Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rement séparé, on ne peut voir que quelques ramifications des vaisseaux.

Ruysch décrit la maniere de séparer de la peau, l’épiderme, & le corps muqueux ou réticulaire ; il veut qu’on étende sur une planche ces tégumens communs bien dépouillés du corps graisseux, & qu’on mette l’épiderme en-dehors ; qu’on plonge ensuite le tout dans l’eau bouillante, laquelle détache la cuticule & le corps muqueux de la peau, de telle maniere qu’on peut les en séparer facilement par le moyen d’un scalpel émoussé, ou avec le manche mince d’ivoire d’un pareil instrument ; ensuite avec le même instrument, on sépare le corps réticulaire d’avec l’épiderme, & on laisse ces deux parties attachées ensemble & avec la peau en quelques endroits.

L’épiderme entier de la main ou du pié avec les ongles, appellé des Anatomistes, chirotheca ou podotheca, s’enleve sans beaucoup de peine, lorsque la cuticule s’est détachée par le moyen de la putréfaction, d’avec les parties qui sont au-dessous, ce qui arrive lorsqu’on garde long-tems un sujet. Cette méthode réussit mieux que celle de l’eau bouillante, par le moyen de laquelle on entreprend de détacher l’épiderme de la peau, & qui l’attendrit beaucoup.

On ne peut conserver la membrane cellulaire distendue par le moyen de l’air, ou soufflée, que lorsqu’il n’y a point ou presque point de graisse. Une des parties les plus propres pour cette préparation est le scrotum, ou ce que l’on appelle communément le muscle dartos ; en y introduisant de l’air, il peut être changé en une fine membrane cellulaire.

Pour conserver la dure-mere & tous ses prolongemens dans leur situation naturelle, il faut scier le crâne perperdiculairement, depuis la racine du nez jusqu’au milieu de l’os occipital, à un demi-pouce de distance de la suture sagittale ; & le scier ensuite horisontalement d’un côté pour enlever cette portion du crâne comprise entre ces deux incisions. Cela fait, on coupe en T la portion de la dure-mere qui est à découvert, & on enleve le cerveau & le cervelet pour conserver ensuite la tête dans une liqueur convenable, ou bien on nettoie les os & on les laisse à l’air pour les faire sécher, observant de tenir les parties incisées étendues, par le moyen d’épingles, de petits crochets ou de fils.

Si l’on a dessein de faire ainsi dessécher la tête du fœtus ou d’un jeune sujet, il faut avoir la précaution par le moyen de plusieurs petits bâtons d’une longueur convenable, de tenir distendues les membranes ligamenteuses & qui se trouvent entre les os, & placer ces bâtons de maniere, qu’étant mis dans la cavité du crâne, ils soient appuyés sur les os, & qu’ils les poussent en-dehors.

Le cerveau ne demande aucune préparation, si ce n’est, lorsqu’on veut en démontrer les petits vaisseaux, ou lorsqu’on veut lui donner une consistence plus solide.

Pour bien préparer & conserver l’œil, de maniere qu’on puisse en démontrer les tuniques, les humeurs, & les vaisseaux ; il faut auparavant coaguler les humeurs crystaline & vitrée, en plongeant pendant quelque tems cet organe dans une liqueur propre à cet effet. Après cette préparation, elles seront plus en état de supporter la macération dans l’eau, pour séparer par ce moyen la choroïde & la lame ruyschienne.

Les glandes sébacées & les conduits excréteurs des paupieres, paroissent beaucoup plus sensiblement après une injection subtile des arteres, & après la coagulation de leurs liqueurs, que dans le sujet frais.

Le docteur Frew a remarqué que la membrane qui revêt le conduit auditif externe, laquelle est une

continuation de l’épiderme de l’oreille, & qui forme la tunique externe de la membrane du tympan, peut être séparée entiere dans les adultes, en faisant macérer l’oreille dans l’eau, aussi-bien qu’on la sépare dans le fœtus ou dans les enfans ; & en effet, la membrane du tympan ne paroît autre chose que cette épiderme de l’oreille, unie par un tissu cellulaire sort mince à la membrane qui revêt le tympan, & dans l’entre-deux desquelles il rampe, comme dans toutes les autres parties du corps, de grosses branches de vaisseaux.

Le cuticule qui revêt les houppes nerveuses ou papilles des levres, & que Ruysch appelle epithelion, peut s’enlever par la macération dans l’eau, & alors la surface des levres paroît mieux, lorsqu’on les met dans un vaisseau de verre avec la liqueur propre à les conserver.

La substance villeuse de la langue peut être rendue sans peine entierement rouge, en injectant les arteres, & on peut en séparer la membrane dont elle est revêtue, & qui répond à la cuticule, en la trempant dans l’eau. Lorsqu’on compare les levres, la langue, l’œsophage, l’estomac, & les intestins entr’eux, la structure de toutes ces parties paroît entierement semblable, étant toutes revêtues de cette espece de cuticule, qui est attachée à la partie charnue par le moyen d’un tissu cellulaire, dans lequel se trouvent logés un grand nombre de nerfs, de vaisseaux & de glandes. Cette tunique cellulaire paroit sous la forme de rides ou de valvules dans les endroits où elle se trouve épaisse & lâchement attachée, ou bien elle se montre comme une fine membrane dans ceux où elle est mince & tendue.

Il n’y a point d’organes dans tout le corps, dont il soit plus difficile de donner une idée bien nette aux étudians en Anatomie, que des organes de la déglutition. Dans les sujets frais, il n’est pas possible de les leur faire tous voir à la fois en situation. Dans les préparations humides, il n’est guere plus possible de les placer de la maniere qu’il convient pour leur en faire prendre une notion exacte. Ce qui réussit le mieux, est de démontrer d’abord les parties les plus frappantes sur une préparation seche, laquelle demande beaucoup de patience pour être bien faite.

Si l’on se propose de garder les visceres secs, il faut les préparer d’une maniere particuliere pour en conserver la forme, & pour en faire voir la structure du côté de la surface interne. Il faut pour cela les remplir de quelque matiere convenable. Les propriétés que doit avoir cette matiere, sont de pouvoir résister à la contraction des fibres de ces visceres, d’en remplir également les cavités, & de les laisser nets lorsqu’on voudra l’ôter. C’est pourquoi le coton, la laine, le sable, & autres matieres semblables ne conviennent pas ; tout ce qui peut servir en pareil cas, c’est le vif-argent & la cire fondue.

Il ne faut se servir de la cire que quand on a seulement le dessein de voir la surface externe, auquel cas on peut en pousser dans la cavité des visceres, mais dans tous les autres cas, il faut se servir de l’air ou du vif-argent.

Lorsque l’air pourra suffire, il sera préférable au vif-argent, parce qu’il distend d’une maniere uniforme, au lieu que ce dernier pese davantage sur les parties inférieures. L’air desseche les visceres en une vingtieme partie du tems qu’il faut au vif-argent pour cela ; & il n’y laisse ni couleur, ni rien autre, ce que fait toujours ce fluide métallique. Il est vrai aussi que l’air ne distend pas suffisamment certaines parties, qu’il est impossible de le retenir, & qu’il y a telles parties au travers desquelles il s’échappe, & qu’il laisse affaisser à mesure qu’elles se sechent : le vif-argent n’est pas sujet aux mêmes inconvéniens.

Il est évident par tout ce qui vient d’être dit, que