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il varie suivant les différentes situations où elles se trouvent, même dans l’état de santé ; les tempéramens font varier le pouls, ils consistent dans une espece de dérangement habituel non maladif, très nécessaire dans tel âge, tel sexe, tel tempérament, & de façon que les variations du pouls occasionnées par-là sont très-naturelles ; & si dans tous ces cas le pouls prenoit le caractere de celui des adultes, il seroit contre nature & un très-mauvais signe : n’auroit-on pas bien lieu de craindre pour la constitution d’un enfant, par exemple, dont le pouls seroit aussi formé que celui d’un adulte ?

Les dérangemens du pouls sont beaucoup plus sensibles dans les maladies, & sur-tout dans les aiguës ou fébriles ; ces maladies sont analogues au travail de la digestion, ou de quelque excrétion difficile, ne sont autre chose qu’un effort plus considérable de la nature, c’est-à-dire du sang & des vaisseaux, pour rappeller ou suppléer une évacuation suspendue ou dérangée, & dépurer le sang qui a été altéré. On peut y distinguer trois tems très-bien connus par les anciens sous le nom de crudité, de coction, & de crise, qui répondent à ceux que l’auteur appelle d’irritation, de coction, & d’excrétion. Ces trois tems sont très-distincts dans les maladies simples, ils sont plus ou moins longs, & se confondent diversement dans les maladies graves & compliquées. Le premier tems n’est, pour ainsi-dire, que l’appareil de tous les symptomes essentiels dans lesquels toutes les forces du corps se concentrent & se rassemblent, il est marqué par un état de spasme & d’irritation ; le pouls est constamment alors vif, serré, convulsif, non critique, dur, sec, & pressé ; on appelle ce pouls, pouls d’irritation, nerveux, convulsif, non critique, &c. Cette révolution a sa crue, sa gradation jusqu’à l’établissement complet de la maladie ; alors commence une seconde révolution qui n’est que la détermination des forces, ou le méchanisme qui sert à préparer la crise, les forces concentrées commencent à se développer, les humeurs sont altérées & rendues propres à être séparées ; les organes qui doivent y servir éprouvent un changement remarquable ; dans ces circonstances le pouls se dilate, se développe sensiblement, il devient plus plein, plus fort & plus libre, mais sans aucune détermination particuliere & susceptible de les recevoir toutes indifféremment ; on l’appelle simplement pouls développé. Cette révolution dure jusqu’au troisieme tems où les humeurs préparées & les organes bien disposés obéissent au dernier effort qui fait la crise, détermine les excrétions & finit la maladie ; le pouls prend alors un caractere particulier qui varie suivant le couloir par lequel se doit faire l’excrétion critique.

Le pouls d’irritation n’est point par conséquent un mauvais signe au commencement des maladies, c’en est un caractere essentiel, mais il ne doit pas durer trop long-tems ; tant qu’il persiste il ne se fait aucune excrétion salutaire, il accompagne la maladie jusqu’à la fin, quand elle a une issue peu favorable ou qu’elle laisse après elle des convalescences pénibles. Il est entretenu dans cet état par la gravité de la maladie, la variété, la violence & l’anomalie des symptomes, & plus souvent encore par l’inopportunité des remedes ; ce pouls a peu de variétés, ou pour mieux dire, elles ne sont pas encore connues ou détaillées ; le pouls développé a toujours à-peu-près les mêmes caracteres ; il peut être plus ou moins décidé ; il est toujours de bon augure.

Le pouls critique est toujours accompagné & précédé du pouls développé, il emporte & fait cesser son indifférentisme, il n’est proprement que ce pouls auquel la modification critique est sur-ajoutée. Ce pouls paroît sur la fin des maladies ; sa présence indique la fin du combat, la victoire de la nature, & la

déroute des ennemis, pour me servir des termes allégoriques mais expressifs des anciens, il manifeste à l’observateur éclairé le couloir que la nature affecte, qu’elle choisit pour l’excrétion des mauvaises humeurs ; mais comme il y a différens couloirs, il y a de même différens pouls critiques ; l’auteur, d’après Hippocrate, établit une division des maladies par rapport à leur siége au-dessous ou au-dessus du diaphragme ; outre les symptomes qui distinguent très-clairement ces maladies, il a observé des différences très-marquées entre le pouls des maladies dans lesquelles les évacuations critiques se font par les organes situés au-dessous du diaphragme, & celui des maladies dont les excrétions se font par des organes placés au-dessus. De cette observation lumineuse est née cette division générale du pouls critique en supérieur & inférieur. Leurs noms indiquent leur signification ; le pouls supérieur est sur-tout remarquable par une reduplication précipitée dans les pulsations ; cette reduplication ne paroît être que le fond d’une seule pulsation partagée en deux tems & en deux pulsations. On pourroit comparer cette dilatation qui se fait par un double effort, à l’effet d’un piston qui pousseroit une liqueur dans un cylindre élastique, de maniere que le second jet n’attendît pas que le premier se fût répandu dans le vaisseau. On a appellé aussi en conséquence ce pouls, rebondissant & redoublé ; c’est proprement le dicrote de Galien. Le caractere principal du pouls inférieur se tire de l’irrégularité des pulsations qui sont inégales entre elles, en plénitude, en dilatation, & en force, & qui se succedent à des intervalles plus ou moins inégaux, quelquefois elles forment des intermittences parfaites.

Comme il y a plusieurs organes sujets aux évacuations critiques, au-dessus & au-dessous du diaphragme, il y a aussi plusieurs especes de pouls, supérieurs & inférieurs, qui ont tous, outre le caractere général propre à leur classe, des caracteres particuliers qui les distinguent les uns des autres ; cette multiplicité d’organes donne lieu à d’autres divisions ; car il peut se faire qu’un seul organe travaille à l’excrétion, alors le pouls n’est modifié que par ce seul effort, & il est critique simple, si la maladie se juge par différentes excrétions, l’action simultanée des différens organes qui y concourent fera autant d’impression sur le pouls ; les caracteres propres à chaque couloir combinés, forment le pouls qu’on appelle critique composé, qu’il ne faut pas confondre avec le pouls compliqué qu’on observe lorsque la crise n’est point parfaite & qu’elle est contrariée par l’état d’irritation subsistant ; alors le pouls est critique & non critique en même tems.

Trois principaux couloirs situés au-dessus du diaphragme servent aux excrétions critiques ; les poumons, la gorge, & le nez ; on compte aussi autant de pouls supérieurs critiques simples relatifs à chacun de ces couloirs, savoir le pouls pectoral, guttural & nasal.

Les caracteres distinctifs du pouls pectoral simple bien décidé sont les suivans : « il est mol, plein, dilaté, ses pulsations sont égales, on sent dans chacune une espece d’ondulation, c’est-à-dire que la dilatation de l’artere se fait en deux fois, mais avec une aisance, une mollesse, & une douce force d’oscillation qui ne permet pas de confondre cette espece de pouls avec les autres ». On observe pour l’ordinaire ce pouls à la fin des fluxions de poitrine, des pleurésies, &c. lorsque la nature n’a point été gênée ou détournée ; l’expectoration est la crise la plus ordinaire, la plus sûre dans les maladies, elle arrive aussi quelquefois dans d’autres où la poitrine ne paroît du-tout point affectée ; ce couloir est plus général qu’on ne pense communément ; il est d’une extrème importance de faire faire attention au pouls qui indique cette crise, parce qu’elle se dérange fa-