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cilement par les saignées & les purgatifs, remedes fort usités ; il faut dès qu’on observe ce pouls s’en abstenir scrupuleusement, sans quoi on risque, comme je l’ai observé très-souvent, d’occasionner des suppurations toujours fâcheuses, ou même d’attirer une mort plus sûre & plus prochaine.

Le pouls guttural est fort analogue au pectoral, il est développé, redoublé, fort comme tous les pouls supérieurs, il est moins mou, moins plein, souvent plus fréquent que le pouls pectoral, il annonce, lorsqu’il est simple, ce qui est rare, les excrétions critiques des glandes du gosier, les crachats épais & cuits, &c. souvent il est joint au pouls d’irritation, ou compliqué ; plus souvent encore il est composé, uni au pouls pectoral ou nasal ; il se confond quelquefois tellement avec eux, qu’il est bien difficile de l’en distinguer ; du reste la méprise est sans conséquence, parce qu’il faut les mêmes secours, ou plutôt la même inaction dans cette crise que dans les autres ; d’ailleurs on peut tirer de nouvelles lumieres qui décident le prognostic du siége de la maladie, des symptomes, &c.

Les narines étant l’émonctoire le plus ordinaire de la tête, on peut prendre le pouls nasal pour un signe général qui indique le transport des humeurs vers la tête, l’excrétion qui se fait le plus souvent dans les maladies aiguës par les vaisseaux du nez, est une évacuation sanguine ; cette hémorragie n’est pas toujours critique, il est rare qu’elle termine une maladie & qu’elle la juge parfaitement. Le pouls nasal, même celui qu’on appelle simple, est presque toujours compliqué avec le pouls d’irritation. Il est redoublé comme le précédent, mais il est plus plein, plus dur, plus brusque, plus fort, & plus vîte. Solano appelle ce pouls dicrote, après Galien, & le regarde comme un signe certain d’une hémorrhagie critique par le nez ; mais cette regle est un peu trop générale, il arrive quelquefois que la crise préparée ne peut s’exécuter, soit par la résistance des vaisseaux, soit par une détermination plus aisée vers quelque autre partie de la tête, & on voit survenir alors des surdités, des éresipeles au visage, des délires, quelquefois des assoupissemens. Le pouls vibré de Galien a beaucoup de rapport avec celui-ci ; cet auteur a remarqué qu’il précédoit les hémorragies ; mais il y a une autre excrétion du nez un peu plus rare, mais plus critique, c’est l’excrétion abondante de matieres muqueuses, comme purulentes, qui arrive à la fin de quelques maladies, & qui termine pour l’ordinaire les enchifrenemens, connus sous le nom vulgaire inexact de rhumes du cerveau ; le pouls est alors plus critique, plus excréteur, il est moins dur, moins plein, le rebondissement se fait avec moins de force & de constance que dans le pouls de l’hémorrhagie. Les ouvrages cités de Solano, Nihell, Senac, Bordeu, & Michel, sont remplis d’observations qui démontrent combien le pouls nazal est propre à annoncer les hémorrhagies du nez ; on trouvera les exceptions, les remarques particulieres & les observations relatives dans les recherches sur le pouls, ch. vij.

On peut ajouter à ces pouls supérieurs, un pouls qui leur est fort analogue, & qu’il est bien difficile de ne pas confondre avec eux, à-moins d’une attention particuliere & d’une grande habitude, c’est le pouls qui annonce la sueur critique ; en même tems qu’il indique le transport des humeurs vers la peau, il dénote une sorte d’effort vers les parties supérieures, comme on peut s’appercevoir à la rougeur de la face, qui précede si ordinairement la sueur, que les anciens l’avoient mise au nombre des signes qui dénotent cette crise. Ce pouls a été observé par Galien, & décrit, comme nous avons vu, sous le nom de pouls ondulant, ondosus ; il a été conservé dans les écrits des médecins dans la possession d’annoncer les

