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lon, qu’à titre de tisane, & sans rien retrancher de la dose accoutumée du bouillon, comme on le fait ordinairement.

Au reste, soit pour préparer le bouillon de poulet, soit pour préparer l’eau de poulet, on a coutume de l’écorcher ; cette pratique est assez inutile.

Poulets sacrés, (Divination des Romains.) c’étoient des poulets que les prêtres élevoient du tems des Romains, & qui servoient à tirer les augures. On n’entreprenoit rien de considérable dans le sénat, ni dans les armées, qu’on n’eût auparavant pris les auspices des poulets sacrés. La maniere la plus ordinaire de prendre ces auspices, consistoit à examiner de quelle façon ces poulets usoient du grain qu’on leur présentoit. S’ils le mangeoient avec avidité en trépignant & en l’écartant çà & là, l’augure étoit favorable ; s’ils refusoient de manger & de boire, l’auspice étoit mauvais, & on renonçoit à l’entreprise pour laquelle on consultoit. Lorsqu’on avoit besoin de rendre cette sorte de divination favorable, on laissoit les poulets un certain tems dans une cage, sans manger ; après cela les prêtres ouvroient la cage, & leur jettoient leur mangeaille. On faisoit venir ces poulets de l’île de Négrepont. On fut fort exact chez les Romains à ne point donner de faux auspices tirés des poulets sacrés, depuis la funeste aventure de celui qui s’en avisa sous L. Papirius Cursor, consul, l’an de Rome 482.

Il faisoit la guerre aux Samnites, dit Tite-Live, l. X. & dans les conjonctures où l’on étoit, l’armée romaine souhaitoit avec une extrème ardeur que l’on en vînt à un combat. Il fallut auparavant consulter les poulets sacrés ; & l’envie de combattre étoit si générale, que quoique les poulets ne mangeassent point quand on les mit hors de la cage, ceux qui avoient soin d’observer l’auspice, ne laisserent pas de rapporter au consul qu’ils avoient fort bien mangé. Sur cela le consul promet en même tems à ses soldats & la bataille, & la victoire. Cependant il y eut contestation entre les gardes des poulets sur cet auspice, qu’on avoit rapporté à faux. Le bruit en vint jusqu’à Papirius, qui dit qu’on lui avoit rapporté un auspice favorable, & qu’il s’en tenoit-là ; que si on ne lui avoit pas dit la vérité, c’étoit l’affaire de ceux qui prenoient les auspices, & que tout le mal devoit tomber sur leur tête. Aussi-tôt il ordonna qu’on mît ces malheureux aux premiers rangs ; & avant qu’on eût donné le signal de la bataille, un trait partit sans qu’on sût de quel côté, & alla percer le garde des poulets qui avoit rapporté l’auspice à faux. Dès que le consul sut cette nouvelle, il s’écria : « Les dieux sont ici présens, le criminel est puni ; ils ont déchargé toute leur colere sur celui qui la méritoit, nous n’avons plus que des sujets d’espérance ». Aussi-tôt il fit donner le signal, & il remporta une victoire entiere sur les Samnites. Il y a bien apparence, dit M. de Fontenelle, que les dieux eurent moins de part que Papirius à la mort de ce pauvre garde de poulets, & que le général en voulut tirer un sujet de rassurer les soldats, que le faux auspice pouvoit avoir ébranlés. (D. J.)

POULETTE D’EAU, PETITE POULE D’EAU, (Ornitholog.) gallicula, cloropus major Aldrovandi, Wil. oiseau qui ressemble beaucoup à la poule d’eau par la forme du corps, mais qui en differe en ce qu’il est plus petit. Il a le corps applati par les côtés ; ce caractere est commun à tous les oiseaux de ce genre. La poulette d’eau femelle pese douze onces, elle a près d’un pié quatre pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu’au bout des doigts, & un pié jusqu’à l’extrémité de la queue. Le mâle est plus grand que la femelle ; il a treize pouces, & plus de longueur depuis la pointe du bec jusqu’à l’extrémité de sa queue ; il pese quinze onces ; l’envergure est d’en-

