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cile, l’avoient également reconnue, c’est-à-dire, une primauté & une supériorité non pas arbitraire ni illimitée, mais réglée par les saints canons.

Mais ajoute Bingham, il faudroit donc supposer que ces évêques de la grande-Bretagne, du tems du moine saint Augustin, étoient tombés dans le schisme. C’est en effet ce qu’a prétendu Schelstrate. Pour nous, nous pensons que l’irruption des Saxons ayant tout bouleversé dans la grande-Bretagne, & sur-tout interrompu le commerce des Iles britanniques avec l’empire & le siege de Rome, l’ignorance se glissa dans le clergé, & qu’à la faveur des troubles les évêques s’arrogerent une indépendance qu’ils n’avoient pas ; la barbarie des Saxons & leur attachement au paganisme étoient tout-à-fait contraires au progrès des Lettres & de la Religion, aussi étoit-elle dans un état déplorable dans cette partie de l’Europe, lorsque le missionnaire saint Augustin y arriva ; ces évêques dont Bingham fait sonner si haut la prétendue indépendance, croupissoient dans l’ignorance & dans la corruption des mœurs. Est-il étonnant après cela qu’ils eussent oublié ou qu’ils affectassent de méconnoître ce qu’avoient si bien su leurs prédécesseurs ? Ce qu’il y a de certain, c’est que saint Augustin remit les choses dans l’ordre, & que l’Angleterre a reconnu la primauté des papes jusqu’au schisme d’Henri VIII. C’est aux théologiens anglois à nous expliquer par quel enchantement tant d’hommes illustres, de saints évêques & de grands rois, pendant neuf siecles, ont pû subir un joug que leurs ancêtres ont, dit-on, rejetté, & qu’ont brisé leurs descendans. Voyez Bingham, orig. ecclesiastic. tom. III. lib. IX. c. j. §. 12. &c. vj. §. 20.

4°. Aux preuves que nous avons déja rapportées de la primauté du pape, se joint la reconnoissance formelle qu’en ont faite les empereurs, les rois & autres souverains. Théodose & Valentinien parlent ainsi de la prééminence de l’Eglise romaine : cum igitur sedis apostolicæ primatum sancti Petri meritum qui princeps est episcopalis coronæ & romanae dignitas civitatis, sacræ etiam synodi firmavit autoritas. Valentinien, dans sa lettre à Théodose, que l’évêque de Rome a la prééminence sur tous les autres : quatenùs beatissimus romanae civitatis episcopus, cui principatum sacerdotis super omnes antiquitas contulit ; & Justinien, novell. CXXXI. tit. XIV. cap. 2. sancimus secundum earum synodorum definitiones sanctissimum senioris Romæ papam primum esse omnium sacerdotum. On peut voir dans les preuves des libertés de l’Eglise gallicane comment nos rois très-chrétiens se sont plusieurs fois exprimés sur le même sujet, en restreignant toutefois la puissance des papes dans ses véritables limites.

Les Protestans avancent que toutes ces prérogatives ne sont que des concessions de l’Eglise ou des princes, dont on a décoré les papes en certains tems, & dont il a été permis en d’autres de les dépouiller.

Les Catholiques au contraire prouvent qu’il ne la tient ni de l’Eglise, ni d’aucune autorité humaine, mais immédiatement de Jesus-Christ qui l’a promise & conférée à saint Pierre, comme il est rapporté en saint Matthieu, c. xvj. v. 10 & 19. & suivant l’explication qu’en donnent saint Cyprien, lib. de unit. eccles. saint Jérome, lib. I. contrà Jovinian. saint Augustin, tract. CXXIV. in Joann. saint Léon, serm. III. in annivers. suæ election. & plusieurs autres. Or le pape, en succédant à saint Pierre dans sa chaire. succede à tous les droits conférés à cet apôtre, & par conséquent à la primauté d’honneur & de jurisdiction. Voyez Tournely, trait. de l’Eglise, & les autres théologiens, Bellarmin, le card. du Perron, réplique à la réponse du roi de la grande-Bretagne.

