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Mais cela est peu refléchi ; car celui qui ne sait, par exemple, que l’addition, n’auroit point de moyen naturel d’en faire la preuve. Il faut donc dire que la preuve naturelle d’une régle est toujours celle qui se tire des connoissances actuelles que l’on a, & des circonstances où l’on se trouve ; ainsi, ignorant la division, je voudrois pourtant faire la preuve de la multiplication : pour cela, je remarque que je puis mettre le multiplicande en la place du multiplicateur, & réciproquement : qu’en multipliant ces nombres dans cette nouvelle disposition, il doit me venir le même produit qu’auparavant ; je fais donc le calcul, & j’examine si les deux produits sont parfaitement les mêmes : car , ou donnent le même produit 48.

La preuve de l’addition par 9 est fautive, comme l’a prouvé le P. Lamy, dans son traité de la grandeur.

Aucune regle d’arithmétique n’auroit besoin de preuve, si le calculateur n’étoit pas sujet à se tromper dans l’opération ; car chacune des regles étant fondée sur des principes vrais & démontrés, il est certain que la régle est bonne, pourvu qu’on ait bien calculé.

Ainsi, la preuve d’une régle n’est pas faite pour confirmer & pour appuyer la regle, mais pour assurer le calculateur, qu’il l’a parfaitement suivie. (E)

Preuve, (Jurisprudence.) est ce qui sert à justifier qu’une chose est véritable.

On peut faire la preuve d’un fait, de la vérité d’un écrit ou de quelqu’autre piece, comme d’une monnoie, d’un sceau, &c.

On apporte aussi la preuve d’une proposition ou d’un point de droit, que l’on a mis en avant ; cette preuve se fait par des citations & des autorités ; mais ces sortes de preuves sont ordinairement désignées sous le nom de moyens ; & quand on parle de preuve, on entend ordinairement la preuve d’une vérité de fait en général.

L’usage des preuves ne s’applique qu’aux faits qui ne sont pas déja certains ; ainsi lorsqu’un fait est établi par un acte authentique, on n’a pas besoin d’en faire la preuve, à moins que l’acte ne soit attaqué par la voie de l’inscription de faux ; auquel cas, c’est la vérité de l’acte qu’il s’agit de prouver.

Il faut néanmoins distinguer entre les faits contenus dans un acte authentique ceux qui sont attestés par l’officier public, comme s’étant passés devant lui, de ceux qu’il atteste seulement à la relation des parties ; les premiers sont certains, & n’ont pas besoin d’autre preuve que l’acte même ; les autres peuvent être contestés, auquel cas celui qui a intérêt de les soutenir véritables, doit en faire la preuve.

La maxime commune par rapport à l’obligation de faire preuve est que la preuve est à la charge du demandeur, & que le défendeur doit prouver son exception, parce qu’il devient demandeur en cette partie ; & en général il est de principe, que lorsqu’un fait est contesté en justice, c’est à celui qui l’allegue à le prouver.

Le juge peut ordonner la preuve en deux cas ; savoir, quand l’une des parties le demande, ou lorsque les parties se trouvent contraires en faits.

On ne doit pas admettre la preuve de toutes sortes de faits indifféremment.

On distingue d’abord les faits affirmatifs des faits négatifs.

La preuve d’une négative ou d’un fait purement négatif est impossible, & conséquemment ne doit point être admise : par exemple, quelqu’un dit simplement, je n’étois pas un tel jour à tel endroit ; ce fait est purement négatif : mais il ajoute, parce que je fus ailleurs : la négative étant restrainte à des circonstan-

ces, & se trouvant jointe à un fait qui est affirmatif,

la preuve en est admissible.

On ne doit pareillement admettre que la preuve des faits qui paroissent pertinens, c’est-à-dire, de ceux dont on peut tirer des conséquences, qui servent à établir le droit de celui qui les allegue.

Il faut d’ailleurs que la preuve que l’on demande à faire soit admissible ; car il y a des cas où l’on n’admet pas un certain genre de preuve.

On distingue en général trois sortes de preuves.

Les preuves vocales ou testimoniales, les preuves litterales ou par écrit, & les preuves muettes.

Lorsque celui qui demande à faire preuve d’un fait, offre de le prouver par écrit, on lui permet aussi de le prouver par témoins ; car quoique les preuves par écrit soient ordinairement les plus sûres, néanmoins comme ces sortes de preuves peuvent être insuffisantes, ou manquent en certaines occasions, on se sert de tous les moyens propres à éclaircir la vérité, c’est pourquoi l’on emploie aussi la preuve par témoins & les preuves muettes, qui sont les indices & les présomptions de fait & de droit ; on cumule tous ces différens genres de preuves, lesquelles se prêtent un mutuel secours.

La preuve par écrit peut suffire toute seule pour établir un fait.

Il n’en est pas toujours de même de la preuve testimoniale : il y a des cas où elle n’est pas admissible, à moins qu’il n’y ait déja un commencement de preuve par écrit.

En général une preuve non écrite n’est pas admise en droit contre un écrit.

Il faut néanmoins distinguer si c’est en matiere civile, ou en matiere criminelle, & si l’acte est inscrit de faux ou non.

L’usage de la preuve par témoins en matiere civile commença d’être restraint par l’ordonnance de Moulins, laquelle, art. 54. pour obvier à la multiplication de faits, dont on demandoit à faire preuve, ordonna que dorénavant de toutes choses excédant la somme ou valeur de 100 liv. pour une fois payer, il seroit passé des contrats devant notaires & témoins, par lesquels contrat seroit seulement faite & reçue toute preuve dans ces matieres, sans recevoir aucune preuve par témoins, outre le contenu au contrat, ni sur ce qui seroit allegué avoir été dit ou convenu avant icelui, lors & depuis, en quoi l’ordonnance de Moulins déclara qu’elle n’entendoit exclure les conventions particulieres & autres, qui seroient faites par les parties sous leurs sceau & écritures privées.

L’ordonnance de 1667, tit. 20. des faits qui gissent en preuve vocale ou littérale, a expliqué la disposition de celle de Moulins : elle ordonne qu’il sera passé acte devant notaires, ou sous signature privée, de toutes choses excédant la somme ou valeur de 100 l. même pour dépôt volontaire, & qu’il ne sera reçu aucune preuve par témoins contre & outre le contenu aux actes, ni sur ce qui seroit allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agit d’une somme ou valeur moindre de 100 liv. sans toutefois rien innover pour ce regard, à ce qui s’observe en la justice des juges & consuls des marchands.

Le roi déclare par l’article suivant, qu’il n’entend pas exclure la preuve par témoins pour dépôt nécessaire en cas d’incendie, ruine, tumulte ou naufrage, ni en cas d’accidens imprévus, où on ne pourroit avoir fait des actes, & aussi lorsqu’il y aura un commencement de preuve par écrit.

Il ajoute qu’il n’entend pas pareillement exclure la preuve par témoins pour dépôt fait en logeant dans une hôtellerie entre les mains de l’hôte ou de l’hôtesse, laquelle preuve pourra être ordonnée par le juge,