viron un pié huit pouces. Le bec a deux pouces de

longueur depuis la pointe jusqu’aux coins de la bouche ; la piece inférieure est d’un blanc jaunâtre depuis la pointe jusqu’à l’angle, le reste a une couleur rougeâtre. Il y a sur le devant de la tête un tubercule rond, dégarni de plumes, qui ne differe de celui de la poule d’eau, qu’en ce qu’il est rouge au-lieu d’être blanc. Tant que ces oiseaux sont jeunes, ils n’ont pas le tubercule dont nous venons de parler, ni le bec rouge. La langue est un peu large, & elle a quelque poil à son extrémité. Les yeux ont l’iris rouge, la paupiere inférieure n’est pas couverte de plumes. Les piés sont verdâtres ; le doigt du milieu est le plus long, & ensuite l’extérieur. Tous les doigts ont la partie inférieure plus large & plus applatie que ceux des autres oiseaux fissipedes. Les jambes sont couvertes de plumes presque jusqu’au genou ; on voit entre cette articulation & les plumes une tache rouge. Il y a sur la base de chaque aîle une ligne blanche qui s’étend sur toute sa longueur. La poitrine a une couleur plombée. Le ventre est cendré. Les plumes du dessous de la queue sont blanches. Le dos & les petites plumes des aîles ont une couleur de rouille. Toutes les autres parties de cet oiseau sont noires. On distingue le mâle de la femelle en ce qu’il a les plumes du dessous de la queue plus blanches, le ventre plus cendré & le dos d’une couleur de rouille plus foncée. Cet oiseau a la chair très-délicate ; il se perche sur les arbres épais qui se trouvent près des eaux ; il niche dans les haies & sur les arbres qui sont près des rivieres ; il couve deux ou trois fois chaque été. Les œufs ont l’une de leurs extrémités pointue ; ils sont d’un blanc verdâtre mêlé de taches d’un brun rougeâtre. Willughby, Ornit. Voyez Oiseau.

POULEVRIN, s. m. terme d’Artificier & d’Artilleur : on écrase la poudre pour amorcer les pieces, & l’on en fait même quelquefois des traînées un peu longues sur le corps de la piece quand la lumiere est trop ouverte, & que l’on craint qu’en prenant feu la poudre ne jette en l’air le boute-feu du cannonier. Cette poudre écrasée, qui est souvent de la plus fine, s’appelle poulevrin. Voyez Poudre.

POULIAS, s. m. (Hist. mod.) c’est ainsi que sur la côte de Malabar on nomme une tribu ou classe d’hommes qui vivent du travail de leurs mains, parmi lesquels sont tous les artisans. Jamais il ne leur est permis de sortir de leur état, ni de porter les armes même dans la plus grande extrémité. Ces hommes utiles, par une barbarie incroyable, sont si méprisés par ceux des tribus ou classes supérieures, qu’il ne leur est point permis d’entrer dans les maisons, ni de converser avec eux. Une maison dans la quelle un poulia seroit venu, est regardée comme souillée. Cependant les poulias sont moins détestés que les poulichis, que les Malabares regardent comme les derniers des hommes. Voyez Poulichis. Lorsqu’un poulia ou artisan rencontre sur le chemin un naïre, ou noble, il est obligé de se ranger de côté, sans quoi il court risque d’être maltraité ou même tué impunément. Ces infortunés sont si méprisés, que les bramines ou prêtres n’acceptent point leurs offrandes, à moins qu’elles ne soient en or ou en argent. Lorsqu’ils font des présens à leur prince, ils sont obligés de les mettre à terre, après quoi ils se retirent de vingt pas, alors un naïre, ou garde du prince va les ramasser. Cela n’empêche point le souverain & les nobles de leur faire éprouver toutes sortes d’extorsions pour leur tirer de l’argent, & l’on ne se fait aucun scrupule de les mettre à mort sur le moindre soupçon. On dit que l’origine du mépris & de l’horreur que les Malabares ont pour la tribu des poulias, vient de ce que ces malheureux mangent des charognes, & de la viande des vaches & des