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souvent il ne les juge qu’incomplettement. Solano dit n’avoir jamais observé de crise simple par le vomissement, sans la diarrhée : cette remarque assez généralement vraie, souffre des exceptions dans quelques cas particuliers, sur-tout dans les indigestions. Solano regarde comme signe certain de cette crise, une tension considérable de l’artere jointe à l’intermittence ; mais ce pouls a dû être nécessairement composé, puisqu’il se faisoit deux évacuations, l’une par les intestins, & l’autre par l’estomac. Le pouls simple du vomissement, ou stomachal, est, suivant M. Bordeu, le moins développé de tous les pouls critiques, & le moins inégal de tous les pouls inférieurs ; l’artere semble se roidir & frémir sous le doigt ; elle est souvent assez saillante ; les pulsations sont fréquentes, & leurs intervalles sont assez égaux. Ce pouls s’observe principalement au commencement des maladies : il indique un état de gêne, de spasme ; & en effet l’action par laquelle l’estomac produit cette crise, n’est point naturelle ; c’est une véritable convulsion de l’estomac, un renversement de son mouvement naturel. La présence de ce pouls dans tous les tems de la maladie, favorise l’effet de l’émétique, & peut servir d’indication certaine pour le placer. Lorsque le vomissement naturel ou l’effet de quelque remede est passé, le pouls quitte cet état convulsif, & se développe ; si l’on observe ce changement heureux après l’exhibition de l’émétique, c’est une preuve qu’il a été donné fort-à-propos ; si au contraire le pouls se concentre, devient plus convulsif, plus serré, c’est un signe fâcheux qui montre que le pouls n’étoit pas excréteur lors de l’application de ce remede ; remarques essentielles dont le praticien peut à chaque instant reconnoître l’importance.

Les intestins, organe considérable par son étendue & son influence sur l’économie animale, sont le foyer très-ordinaire des causes de maladie, & le siége familier des excrétions critiques ; ces excrétions qu’on appelle diarrhée, dévoiement, &c. peuvent être naturelles ou excitées par l’art : l’une & l’autre a ses avantages. Le pouls qui précede le dévoiement spontané critique, ouvrage de la nature victorieuse, est connu sous le nom de pouls intestinal, voici ses caracteres déterminés par M. Bordeu, d’après un grand nombre d’observations. « Il est beaucoup plus développé que le pouls du vomissement : ses pulsations sont assez fortes, comme arrondies, & sur-tout inégales tant dans leur force que dans leurs intervalles. Après deux ou trois pulsations assez égales & assez élevées, il en paroît deux ou trois moins développées, plus promptes, plus rapprochées, & comme subintrantes. De-là résulte une espece de sautillement plus ou moins régulier ; aux irrégularités de ce pouls se joignent souvent des intermittences très-remarquables ; il n’est jamais aussi plein, aussi développé que le pouls supérieur ; il n’a point nécessairement d’ordre marqué dans ses intermittences, c’est au contraire par son désordre qu’il se rend reconnoissable ». Cette inégalité du pouls à l’approche des déjections bilieuses, n’avoit pas échappé à Galien, comme nous l’avons remarqué ; il avoit aussi observé que dans toutes les crises intérieures le pouls étoit rentrant ; la petitesse du pouls avoit frappé Avicenne ; Solano n’avoit fait attention qu’à l’intermittence du pouls, qu’il regarde comme un signe assuré de diarrhée critique : il a raison en ce point avec les précautions qu’il prend, mais il se trompe en ce qu’il n’a pas assez vû, car il y a bien des diarrhées critiques qui ne précedent point l’intermittence, mais seulement l’irrégularité du pouls. Les purgatifs, remedes propres à exciter au défaut de la nature les évacuations du ventre, ont été par différens auteurs trop employés & trop négligés ; chacun alléguoit pour appuyer son sentiment, des raisons spécieuses, & faisoit valoir les fautes du

