierre. Nous verrons dans la suite des productions admirables d’un homme de génie qui vient de nous apprendre les moyens de les construire sans le secours de toutes ces dépenses immenses.

Maniere ancienne de piloter. Les moyens que l’on a employé jusqu’à présent pour construire les piles des ponts sont de deux sortes : la premiere, en détournant, s’il est possible, le cours de la riviere sur laquelle on veut faire un pont ; alors on diminue beaucoup la dépense, toutes les difficultés sont levées, & l’on bâtit à sec, sans avoir à craindre aucun inconvénient : la seconde, après avoir déterminé le lieu où l’on veut construire le pont, & en conséquence planté tous les repairs[4] & les alignemens

nécessaires, on construit les piles l’une après l’autre ; on commence d’abord par environner celle que l’on veut élever d’un batardeau composé de deux files de pieux A & B, Pl. XIX, distans d’environ huit à dix piés l’un de l’autre, & éloignés entr’eux d’environ quatre piés, battus & enfoncés dans la terre, fort près de chacun desquels, & à environ quatre pouces de distance intérieurement, sont d’autres pieux battus légérement pour procurer le moyen d’enfoncer de part & d’autre jusqu’au fond de l’eau, des madriers C posés de champ[5], les uns sur les autres, dont on remplit ensuite l’intervalle D de bonne terre grasse, après avoir retenu la tête des pieux A & B de fortes moises E boulonnées : ce circuit de glaise fait, forme dans son milieu un bassin rempli d’eau que l’on épuise alors à force de pompe, jusqu’à ce que le fond soit à sec, & que l’on entretient ainsi par leurs secours, jusqu’à ce qu’après avoir enfoncé plusieurs files de pieux F jusqu’au bon terrein, & au refus du mouton[6] G, les avoir recouverts d’un grillage de charpente composé de longrines H, & traversines I, entaillées les unes dans les autres, moitié par moitié, & recouverts ensuite d’un plancher de plate-formes K attachées de cloux ; on éleve dessus la maçonnerie qui forme la pile : ceci fait, on défait le batardeau pour le placer de la même maniere dans l’endroit où l’on veut construire une autre pile.

Maniere moderne de piloter. L’art de piloter, selon la nouvelle maniere, pour la construction des piles de poutre en pierres, est d’un très-grand avantage. M. Belidor, célebre Ingénieur, connu par plusieurs excellens ouvrages, considéroit, & se plaignoit même depuis long-tems de toutes les dépenses qu’on étoit obligé de faire lors de la construction des ponts en pierre, sachant bien qu’il étoit possible de piloter, sans détourner le cours des rivieres, & sans le secours des batardeaux, comme on le fait pour les ponts de bois ; la difficulté ne consistoit qu’à scier les pieux dans le fond de l’eau horisontalement & à égale hauteur, d’y poser un grillage de charpente recouvert de platte-formes, & d’y placer les premieres assises[7] des piles ; il avoit en conséquence tenté les moyens d’imaginer une scie qui pût scier au fond de l’eau horisontalement, dans l’espérance de trouver l’invention des autres choses qui paroissoient bien moins difficiles ; les recherches n’ayant pas été heureuses, M. de Vauglie, inspecteur des ponts & chaussées de France, homme industrieux & connu par ses talens, s’attacha beaucoup à cette partie, & nous donna en 1758, des fruits merveilleux de son génie.

Lors donc que l’on veut construire une pile en pierre, on commence pour la facilité des opérations par environner le lieu où l’on veut l’élever d’un échafaud ou plancher solide composé de plusieurs files de petits pieux B, Pl. XX. sur lesquels sont appuyées plusieurs pieces de bois C assemblées entr’elles, & arrêtées sur des petits pieux B, surmontés de madriers ou plate-formes l & m, solidement attachés sur les pieces de bois C, ensuite on plante plusieurs files de gros pieux D au refus du mouton E, à environ 3 piés de distance l’un de l’autre, & autant qu’il en faut pour soutenir la pile avec solidité ; tous ces pieux ainsi enfoncés plus ou moins, selon la profondeur du bon terrein, se recepent tous au fond de l’eau, à la hauteur que l’on juge à propos, & de niveau avec une scie méchanique dont nous allons voir la description.

Description des moyens mis en usage pour fonder sans batardeaux ni epuisemens les piles du pont de Saumur

  1. Couper une tiviere, c’est lui donner un cours nouveau.
  2. Un bâtardeau est un circuit de terre grasse pour empêcher l’eau de pénétrer dans son intérieur.
  3. Les pompes sont des machines pour élever l’eau.
  4. Les repairs sont des marques que l’on fait pour se reconnoitre sur le terrein.
  5. De champ, c’est-à-dire que le côté le plus mince regarde la terre.
  6. Billot de bois pour enfoncer les pieux.
  7. Une assise de pierre est un rang de pierre d’égale hauteur sur toute une superficie.