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Si ces additions suivent immédiatement l’antécédent, on peut conclure qu’elles sont explicatives, si on peut les retrancher sans altérer le sens de la proposition principale ; & dans ce cas on doit employer la virgule.

Daigne, daigne, mon Dieu, sur Mathan & sur elle
Répandre cet esprit d’imprudence & d’erreur,
De la chûte des rois funeste avant-coureur.

Athalie, I. j.

7°. Toute addition mise à la tête ou dans le corps d’une phrase, & qui ne peut être regardée comme faisant partie de sa constitution grammaticale, doit être distinguée du reste par une virgule mise après, si l’addition est à la tête ; & si elle est enclavée dans le corps de la phrase, elle doit être entre deux virgules. Exemples :

Contre une fille qui devient de jour en jour plus insolente, qui me manque, à moi, qui vous manquera bientôt, à vous. Le pere de famille, act. III. sc. vij. Cet à moi, & cet à vous sont deux véritables hors-d’œuvres, introduits par énergie dans l’ensemble de la phrase, mais entierement inutiles à sa constitution grammaticale.

Oculorum, inquit Plato, est in nobis sensus acerrimus, quibus sapientiam non cernimus. Cic. de Finibus, II. 16. Ici l’on voit la petite proposition, inquit Plato, insérée accidentellement dans la principale, à laquelle elle n’a aucun rapport grammatical, quoiqu’elle ait avec elle une liaison logique.

Non, non, bien loin d’être des demi-dieux, ce ne sont pas même des hommes. Télémaque, liv. XVII. Ces deux non qui commencent la phrase n’ont avec elle aucun lien grammatical ; c’est une addition emphatique dictée par la vive persuasion de la vérité qu’énonce ensuite Télémaque.

O mortels, l’espérance enivre. Médit. sur la foi, par M. de Vauvenargues. Ces deux mots ô mortels, sont entierement indépendans de la syntaxe de la proposition suivante, & doivent en être séparés par la virgule ; c’est le sujet d’un verbe sousentendu à la seconde personne du pluriel, par exemple, du verbe écoutez, ou prenez-y garde : or si l’auteur avoit dit, mortels, prenez y garde, l’espérance enivre, il auroit énoncé deux propositions distinctes qu’il auroit dû séparer par la virgule ; cette distinction n’est pas moins nécessaire parce que la premiere proposition devient elliptique, ou plutôt elle l’est encore plus, pour empêcher qu’on ne cherche à rapporter à la seconde un mot qui ne peut lui convenir.

Il suit de cette remarque que, quand l’apostrophe est avant un verbe à la seconde personne, on ne doit pas l’en séparer par la virgule, parce que le sujet ne doit pas être séparé de son verbe ; il faut donc écrire sans virgule : Tribuns cédez la place aux consuls. Révol. rom. liv. II. Cependant l’usage universel est d’employer la virgule dans ce cas-là même ; mais c’est un abus introduit par le besoin de ponctuer ainsi dans les occurrences où l’apostrophe n’est pas sujet du verbe, & ces occurrences sont très-fréquentes.

Vous avez vaincu, plébéiens. Ib. Il faut ici la virgule, quoique le mot plébéiens soit sujet de avez vaincu ; mais ce sujet est d’abord exprimé par vous, lequel est à sa place naturelle, & le mot plébéiens n’est plus qu’un hors-d’œuvre grammatical.

Pour mademoiselle, elle paroît trop instruite de sa beauté. M. l’abbé Girard. Ces deux mots, pour mademoiselle, doivent être distingués du reste par la virgule, parce qu’il ne peuvent se lier grammaticalement avec aucune partie de la proposition suivante, & qu’ils doivent en conséquence être regardés comme tenant à une autre proposition elliptique, par exemple : Je parle pour mademoiselle.

Il seroit apparemment très-facile de multiplier beau-

coup davantage les observations que l’on pourroit

faire sur l’usage de la virgule, en entrant dans le détail minutieux de tous les cas particuliers. Mais je crois qu’il suffit d’avoir exposé les regles les plus générales & qui sont d’une nécessité plus commune ; parce que quand on en aura compris le sens, la raison, & le fondement, on saura très-bien ponctuer dans les autres cas qui ne sont point ici détaillés : il suffira de se rappeller que la ponctuation doit marquer ou repos, ou distinction, ou l’un & l’autre à-la-fois, & qu’elle doit être proportionnée à la subordination des sens.

Mais avant que de passer au second article, je terminerai celui-ci par une remarque de M. l’abbé Girard, dont j’adopte volontiers la doctrine sur ce point, sans garantir le ton dont il l’énonce. « Quelques personnes, dit-il, (disc. 16. tom. II. pag. 445.) ne mettent jamais de virgule avant la conjonction &, même dans l’énumération ; en quoi on ne doit pas les imiter, du moins dans la derniere circonstance ; car tous les énumératifs ont droit de distinction, & l’un n’en a pas plus que l’autre. La virgule est alors d’autant plus nécessaire avant la conjonction, qu’elle y sert à faire connoître que celle-ci emporte là une idée de clôture, par laquelle elle indique la fin de l’énumération ; & cette virgule y sert de plus à montrer que le dernier membre n’a pas, avec celui qui le précéde immédiatement, une liaison plus étroite qu’avec les autres. Ainsi la raison qui fait distinguer le second du premier, fait également distinguer le troisieme du second, & successivement tous ceux dont l’énumération est composée : il faut donc que la virgule se trouve entre chaque énumératif sans exception ». J’ajouterai que, si les parties de l’énumération doivent être séparées par une ponctuation plus forte que la virgule, pour quelqu’une des causes que l’on verra par la suite, cette ponctuation forte doit rester la même avant la conjonction qui amene la derniere partie.

II. Du point avec une virgule. Lorsque les parties principales dans lesquelles une proposition est d’abord partagée, sont soudivisées en parties subalternes, les parties subalternes doivent être séparées entre elles par une simple virgule, & les parties principales par un point & une virgule.

On ne doit rompre l’unité de la proposition entiere que le moins qu’il est possible ; mais on doit encore préférer la netteté de l’énonciation orale ou écrite, à la représentation trop scrupuleuse de l’unité du sens total, laquelle, après tout, se fait assez connoître par l’ensemble de la phrase, & dont l’idée subsiste toujours tant qu’on ne la détruit pas par des repos trop considérables, ou par des ponctuations trop fortes : or la netteté de l’énonciation exige que la subordination respective des sens partiels y soit rendue sensible, ce qui ne peut se faire que par la différence marquée des repos & des caracteres qui les représentent.

S’il n’y a donc dans un sens total que deux divisions subordonnées, il ne faut employer que deux especes de ponctuations, parce qu’on ne doit pas employer plus de signes qu’il n’y a de choses à signifier ; il faut y employer la virgule pour l’une des deux divisions, & un point avec une virgule pour l’autre, parce que ce sont les deux ponctuations les moins fortes, & qu’il ne faut rompre que le moins qu’il est possible l’unité du sens total : le point avec une virgule doit distinguer entre elles les parties principales ou de la premiere division, & la simple virgule doit distinguer les parties subalternes ou de la soudivision, parce que les parties subalternes ont une affinité plus intime entre elles que les parties principales, & qu’elles doivent en conséquence être moins désunies. Tels sont les différens degrés de la proportion