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de ce privilege au prevôt de Paris & à ses successeurs : ad hæ sint, est-il dit, in perpetuum adjutores.

Il avoit autrefois son sceau particulier comme tous les autres magistrats, dont il scelloit les actes de sa jurisdiction contentieuse & volontaire ; ce qui suffisoit alors pour les rendre authentiques sans autre signature.

Vers la fin du regne de Philippe-Auguste, on introduisit l’abus de donner les bailliages & les prevôtés royales à ferme. La prevôté de Paris ne fut pas exempte de ce désordre, il y eut aussi des prevôts fermiers ; on voit même qu’en 1245 & en 1251 elle étoit tenue par deux marchands qui en exerçoient collectivement les fonctions. Ces prevôts fermiers ne jugeoient point, cela leur étoit même défendu ; ils convoquoient seulement les parties, les avocats leur donnoient conseil pour les causes qui se jugeoient en l’audience, ils jugeoient par leur avis. On prétend que c’est de-là que vient le serment que les avocats prêtoient ci-devant au châtelet ; lorsqu’il s’agissoit de faits & de preuves, il renvoyoit aux commissaires ; si c’étoit un point de droit, il renvoyoit aux conseillers qui jugeoient en la chambre civile.

La prevôté de Paris ne demeura dans cet état que pendant 30 ans, dans un besoin extrème d’argent, sur la fin du regne de Philippe-Auguste, sous celui de Louis VIII. & pendant la minorité de saint Louis. Dès que ce prince fut en âge de gouverner par lui-même, il réforma cet abus pour sa capitale, ce qui n’eut lieu pour les provinces que plus d’un siecle après, de sorte que l’office de prevôt de Paris en reçut un grand éclat ; ce magistrat ayant été commis par nos rois pour visiter les provinces, & y réprimer les désordres que faisoient les baillis & sénéchaux fermiers. C’est ce que l’on voit dans plusieurs ordonnances de la troisieme race, où le prevôt de Paris est nommé visiteur & réformateur par tout le royaume.

Ce fut en 1254 que saint Louis retira à lui la prevôté de Paris ; il la sépara pour toujours des fermes de son domaine, & la donna en garde à Etienne Boileau, ou Boisleve, homme de grand mérite, & lui assigna des gages pour lui & ses successeurs.

Depuis ce tems, ceux qui remplissoient les fonctions de cet office ne prenoient ordinairement dans leurs provisions que le titre de garde de la prevôté de Paris & non celui de prevôt, quelques uns prétendant que le roi lui-même étoit prevôt de Paris ; mais depuis 1685 on n’a plus fait de difficulté de donner le titre de prevôt de Paris au magistrat qui en fait les fonctions.

Saint Louis débarassa aussi le prevôt de Paris du soin de recevoir les actes de jurisdiction volontaire & de les faire expédier, en créant à cet effet soixante notaires.

Il paroît par des ordonnances & réglemens généraux de 1302, 1320, 1327 & 1420, que le prevôt de Paris rendoit autrefois assidument la justice en personne. L’ordonnance du châtelet de l’an 1485 lui enjoint d’être au châtelet à sept heures du matin, & d’y être tous les jours que les conseillers du parlement y seront. Un arrêt de réglement du 22 Juin 1486 lui enjoignit d’aller à Corbeil pour y tenir ses assises en personne. Il lui étoit même défendu d’avoir des lieutenans qu’en cas de maladie ou autre légitime empêchement, & alors il les choisissoit à sa volonté ; il commettoit des auditeurs qui lui faisoient le rapport des causes importantes ; il jugeoit les procès avec ses conseillers qu’il choisissoit conjointement avec M. le chancelier & quatre conseillers du parlement ; il commettoit aussi à la place des auditeurs, greffiers, procureurs, notaires, sergens ; il n’a cessé de nommer ces différens officiers qu’à mesure qu’ils ont été ériges en titre d’office.

