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Et dans l’art d’enchanter les cœurs & les esprits, Surpasser Euripide & balancer Corneille. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Portrait, s. m. (Paveur.) les maîtres paveurs appellent ainsi un des marteaux dont ils se servent pour fendre & tailler le pavé de grès, particulierement celui qu’on nomme du petit échantillon. (D. J.)

PORTRAITURE, livre de, (Peint.) c’est un livre de desseins qui contient la représentation linéale du corps humain.

PORT-ROYAL, (Hist. mod.) terme qui tient un rang considérable dans la république des lettres. Voici quelle a été son origine.

Philippe-Auguste s’étant égaré seul en chassant près de Chevreuse, au couchant de Paris, trouva une petite chapelle où il s’arrêta, en attendant que quelqu’un de ses officiers vînt le joindre : ce qui arriva. Il nomma pour cela ce lieu Port du roi, ou Port-Royal ; & pour remercier Dieu de l’avoir tiré de l’embarras & de l’inquiétude où il étoit, il résolut d’y faire bâtir un monastere.

Odon de Sulli, évêque de Paris, l’ayant su, prévint le roi, & avec Mathilde, femme de Mathieu de Montmorenci, seigneur de Marly, il bâtit cette abbaye en 1204, & y mit des religieuses de Citeaux, qui ont toujours été soumises à la jurisdiction du général de cet ordre jusqu’en 1627, qu’elles furent transférées au fauxbourg S. Jacques à Paris, où on leur donna une maison.

En 1647 elles quitterent l’habit de Citeaux, & elles résolurent d’embrasser l’institut de l’adoration perpétuelle du S. Sacrement. L’archevêque de Paris leur permit la même année de renvoyer des religieuses à Port-Royal des Champs, & d’y rétablir ce monastere.

Quelque tems après, la souscription du formulaire d’Alexandre VII. ayant été ordonnée dans tout le royaume, les religieuses du Port-Royal de ville le signerent ; celles de Port-Royal des Champs ne s’y soumirent qu’après de grandes difficultés, & avec restriction.

Ces filles étant toujours demeurées dans les mêmes sentimens jusqu’en 1709, le roi crut qu’il n’y avoit d’autres moyens de les soumettre, que de les disperser, ce qui fut exécuté, & le monastere de Port-Royal des Champs fut entierement détruit, & ses biens rendus à Port Royal de Paris.

Plusieurs ecclésiastiques qui étoient dans les mêmes sentimens, que ces religieuses se retirerent à Port-Royal, où on leur donna des appartemens. Ils y ont fait plusieurs livres qu’ils ont imprimés, tant sur ces matieres que sur d’autres ; c’est ce qui fit donner à tout leur parti le nom de Port-royalistes, & à leurs livres celui de livres de Port-royal.

Ainsi l’on dit les écrivains de Port-royal, messieurs de Port-royal, les traductions de Port-royal, les méthodes grecque & latine de Port-royal, qui sont des grammaires de ces langues.

PORTUGAISE, ou PORTUGALOISE, (Monn.) grosse piece d’or frappée en Portugal, du poids d’une once trois deniers au titre de 23 carats 3 quarts. Ces especes d’or ont eu cours en France bien avant sous le regne de Louis XIII. (D. J.)

PORTUGAL, (Géog. mod.) en latin Lusitania, royaume le plus occidental de l’Europe, borné au nord par la Galice, au midi & au couchant par l’Océan, au levant par l’Andalousie, la nouvelle-Castille, & le royaume de Léon. Son étendue est du nord au sud. Il a 120 lieues de longueur, & 50 de largeur.

L’air y est assez tempéré, pur & sain. C’est un très bon pays ; le blé n’y manque pas, les fruits sont exquis, les huiles délicieuses : on y trouve quantité de

miel ; les laines sont admirables ; les salines très abondantes ; les bestiaux & les chevaux très-estimés : on sait combien les orangers, les vins, sur-tout ceux d’Alantejo & des Algarves sont recherchés.

Il y a des mines d’or & d’argent, des carrieres de beau marbre, & de pierres précieuses, des rubis, des émeraudes, des hyacinthes.

Il est arrosé d’un grand nombre de rivieres. Les principales sont le Tage, la Guadiana, le Duero, &c. La religion catholique est la seule permise. Il y a beaucoup de Juifs, mais cachés. L’inquisition y est très-sévere. Il y a trois archevêchés & dix évêchés, sans compter ceux des Indes & d’Afrique.

On divise le Portugal en six parties ; savoir, le royaume des Algarves ; les provinces entre Dueroe-Minho, Béïra, l’Alentéjo, Tra-los Montes, l’Estramadoure portugaise : outre cela le royaume de Portugal a des possessions considérables dans l’Amérique, comme le Brésil, dans l’Afrique & dans l’Asie.

La langue portugaise est un composée de la latine, de la françoise & de la castillane. Elle est grave & élégante ; & comme elle ne manque pas d’élévation pour les sujets héroïques, de même elle est remplie de douceur pour les délicatesses de l’amour.

Lisbonne est la capitale du royaume. Long. 9. 12. lat. 37. 42.

Le royaume de Portugal est la Lusitanie des anciens ; cependant la Lusitanie comprenoit des pays qui ne sont point aujourd’hui de Portugal ; & le Portugal renferme quelques contrées qui n’étoient point de la Lusitanie. Ses premiers habitans formoient plusieurs républiques, & se gouvernoient selon leurs loix & leurs coutumes.

Les Phéniciens ayant abordé sur les côtes de la Lusitanie, se fortifierent dans l’île de Cadix, d’où ils passerent dans le continent, & y firent des conquêtes par le secours des Carthaginois, environ 510 ans avant J. C. Ce pays fut ensuite soumis par les Romains, & successivement par les Alains, les Sueves, les Vandales, les Goths & les Maures.

Alphonse VI. roi de Castille & de Léon, fit la conquête de la meilleure partie de la Lusitanie sur les Maures en 1094. Il maria sa fille Therese légitimée de Castille, à Henri de Bourgogne, & lui donna pour dotte la ville de Porto avec le titre de comte de Portugal.

Henri conquit bien du pays sur les Maures, fonda proprement le royaume de Portugal, & fut couronné en 1139, après la fameuse bataille d’Ourique. Alors le pape Alexandre III. ne manqua pas d’exiger de lui pour la confirmation de cette couronne, en 1160, un tribut de deux marcs d’or ; le roi s’y soumit, sachant que dans les querelles de tant de souverains, le suffrage du pape, payé par une bonne rente, pouvoit quelquefois faire pancher la balance.

Ce nouveau royaume se soutint glorieusement, & les Portugais commencerent à mériter dans le xv. siecle une gloire aussi durable que l’univers, par le changement du commerce du monde, qui fut bientôt le fruit de leurs découvertes. Ce fut cette nation qui, la premiere des nations modernes, navigea sur l’Océan atlantique. Elle n’a dû qu’à elle seule le passage du cap de Bonne-Espérance, au lieu que les Espagnols dûrent à des étrangers la découverte de l’Amérique.

Le Portugal s’occupa toujours de ses grandes navigations & de ses succès en Afrique, sans prendre aucune part aux événemens de l’Italie qui allarmoient le reste de l’Europe.

Enfin ce royaume depuis Alphonse I. surnommé Henriquez, dura l’espace de quatre cens quarante-neuf ans, sous seize rois, & finit en 1578 par la mort