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même que Galien a décrit sous le nom de miure, décurté, &c. mais dont il n’a tiré aucun prognostic. Salano a cru que la mollesse des arteres jointe avec l’intermittence, étoit le signe de la crise des urines compliquée avec le dévoiement ; il n’en a jamais observé de simple : le pouls qu’il décrit est évidemment un pouls composé & peu exact ; la crise des urines est quelquefois seule ; les urines sont alors plus abondantes, & renferment beaucoup de sédiment ; elles préviennent des dépôts prêts à se faire, suivant l’observation d’Hippocrate, ou servent à les vuider lorsqu’ils sont déjà formés ; ce qui suffit pour faire sentir de quelle importance il est de connoître d’avance cette crise, & de s’attacher au seul signe qui l’annonce sûrement. Le caractere du pouls que nous avons décrit est établi sur les observations de M. Bordeu, & confirmé par celles de M. Michel, qui nous assure que sans cette connoissance & en suivant les indications que fournissent les systèmes ordinaires de pratique, il n’eût pas manqué de donner des remedes inutiles ou dangereux. Nouvell. observ. sur le pouls, observ. 19. 20. & 21.

Le flux hémorrhoïdal est une évacuation de sang quelquefois habituelle, périodique, & quelquefois critique, qui se fait par les veines hémorrhoïdales ; cette crise est beaucoup plus ordinaire & plus indicatoire dans les maladies chroniques que dans les aiguës ; elle dégage principalement les organes du bas-ventre, & sur-tout le foie, la veine porte, la rate, avec qui les vaisseaux qui servent à cette excrétion communiquent : aussi tous ces visceres semblent conspirer à produire cette crise ; elle paroît être le résultat de leurs efforts simultanés. Il semble qu’on ôte un grand poids de dessus le ventre aux personnes chez qui les hémorrhoïdes viennent à percer ; le pouls qui annonce cette excrétion est un signe d’autant plus précieux, que les autres signes sont très-équivoques & fautifs, & que cette crise ayant lieu dans les maladies chroniques, a plus besoin d’être aidée & déterminée.

« Ce pouls est inégal & en même tems redoublé, les pulsations se ressemblent peu pour la force, & encore moins pour les intervalles ; elles suivent à-peu-près cet ordre : à trois ou quatre pulsations un peu concentrées, vives, roides, presqu’égales, succedent deux ou trois pulsations un peu dilatées, comme arrondies, & moins égales : les trois ou quatre pulsations suivantes se font avec du rebondissement ; mais ces diverses pulsations ont ceci de commun, qu’on y trouve une sorte de tremblotement assez constant, plus de fréquence & de fonds de resserrement que dans les autres especes de pouls inférieurs ; on sent, pour ainsi dire, une sorte de profondeur du pouls, qui jointe à ce tremblotement, semble être un caractere le plus distinctif entre le pouls des regles & celui des hémorrhoïdes ».

M. le Camus persuadé avec raison, qu’on ne peut présenter trop de moyens pour rendre sensibles des objets qu’il est plus facile d’appercevoir que de définir & de faire comprendre, a cru donner un nouveau signe pour faire mieux saisir cette espece de pouls. En pressant fortement sous le doigt l’artere d’une personne sujette aux hémorrhoïdes, on sent toujours, dit-il, le battement du pouls qui devroit disparoître, & qui disparoît en effet dans les autres cas par une forte pression. Cette remarque est très-judicieuse, elle est un commentaire exact de ce fond de resserrement & de cette profondeur du pouls, décrite par M. Bordeu. Mais nous devons à la vérité un avertissement, que cette remarque appartient à M. Michel ; nous suppléons l’hommage que cet auteur riche de son propre fonds, a oublié de lui en faire.

Les regles, évacuation périodique du sang qui se fait tous les mois par la matrice, sont la suite d’un ef-

fort critique de ce viscere ; cette excrétion peut être

regardée comme une véritable crise qui prévient bien des maladies, & qui quelquefois les termine ou les diminue quand elles sont arrivées. Le pouls qui l’annonce, la précede & l’accompagne, est comme les autres pouls signes d’excrétions sanguines, redoublé, dicrote, & sur-tout fort analogue au pouls hémorrhoïdal ; il est comme lui inégal, irrégulier, rebondissant, mais il est plus développé, les pulsations sont plus élargies & plus saillantes, moins dures & moins profondes. Ce pouls est beaucoup plus sensible chez les jeunes filles qui sont à la veille d’être reglées pour la premiere fois : cette révolution est plus critique, plus difficile, exige plus d’efforts, & est plus souvent même accompagnée de fievre. Il en est de même des femmes qui approchent du tems de perdre leurs regles : la résistance qu’opposent les vaisseaux de la matrice étant plus grande, l’effort pour la vaincre augmente, & en même tems l’impression que le pouls en ressent. Le pouls des regles est aussi très-marqué dans les maladies où cette excrétion est critique ; il y a bien des femmes chez qui cette évacuation se faisant sans peine, & n’étant qu’un simple écoulement, sans action de la matrice, le pouls n’est presque pas changé. M. le Camus dit avoir observé dans le pouls des regles, une espece de balancement, d’oscillation dans les pulsations, qui fait qu’elles ne répondent pas toujours au même point, & qu’elles frappent tantôt une portion du doigt, & tantôt une autre : ce signe est très-facile à distinguer. La matrice est sujette à une autre évacuation que celle du sang : souvent elle donne issue à des matieres muqueuses, putriformes, qu’on connoît sous le nom de fleurs blanches. M. Michel a observé que le pouls avoit alors le caractere du pouls des regles, mais qu’il étoit extrèmement mol. Voyez les observations 2. & 5.

A toutes ces crises simples on peut en ajouter une qui n’a point de siege particulier. Elle affecte ordinairement les organes dont le dérangement a été le noyau de la maladie, l’a précédée & même déterminée. Cette crise est la suppuration que tous les Médecins redoutent, & qu’ils s’efforcent aveuglement de prévenir ; mais il est certain que leur prétention est dans le fond aussi hasardée & même dangereuse, que celle de ceux qui vouloient faire arrêter la petite vérole, & l’accoutumer aux remedes. La suppuration est quelquefois une crise favorable qu’il faut aider, rarement doit-on l’interrompre, plus rarement encore peut-on en venir à-bout. Il est important de connoître la partie où elle se forme, le tems où le dépôt se vuide, & le couloir qu’il choisit. Voyez Inflammation & Inflammatoire, maladies. La partie est décidée par siege de la douleur & des symptomes inflammatoires : le pouls peut aider à éclaircir les autres questions. On doit craindre qu’il ne se fasse quelque suppuration lorsque le pouls, qui a été pendant les commencemens convulsif & acritique, se développe un peu avec une roideur considérable de l’artere, & reste pendant quelques jours dans cet état. Lorsque la suppuration est commencée, le pouls se trouve comme indécis entre le critique & le non critique ; il est développé, mais n’indique aucune voie de curation. Si le pouls prend insensiblement les modifications critiques propres à quelque couloir, s’il devient intestinal, pectoral, &c. on doit présumer que le pus va s’évacuer par les organes dont le pouls indique l’action, ce qu’il est bien important de remarquer pour favoriser à-propos cette excrétion.

Les pouls que nous venons de décrire, sont des pouls simples, propres aux crises qui n’affectent qu’un seul couloir. L’action de cet organe seul modifie le pouls ; ses caracteres sont faciles à fixer & à reconnoître, mais ils se rencontrent rarement ; il est beaucoup plus ordinaire de trouver des pouls composés,