Dans les affaires de la prevôté de Paris qui étoient

portées au parlement, & dans lesquelles le roi se trouvoit intéressé, c’étoit le prevôt de Paris qui parloit pour le roi. Lett. hist. sur le parlem. tom. II.

Le gouvernement militaire ne fut séparé de la prevôté, que sous François I. & le prevôt de Paris a toujours conservé le droit de convoquer & de commander le ban & l’arriere-ban, & de connoître des contestations qui arrivent à ce sujet.

Le bailliage de Paris, que François I. avoit établi en 1522, pour la conservation des privileges royaux de l’université, fut réuni à la prevôté de Paris en 1526.

L’ordonnance de Moulins, art. 21. veut que le prevôt de Paris, & les baillis & sénéchaux des provinces, soient de robe courte & gentilshommes, & de l’âge & suffisance requise par les ordonnances, entendant que lesdits prevôts, baillis & sénéchaux puissent entrer & présider en leur siege, tant en l’audience qu’au conseil, & que les sentences & commissions soient expédiées en leur nom.

En 1674, lorsque la jurisdiction du châtelet fut séparée en deux, on créa un prevôt de Paris pour le nouveau siege du châtelet ; & par un autre édit du mois d’Août de la même année, l’ancien office de Paris fut supprimé, & le roi en créa un nouveau pour l’ancien châtelet, pour jouir par ces deux prevôts des mêmes dignités, rangs, séances, honneurs, prérogatives & prééminences dont jouissoit l’ancien prevôt de Paris. Les choses demeurerent dans cet état jusqu’au mois de Septembre 1684, que le nouveau châtelet ayant été supprimé & réuni à l’ancien, les deux offices de prevôts de Paris furent par ce moyen réunis ; & le roi créa & rétablit, en tant que besoin seroit, l’ancien office de prevôt, dont le duc de Coislin avoit été le dernier pourvu & non reçu, pour jouir des mêmes honneurs, rangs, séances & droits dont il jouissoit avant la suppression. Il permit de plus à celui qui en seroit pourvu, de prendre le titre de conseiller en ses conseils.

Pour pouvoir être pourvu de l’office de prevôt de Paris, il faut être né dans cette ville : il y a une ordonnance exprès à ce sujet, qui est rapportée dans Joly, tom. II. p. 1827.

Les principales prérogatives dont jouit présentement le prevôt de Paris, sont :

1°. Qu’il est le chef du châtelet ; il y représente la personne du roi pour le fait de la justice : en cette qualité, il est le premier juge ordinaire, civil & politique de la ville de Paris, capitale du royaume. Il peut venir sieger quand il le juge à-propos, tant au parc civil, qu’en la chambre du conseil, & y a voix délibérative, droit que n’ont plus les baillis & sénéchaux d’épée. Il n’a pas la prononciation à l’audience, mais lorsqu’il y est présent, la prononciation se fait en ces termes : M. le prevôt de Paris dit, nous ordonnons, &c. Il signe les délibérations de la compagnie, à la chambre du conseil.

2°. Il a une séance marquée au lit de justice, au-dessous du grand-chambellan. Du Tillet, des grands, dit que quand le roi est au conseil au parlement, que le prevôt de Paris se place aux piés du roi, au-dessous du chambellan, tenant son bâton en main, couché sur le plus bas degré du trône ; mais que quand le roi vient à l’audience, le prevôt de Paris, tenant un bâton blanc à la main, est au siege du premier huissier ; étant à l’entrée du parquet, comme ayant la garde & défense d’icelui, à cause de ladite prevôté ; que c’est lui qui tient le parquet fermé : les capitaines des gardes n’ont que la garde des portes de la salle d’audience.

On trouve un grand nombre d’anciennes ordonnances, qui sont adressées au prevôt de Paris, auquel le roi enjoignoit de les faire publier, ce qu’il faisoit en conformité de ces lettres.

Suivant une ordonnance du mois de Février 1327,