parti contraire ; & chacun croyoit avoir raison, parce que tous les deux avoient tort ; ils manquoient l’un & l’autre d’une regle sûre, d’une indication invariable, pour employer les purgatifs ou s’en abstenir. Le pouls devenant intestinal, peut dans les maladies aiguës indiquer le tems le plus propre à administrer ces remedes, en dénotant une disposition des intestins qui favorise leur action ; mais en même tems ce pouls contr’indique les purgatifs forts qui ne manqueroient pas d’exciter dans ces circonstances des superpurgations. Ainsi, en consultant ce signe, on ne sera plus asservi à cette maxime empirique & quelquefois pernicieuse de purger indictinctement un jour & l’autre non. On distinguera avec Hippocrate, certains tems auxquels il est à-propos de purger, & d’autres où il faut s’abstenir de purgatifs efficaces : on verra la raison d’une observation importante faite par plusieurs praticiens, que des purgatifs forts donnés dans certains jours de la maladie, n’opéroient aucun effet, tandis que d’autres jours des legers eccoprotiques procuroient des selles abondantes.

La fonction particuliere du foie est la secrétion de la bile, & son excrétion par les conduits hépato-cystiques & cholidoques dans la vésicule du fiel & des intestins. On ne sait pas assez que les dérangemens dans la secrétion de cette humeur sont les causes d’un grand nombre de maladies, sur-tout des maladies de la peau, des érésipelles périodiques, des ophtalmies palpebrales, &c. Les icteres sont, de l’aveu de tout le monde, dépendans de cette cause, & ces maladies ne peuvent se guérir que par le rétablissement de cette fonction. Combien aussi de fievres ardentes, de fievres tierces bilieuses, se terminent heureusement par des évacuations critiques de bile ? L’engorgement du foie, l’altération de ses fonctions se manifestent clairement sur le pouls. Les ictériques ont assez constamment un pouls particulier remarquable par sa constriction, son resserrement, son obscurité ; ce pouls devient plus marqué, & se développe un peu lorsqu’il se fait quelque mouvement critique dans le foie ; ce pouls, comme les Chinois l’ont remarqué, est beaucoup plus sensible du côté droit que du côté gauche, remarque qui ne doit point être négligée. Ce pouls n’a ni dureté ni roideur ; il est inégal, & cette inégalité consiste en ce que deux ou trois pulsations inégales entr’elles succedent à deux ou trois pulsations parfaitement égales & naturelles. Ce pouls pour être bien suivi, demande un observateur qui ait le tact fin & habitué : il est souvent composé avec l’intestinal ; l’indication sûre qui naît de sa présence, est de favoriser cette crise par de bons apéritifs amers, résineux, hépatiques, fondans, & des purgatifs cholagogues, l’aloës, le savon, la rhubarbe, la scammonée, &c.

Les reins sont des especes de filtres qui laissent passer les urines sans presque aucun effort de leur part dans l’état de santé ; mais lorsque les maladies se terminent par un flux critique d’urine, que les anciens ont appellé perirrhie, l’action des reins devient plus sensible : il n’est pas rare même alors de voir les reins douloureux ; & cette action & la tendance générale des humeurs, & l’effort de toute la machine, se peignent sur le pouls, & se manifestent par les caracteres suivans : ce pouls, qu’on pourroit appeller rénal ou urinaire, a beaucoup de rapport au pouls intestinal : il a comme lui ses pulsations inégales ; mais il y a dans cette inégalité une sorte de régularité qui manque au pouls intestinal ; les pulsations vont en diminuant jusqu’à se perdre sous le doigt ; leur diminution est graduée, & elles suivent aussi la même gradation, le même ordre en remontant. Les pulsations qui se font dans ces intervalles sont plus développées, assez égales, & un peu sautillantes ; enfin il semble, & cela est très-remarquable, que ce pouls soit l’inverse de celui de la sueur. On voit par-là que c’est le