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2°. Le ouei petit, qui paroît sous le doigt comme un fil.

3°. Le ouan lent, remissus, qui bat à-peu-près trois fois dans une respiration.

4°. Le aigre, âpre, ou rare, obtus, ses battemens font une impression qui a du rapport à celle d’un couteau qui racle un bambou ou roseau.

5°. Le tchi, lent, rare, tardif, & qui vient comme en cachette.

6°. Le fou fuyant en-bas, se baissant, tombant, qui semble toujours s’enfoncer à mesure qu’on presse, de façon qu’il est peu sensible.

7°. Le sin, mol, fluide, ou mol subtil qui se dissipe, quand on presse, à-peu-près comme une goutte d’eau, ou du coton mouillé.

8°. Le yo assez analogue au précédent qui se sent quoique d’une maniere peu marquée, quand on appuie médiocrement, & qu’on ne sent plus dès qu’on presse davantage ; on compare cette sensation à celle qui seroit excitée par le fait d’une étoffe usée.

A ces différences, les anciens en ajoutoient neuf autres, sous le nom générique de tao, mais que les modernes négligent aujourd’hui ; dans cette classe sont renfermés, 1°. le tchang, long, qu’on sent comme un bâton ou le manche d’une lance.

2°. Le toan ou court qui paroît comme un point indivisible : on lui trouve de l’analogie avec une graine de riz.

3°. Le hin qu’on ne peut appercevoir qu’en plongeant bien avant le doigt. Le pere du Halde l’appelle mal à propos vuide ; le nom de profond lui conviendroit beaucoup mieux.

4°. Le tson qui semble ne passer qu’avec peine sur tout un carpe ; il est serré & gêné : on pourroit l’appeller embarrassé, avec plus de raison que le suivant.

5°. Le kié qui est un peu lent, & semble comme s’arrêter quelquefois.

6°. Le tai, espece d’intermittent : il s’arrête tout-à-coup, & a de la peine ensuite à revenir.

7°. Le sié délié qui paroît sous le doigt aussi fin qu’un cheveu : il est fort analogue au pouls externe ouei petit, ou plutôt il n’en differe pas.

8°. Le tong mobile qui fait une sensation assez semblable à celle du hon glissant, & qui a du rapport à celle que font les petits cailloux qu’on touche dans l’eau.

9°. Le dur qu’on dit faire la même impression qu’une peau de tambour ferme & unie.

La plûpart de ces différences sont connues de Galien, & décrites dans ses ouvrages. Elles sont beaucoup plus simples & mieux déterminées que les autres. Je ne vois pas ce qui peut avoir engagé les Chinois à n’en pas faire usage, à moins que ce ne soit le peu de lumiere qu’on en retire.

Les trois portions que les Chinois distinguent dans l’artere en tâtant le pouls, servent à multiplier prodigieusement les différences que nous venons d’exposer. Ils posent trois doigts sur l’artere du poignet, de façon que l’un répond au commencement du carpe ; le second à l’articulation de ces os avec ceux de l’avant-bras ; & le troisieme à l’apophyse radiale qu’ils nomment, suivant les traducteurs, l’extrémité du cubitus. Les pulsations qui répondent à chaque doigt, peuvent avoir, & ont en effet dans l’état naturel des caracteres différens, analogues à l’action des visceres par qui elles sont modifiées. Ainsi le pouls d’un homme bien portant est fort eloigné d’être égal dans toute sa longueur. La pulsation ou le pouls du carpe differe de celui de la jointure, & celui-ci du pouls du cubitus : d’où il resulte qu’il peut arriver que les différences se repandent inégalement dans ces trois pouls ; & que par conséquent leur nombre augmente à l’infini ; & à proportion la difficulté de les saisir & d’en juger. La variété très-remarquable du pouls dans les deux bras,

est encore une source de la multiplicité des différences ; de façon qu’en tâtant le pouls des deux côtés, on peut appercevoir six caracteres simples différens. Quel embarras pour les reconnoître & les distinguer, sur-tout pour en tirer parti ! Mais combien ne sera-t-il pas plus grand, si l’on conçoit qu’à chaque pouls, à chaque pulsation, tous ces caracteres se combinent de ceux qui ne s’excluent pas mutuellement ? Quelle confusion, quel chaos que le tact le plus fin ne sauroit débrouiller, & dont l’imagination même s’épouvante !

A ces différences on peut encore joindre celles qui constituent les dix-huit ou vingt pouls qu’ils appellent monstrueux ou mortels, fondés toujours sur la comparaison qu’ils ont cru entrevoir avec d’autres objets.

1°. Le pouls qui paroît bouillonnant sans regle, comme l’eau sur un grand feu : on l’appelle soufre, bouillon de marmite, ou yong siven, source bouillante.

2°. Celui qui ressemble à un poisson qui nage, ayant la queue ou la tête immobile, les pulsations paroissent & disparoissent : on le nomme yussiang, fretillement de poisson.

3°. Le teon ho, union ou continuité de flots : il tire ce nom de la ressemblance qu’on lui a trouvée avec des flots qui se succedent, de façon que le flot postérieur gagne & empiette sur le précédent, avant qu’il soit applani ; il a quelque rapport avec l’undosus & le dicrote de Galien.

4°. Le tanche, pierre ou balle d’arbalête, qui donne un coup ferme & sec contre les doigts, en paroissant venir de loin, & comme sortir d’entre les os. Les Chinois le nomment aussi l’ame d’un cadavre.

5°. Le tchic tso, picotement d’oiseau ; il vient frapper trois ou cinq fois d’une maniere dure contre les doigts, puis cesse quelque tems, & revient de la même maniere : il a du rapport aux coups que les poules donnent avec leur bec en ramassant du grain ; ou l’appelle l’avant-coureur du cadavre.

6°. Le von leon, fente par où l’eau découle dans une maison. Ce pouls est plein dès qu’il paroît ; & d’abord après il est très-foible : on lui a trouvé du rapport avec une goutte d’eau qui se glisse par une fente ; on lui a donné le nom de cadavre malade.

7°. Kiai so, corde qui se défile, qu’on a aussi nommé ceinture de cadavre. Il est éparpillé & brouillé de telle sorte, qu’on ne le sent point revenir à aucun mouvement réglé ; il ressemble au mouvement d’une corde qui se relâche & qui se denoue ; il est fréquent sans être continuel.

8°. Le thia yeon, allure de crapaud ; il paroît imiter le saut de cet animal : ce pouls est profond ; il se refuse au doigt qui n’appuye pas beaucoup. De tems en tems il survient un battement superficiel mais foible, qui cesse aussi-tôt, & après un tems considérable, revient de même ; c’est ce qui a fait croire qu’il ne battoit qu’une fois pendant l’espace d’une respiration.

9°. Le siun tao ou yan tao, coups de couteaux qui se suivent, connus sous le nom de pouls d’un cadavre ambulant : il est fin & délié comme un fil de soie, & cependant il a des battemens durs & coupans, comme seroient des coups de la pointe d’un couteau ou d’une aiguille.

1°. Le tchouen teon, pois roulant, il frappe le doigt comme des pois ou des amandes ; ses battemens sont assez forts, très-courts, durs & aigus : on lui a donné le surnom de cadavre qu’on jette dehors.

11°. Le sonyé, feuilles éparpillées ; le mouvement de ce pouls imite le mouvement des feuilles qui tombent des arbres par intervalles non réglés.

12°. L’ouei ton, terre qu’on y jette, cadavre détruit. Ce pouls est dur & vuide en même tems : il frappe de la même maniere qu’une motte de terre, & donne neuf ou dix battemens pendant la respiration.