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plus mauvais que l’autre, parce qu’il dénote une extrème foiblesse, ou des obstacles assez grands pour empêcher le mouvement des arteres dans chaque pulsation ; au lieu que dans l’intermittent pris collectivement, les obstacles n’interceptent qu’une quatrieme pulsation, par exemple, ou une vingtieme, &c. Les pouls intercurrens & fréquens, opposés aux intermittens & aux rares, sont regardés comme plus dangereux par Archigene, parce que le fréquent accompagne ou précede ordinairement les syncopes, & l’intercurrent se rencontre dans certaines péripneumonies & autres fievres de mauvais caractere. Galien croit au contraire qu’ils sont plus favorables ; l’intermittent & l’intercurrent ont cela de commun, dit-il, qu’ils sont produits par une faculté chargée & fatiguée par des obstacles ; mais celui-ci montre que la faculté est forte, résiste & combat ; souvent il précede la crise ; celui-là au contraire indique que la faculté est opprimée & vaincue par les obstacles ; il avoue que toutes les extrémités, excepté la véhémence, sont vicieuses & d’un mauvais augure, mais il prétend que le très-rare est plus fâcheux que le très fréquent. Voici comment il établit le degré de danger que chaque pouls égal fait craindre ; d’abord il met comme le plus dangereux le pouls très-languissant, 2° le très-lent, 3° le très-rare, 4° le très-petit, 5° le très-mol, 6° le très-dur, 7° le très-fréquent, 8° le très-vîte, 9° le très-grand.

Les pouls dicrotes, caprisans, vibrés, indiquent l’intempérie des arteres ou du cœur, qui est, comme nous l’avons dit, la principale cause du dicrotisme, quelquefois aussi la différente température des humeurs dans différentes portions d’artere, il arrive alors qu’il y a collection d’excrémens fuligineux & beaucoup de chaleur ; la premiere cause exige l’augmentation des contractions, l’autre la vîtesse & la grandeur des distensions, de façon que ces deux mouvemens se combattent & tâchent, s’il est permis de s’exprimer ainsi, d’empiéter l’un sur l’autre ; à peine la distension est-elle commencée, que la contraction veut se faire, elle interrompt la distension ; mais si la chaleur est très-forte, elle obligera la distension de recommencer, & de-là les deux coups dans l’espace de tems où il devroit n’y en avoir qu’un. Le pouls vibré est pour l’ordinaire très-critique.

Le pouls ondulant indique la mollesse des arteres & la faculté médiocrement forte, il est alors rare, lent & grand, si en même tems il devient haut & fort, & sur-tout si, suivant la remarque de Struthius, un des commentateurs de Galien, il y a plusieurs pulsations élevées & grandes, il annonce une sueur critique. Ce pouls s’observe dans les maladies humides, pituiteuses, dans les léthargies, les fievres quotidienes halitueuses, dans l’anasarque qui n’est pas produit par le skirrhe ; il dénote d’autant plus sûrement la sueur critique, qu’il est plus mol, plus fort & plus égal, & que les autres signes de coction concourent. Le pouls vermiculaire désigne la foiblesse de la faculté & la mollesse de l’artere, il procede & accompagne les mauvaises sueurs, les fleurs blanches, & les grandes évacuations sanguines & séreuses ; ce que Galien dit sur ce pouls mérite une extrème attention.

Les pouls décurtés, miures, inégaux manquans, réciproques manquans, innuens & circumnuens, indiquent la cause qui les produit, savoir la foiblesse de la faculté : quelque médecins ont prétendu trouver dans une espece de pouls miure renversé, dans lequel la premiere pulsation est la plus petite, & les suivantes vont toujours en augmentant, beaucoup de signification. Galien croit qu’il ne dépend que de la formation naturelle de l’artere ; il y a aussi un pouls auquel on avoit fait attention, & que Galien

croit ne dépendre que de la durété de l’artere, c’est le pouls qu’on pourroit appeller triangulaire, parce que la pulsation a en s’élevant la forme d’un triangle dont la pointe va frapper le doigt.

Les pouls bien réglés sont en général préférables aux irréguliers, cependant ceux-ci ne laissent pas d’avoir de grands avantages, ils annoncent dans les maladies une terminaison en bien ou en mal. Si le pouls est irrégulier, & en même tems fort & qu’il y ait eu des signes de coction précédens, c’est un signe de crise prochaine ; dans ce cas l’ordre constant qui dénote une tranquillité infructueuse & nuisible, est moins avantageux que l’irrégularité.

Pour déterminer par le pouls quelles sont les parties affectées, & quelle est l’espece d’affection, Galien entre dans le détail des différentes maladies ou intempéries qui en sont la base, & parcourt successivement toutes les parties du corps : les seules intempéries du cœur & des arteres, dit-il, peuvent changer l’état du pouls, & les autres parties ne l’alterent que par leur action sur le cœur & les arteres, qui est en raison de leur voisinage du cœur de la grosseur des vaisseaux qu’ils reçoivent de la dureté & de la sensibilité des nerfs qui entrent dans leur composition

Les intempéries sont simples ou composées, voyez ce mot, les simples au nombre de quatre sont la chaleur, le froid, la sécheresse & l’humidité ; de la combinaison de ces quatre, il en résulte quatre autres composées qu’on appelle plus communément tempérament, voyez ce mot ; savoir le chaud & le sec, le chaud & l’humide, le froid & le sec, le froid & l’humide, &c. On peut voir par ce que nous avons dit plus haut, quels sont les pouls propres à chaque intempérie & tempérament ; mais il peut arriver que le cœur soit chaud, par exemple, & les arteres froides ; si l’excès de part & d’autre est égal, le pouls est modéré ; mais si on applique la main sur le cœur & sur une artere, on sentira de la différence dans la grandeur, la vîtesse & la fréquence des pulsations. Cette différence sera quelquefois sensible d’une portion d’artere à l’autre, c’est ce qui s’observe dans les fievres lypiries, malignes, pestilentielles, &c. Ce pouls est dans ce cas un très mauvais signe, mais qui trompe les inexpérimentés. Les fievres qui sont des affections du cœur font varier le pouls, suivant leur nature, & sont indiquées par ses différens caracteres. Galien en distingue trois especes, la diaire, l’hectique & la putride. Il assure que dans la diaire, le pouls est toujours plus grand, plus vîte & plus fréquent ; les hectiques ont le pouls encore plus vîte ; il en est de même des putrides. Galien dit qu’une fréquente expérience lui a appris que le signe le plus infaillible de ces fievres étoit la vîtesse des contractions au commencement de l’accès, ce signe est sensible à ceux qui ont le tact fin & exercé. Le pouls des inflammations est toujours dur.

Lorsque les poumons sont affectés, ils communiquent promptement leur altération au cœur, & ne tardent pas à faire impression sur le pouls ; leur intempérie chaude le fait grand, vîte & fréquent ; l’humide les fait mous, &c. Il en est de même des autres visceres, lorsque les parties membraneuses tendues, comme la plevre, le diaphragme, la vessie seront affectées, le pouls sera toujours plus dur. On peut, dans le système de Galien, se faire une idée en suivant la regle établie plus haut, de tous les pouls qui accompagneront l’affection des différentes parties du corps ; il ne faut pas oublier que l’idée qu’on s’en formera ne sera jamais qu’une idée plus ou moins éloignée de la réalité ; mais si l’affection se trouve dans des parties dénuées de vaisseaux, elles exciteront des symptomes nerveux, des convulsions ; il faut que les vaisseaux soient attaqués pour produire la fievre.

Galien regarde le pouls comme un signe très-im-