PRIME ou MINUTE, s. f. (Géom.) signifie en Géométrie la soixantieme partie d’un degré. Voyez Degré.

Prime se prend aussi quelquefois pour la dixieme partie d’une unité. Voyez Décimal.

En parlant des poids, prime se prend pour la vingt-quatrieme partie d’un grain. Voyez Grain. (E)

Prime de la lune, se dit de la nouvelle lune lorsqu’elle paroît pour la premiere fois, deux ou trois jours après la conjonction : on dit que la lune est en prime, lorsque l’on apperçoit pour la premiere fois le croissant, c’est-à-dire lorsqu’on voit pour la premiere fois la lune se lever en même tems que le soleil se couche. Voyez Nouvelle lune. (O)

Prime, (Théol.) prima, nom que l’on donne à la premiere des petites heures ou heures canoniques qui font partie du breviaire ou de l’office canonique. Voyez Breviaire & Heure.

Prime est la partie de l’office qui suit les laudes : elle est composée du Deus in adjutorium, d’une hymne, de trois pseaumes avec leur antienne, auxquels on ajoute le symbole de S. Athanase les dimanches & lorsqu’on fait l’office de la Trinité, puis d’un capitule & de son répons bref suivi d’une oraison, du confiteor, de quelques prieres ou versets de l’Ecriture, de la lecture d’un canon des conciles, & quelquefois de celle du martyrologe, ce qui est terminé par quelques autres courtes prieres.

On rapporte l’institution de cette heure canoniale aux moines de Bethléem, & Cassien en fait mention dans ses Institutions, liv. III. ch. iv. car l’auteur des constitutions apostoliques, S. Jérôme & S. Basile, qui avant Cassien ont traité de l’office divin, n’en disent mot. Ce dernier observe donc qu’on chantoit, on récitoit à prime trois pseaumes, savoir le 50e. le 62. & le 89. ou selon la maniere de compter des Hébreux, le 51e. le 63. & le 90. Il appelle cet office matutina solemnitas, ce qu’il ne faut pas toutefois confondre avec les matines ou l’office de la nuit, qu’on nommoit aussi matutinum, nocturnum, vigiliæ, au-lieu qu’on ne disoit prime qu’au point du jour, ou même après le lever du soleil, comme il paroît par l’hymne attribuée à saint Ambroise : Jam lucis orto sidere, &c. Cassien l’appelle encore novella solemnitas, parce que de son tems cette coutume étoit encore récente, & il ajoute qu’elle passa bien-tôt des monasteres d’Orient dans ceux des Gaules. La raison mystique que la glose apporte de la récitation de prime vers la premiere heure du jour, c’est-à-dire vers les six heures du matin, selon la maniere de compter des anciens, est qu’à cette heure Jesus-Christ fut mené chez Caïphe, & exposé aux insultes des soldats, prima replet sputis. Bingham. orig. Eccles. t. V. lib. XII. c. ix. §. 10.

Prime, (Hist. nat. Minéral.) les Lapidaires appellent du nom générique de prime, une pierre qui n’est autre chose que du quartz, sur lequel sont portés des crystaux de roche diversement colorés. Les sommets de ces crystaux sont ordinairement plus colorés que la pierre qui leur sert de base, ou de laquelle ils sont sortis. La prime d’amethyste est un quartz d’un violet plus ou moins vif ; il ne faut donc point regarder la prime comme une vraie pierre précieuse, dont elle n’a point la dureté, ce n’est autre chose que la matiere qui a donné naissance au crystal de roche coloré sans se crystaliser elle-même. (—)

Prime d’émeraude, (Hist. nat.) prasius, pierre d’un verd terne & impur, mêlé d’un peu de jaune, elle est demi-transparente ; M. Hill croit que c’est la pierre que les anciens ont nommée prasius, ils en distinguoient trois especes, l’une étoit verte, les autres étoient veinées de blanc & de rouge. Selon le même M. Hill les modernes en comptent aussi trois especes, savoir la verte foncée ; la verte jaunâtre & la jaune blanchâtre qui n’est que d’un verd très-léger. Woodward croit que cette pierre est le smaragdo prasus des anciens, mais M. Hill n’est point de cet