sueurs critiques, sans qu’on s’avisât de constater & d’étendre cette vérité, ou de la restreindre & de la détruire par des observations. Solano a vérifié le fait, peut-être sans se douter que Galien l’eût observé ; il l’a trouvé conforme à la vérité ; il a retenu à-peu-près le caractere de ce pouls, qu’il nomme inciduus ; il ajoute que les pulsations molles, souples, développées, s’élevent au-dessus les unes des autres, de façon que la premiere est moins élevée que la seconde, celle-ci moins que la troisieme, & de même jusqu’à la quatrieme. C’est, suivant Solano, le terme de cette gradation ; il n’a jamais observé plus de quatre pulsations consécutives de cette sorte. Galien & sur-tout Struthius, un de ses commentateurs, parlent clairement de cette élévation. Ainsi Solano n’a rien donné de neuf sur ce point. M. Bordeu regarde le pouls ondulant comme plus analogue au pectoral, & il arrive en effet souvent que les malades suent & crachent en même tems, & que le pouls de la sueur soit composé du pectoral ; il ne nie cependant pas qu’on ne trouve cette ondulation dans le pouls de la sueur ; il a aussi observé cette élévation graduée, de même que la souplesse, le développement, la plénitude des pulsations, & sur-tout plus de mollesse & de dilatation dans la pulsation la plus élevée. Quand ce pouls paroît, on peut prédire sûrement une sueur critique, c’est-à-dire une sueur qui soulage le malade, qui diminue la violence des symptomes, si elle ne fait pas cesser entierement la maladie, ce qui est rare. Souvent les sueurs sont symptomatiques, mais alors il y a une roideur, une tension & une sécheresse considérables dans l’artere, ainsi qu’un sautillement & une inégalité dans les distances des pulsations : on remarque le pouls de la sueur critique dans l’éruption favorable de la rougeole & de la petite vérole, excepté qu’il n’a pas tout-à-fait le même degré de mollesse. Les observations qui font voir la justesse des prédictions fondées sur cet état du pouls, donnent en même tems un nouveau poids à la division lumineuse de Galien, des crises extérieures & intérieures, & aux caracteres du pouls relatifs ; elles peuvent aussi guider le praticien chancelant & embarrassé, à distinguer une sueur symptomatique qu’il faut, ou qu’on peut arrêter, d’avec une sueur critique qu’on doit favoriser, & dont le dérangement seroit funeste au malade. L’état du pouls est une boussole assurée dans ce cas : on en voit un exemple frappant dans les fievres intermittentes ; les sueurs qui terminent les accès ne sont point indicatoires ; le pouls qui les précede n’est point critique. Combien de médecins privés de la lumiere de ce flambeau, pensant suivre & seconder la nature, donnent aveuglément des remedes actifs sudorifiques, inutiles ou pernicieux ! Dans les derniers accès le pouls prend manifestement un caractere critique, & annonce la terminaison de la maladie d’autant plus heureuse, qu’elle est plus naturelle.

Les organes excréteurs sont en grand nombre au-dessous du diaphragme : on y trouve l’estomac, les intestins, le foie, les reins, les vaisseaux hémorrhoïdaux, & la matrice dans les femmes. L’effet général de la nature vers quelqu’un de ces émunctoires, est manifesté par le pouls inférieur ; mais l’effort critique de chaque viscere en particulier, modifie diversement le pouls : les différences qui naissent de ces modifications sont difficiles à saisir, parce qu’il n’est pas rare d’observer les excrétions critiques partagées entre plusieurs organes inférieurs.

La crise propre ou du-moins apparente de l’estomac, est le vomissement ; la crise naturelle seroit de pousser vers le pilore les humeurs qui se ramassent dans sa cavité ; mais on ne sait pas quand elle a lieu, & les caracteres du pouls qui la précede. Le vomissement est quelquefois critique dans les maladies, rarement il termine tout-à-fait les maladies ; plus