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Il est naturel de penser que quelques peuples payens prioient pour les morts ; du-moins les Romains avoient des cérémonies usitées pour appaiser les mânes, & des especes de formules à cet égard : telle étoit celle-ci, rapportée par divers auteurs. Ita peto vos manes sanctissimos commendatum habeatis meum conjugem, & velitis illi indulgentissimi esse. Porphyre nous a conservé un morceau de la liturgie des Egyptiens, qui paroît prouver que ces peuples prioient aussi pour les morts.

Les Hébreux emprunterent apparemment cette pratique, mais fort tard, des Egyptiens : car la loi ne commandoit point de prieres pour les morts, & n’ordonnoit des sacrifices que pour les vivans. Comme l’auteur du liv. II. des Macchab. xij. 46. dit que c’est une sainte pensée de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés, il résulte que dans ce tems-là la priere pour les morts étoit déja introduite chez les Juifs.

Le célebre théologien Jean Gerhard nous apprend que l’auteur du livre intitulé, Rosch ilaschana, y soutient que les ames de ceux qui meurent & qui ne sont ni parfaitement justes, ni tout-à-fait impies, expient leurs péchés dans l’enfer pendant douze mois, après quoi elles sont délivrées. Il prétend qu’on peut leur procurer du soulagement par les prieres qu’on fait pour elles tous les jours de sabbat ; en conséquence les Juifs avoient un formulaire en ce genre.

L’usage de la priere pour les morts passa insensiblement de l’église judaïque dans l’église chrétienne, par l’incertitude où les Peres étoient sur l’état des morts. Nous avons une dissertation savante qui démontre bien cette incertitude. Cet ouvrage est utile pour justifier deux choses : l’une, combien les hommes peuvent s’égarer quand ils s’abandonnent à leur imagination ; l’autre, combien la tradition la plus ancienne & en apparence la plus autorisée, est insuffisante pour l’explication de l’Ecriture-sainte. Tertullien, par exemple, plaçoit les ames des méchans dans un lieu brûlant, celles des bons dans un lieu de rafraîchissement, & il séparoit ces deux lieux par un grand abîme ; mais il faut excuser ces sortes d’opinions peu judicieuses. (D. J.)

Priere, heures de la, (Hist. ecclés.) Quoiqu’elles soient toutes égales, la police ecclésiastique en doit fixer de reglées dans le culte public, suivant les tems, les lieux & les saisons. Il paroît que les heures de tierce, de sexte & de none, c’est-à-dire de neuf heures, de midi, & de trois heures, ont été bien anciennement destinées à cet usage ; mais l’on voit aussi que cela n’étoit pas général, & qu’il n’y avoit pas de loi pour les observer. Il est bon d’en faire la remarque, parce qu’on a prétendu depuis, que ces heures ont été choisies à l’imitation des Apôtres. On assure que la priere à l’heure de tierce (neuf heures du matin) fut instituée à l’occasion de la descente du saint Esprit sur les Apôtres à cette heure-là. Saint Cyprien estime que la priere est nécessaire à la sixieme heure du jour (sexte ou midi), parce que ce fut alors que Pierre montant sur le toît pour prier, fut averti par un signe de Dieu de recevoir tous les hommes à la grace du salut. Selon S. Basile, la nécessité de prier à la neuvieme heure du jour (à trois heures après midi), vient de ce que Pierre & Jean alloient au temple à cette heure-là. Enfin on trouve dans S. Cyprien une raison bien plus mystique sur ce sujet : « Ces trois prieres, dit-il, & ces trois intervalles de trois heures chacun entre chaque priere, sont une admirable figure de la Trinité ». De orat. domin.

Il est vrai que la coutume de ces heures de prieres n’a rien que d’innocent ; cependant il faut avouer que toutes les raisons qu’en apportent les Peres sont peu solides. D’ailleurs il est certain que l’institution n’en est point apostolique, & qu’on ne peut l’établir par

aucun précepte de l’Ecriture ; mais il paroît que les sacrifices ordinaires des Juifs ont donné lieu & cours aux prieres à ces heures-là. J’en excepte l’heure de sexte ou de midi, qui ne paroît point dériver d’eux, & qui s’établit ou sur la coutume de S. Pierre & de S. Jean, qui se rendoient souvent au temple de Jérusalem à cette heure-là, ou sur quelqu’autre raison semblable à celle qu’allegue S. Cyprien ; savoir, par exemple, que c’est à cette heure-là que se fit la crucifixion de notre Sauveur. (D. J.)

Prieres, (Mythol.) Hésiode prétend que les prieres étoient filles de Jupiter ; elles sont boiteuses, dit ingénieusement Homere, ridées, ayant toujours les yeux baissés, l’air rampant & humilié, marchant continuellement après l’injure, pour guérir les maux qu’elle a faits. (D. J.)

PRIEST, Saint, (Géog. mod.) en latin du moyen âge, Castrum sancti proejecti ; petite ville, ou plûtôt bourg de France dans le Forez, au diocèse de Lyon, avec le titre de baronnie. (D. J.)

PRIEUR, s. m. (Gramm. & Jurispr.) est un ecclésiastique qui est préposé sur un monastere ou bénéfice qui a le titre de prieuré.

L’origine des prieurés est fort ancienne. Depuis que les réguliers eurent été enrichis par les libéralités des fideles, comme outre les biens qu’ils possédoient aux environs de leur monasteres, ils avoient aussi quelquefois des fermes & des métairies considérables qui en étoient fort éloignées, ils envoyerent dans chacun de ces domaines un certain nombre de leurs religieux ou chanoines réguliers, qui régissoient le temporel & célébroient le service divin entr’eux dans une chapelle domestique. On appelloit ces fermes celles ou obédiences.

Celui qui étoit le chef des religieux ou chanoines réguliers d’une obédience, se nommoit prieur ou prevôt ; & la chapelle & maison qu’ils desservoient, fut aussi nommée prieuré ou prevôté.

Le prieur, & ceux qui lui étoient adjoints, étoient obligés de rendre compte de leur régie tous les ans au monastere duquel ils dépendoient ; ils ne pouvoient prendre sur le revenu de la métairie que ce qui étoit nécessaire pour leur entretien.

L’abbé pouvoit, lorsqu’il le jugeoit à-propos, rappeller le prieur ou prevôt & ses religieux dans le monastere.

Le relâchement de la discipline monastique s’étendit bientôt dans ces petits monasteres. Le concile de Latran tenu en 1179, ordonna que les choses seroient remises sur l’ancien pié, mais cela ne fut pas observé.

En effet, dès le commencement du xiij. siecle, il y eut des abbés qui donnerent des ordres à quelques-uns de leurs religieux, pour demeurer pendant leur vie dans une obédience, & pour en gouverner les biens comme fermiers perpétuels.

Cet usage fut d’abord regardé comme un abus. Le pape Innocent III. écrivant en 1213 à un abbé & aux religieux d’un monastere de l’ordre de saint Benoît, leur défendit de donner ces obédiences à vie, & voulut que ceux qui les desservoient fussent révocables à la volonté de l’abbé.

Cependant cette loi ne fut pas exécutée ; les prieurs au contraire voyant que les abbés & autres officiers des monasteres s’étoient attribué chacun une partie des revenus de l’abbaye, s’approprierent aussi les revenus dont ils n’étoient originairement que fermiers.

Ce changement s’affermit si bien, que sur la fin du xiij. siecle les prieurés qu’on nommoit cependant encore obédiences & administrations, étoient reglés comme de vrais bénéfices.

Plusieurs titulaires de ces prieurés en expulserent les religieux qui y vivoient avec eux, & y demeu-