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soin de la placer au fond du fourneau & au-dessous du soupirail, où le feu a moins d’activité, par conséquent grand feu anéantiroit les couleurs.

Des couleurs de la porcelaine colorée. Les couleurs propres de cette sorte de porcelaine se préparent de la sorte : pour faire la couleur verte on prend du salpêtre & de la poudre de caillou ; on n’a pas pû savoir la quantité de chacun de ces ingrédiens : quand on les a réduits séparément en poudre impalpable, on les délaye, & on les unit ensemble avec de l’eau.

L’asur le plus commun avec le salpêtre & la poudre de caillou, forme le violet.

Le jaune se fait en mettant, par exemple, trois mas de rouge de couperose sur trois onces de poudre de caillou, & sur trois onces de céruse.

Pour faire le blanc, on met sur quatre mas de poudre de cailloux, un taël de céruse. Tous ces ingrédiens se délayent avec de l’eau.

De la porcelaine noire. La porcelaine noire a aussi son prix & sa beauté : ce noir est plombé, & semblable à celui de nos miroirs ardens ; l’or qu’on y met lui procure un nouvel agrément. On donne la couleur noire à la porcelaine lorsqu’elle est seche, & pour cela on mêle trois onces d’asur avec sept onces d’huile ordinaire de pierre. Les épreuves apprennent au juste quel doit être ce mêlange, selon la couleur plus ou moins foncée qu’on veut lui donner. Lorsque cette couleur est seche, on cuit la porcelaine ; après quoi on y applique l’or, & on la recuit de nouveau dans un fourneau particulier.

Le noir éclatant ou le noir de miroir, se donne à la porcelaine, en la plongeant dans une mixtion liquide composée d’asur préparé. Il n’est pas nécessaire d’y employer le bel asur ; mais il faut qu’il soit un peu épais, & mêlé avec du vernis peyeou & du tsikin, en y ajoutant un peu d’huile de chaux, & de cendres de fougere ; par exemple sur dix onces d’asur pile dans le mortier, on mélera une tasse de tsikin, sept tasses de peyeou, & deux tasses d’huile de cendres de fougere brûlée avec la chaux. Cette mixtion porte son vernis avec elle, & il n’est pas nécessaire d’en donner de nouveau. Quand on cuit cette sorte de porcelaine noire, on doit la placer vers le milieu du fourneau, & non pas près de la voûte, où le feu a plus d’activité.

De la porcelaine en découpure. Il se fait à la Chine une autre espece de porcelaine toute percée à jour en forme de découpure : au milieu est une coupe propre à contenir la liqueur ; la coupe ne fait qu’un corps avec la découpure. On a vû d’autres porcelaines où des dames chinoises & tartares étoient peintes au naturel ; la draperie, le teint & les traits du visage, tout y étoit recherché : de loin on eût pris ces ouvrages pour de l’émail.

Il est à remarquer que quand on ne donne point d’autre huile à la porcelaine que celle qui se fait de cailloux blancs, cette porcelaine devient d’une espece particuliere, toute marbrée & coupée en tous les sens d’une infinité de veines : de loin on la prendroit pour de la porcelaine brisée dont toutes leurs pieces demeurent en leur place ; c’est comme un ouvrage à la mosaïque. La couleur que donne cette huile est d’un blanc un peu cendré. Si la porcelaine est toute asurée, & qu’on lui donne cette huile, elle paroîtra également coupée & marbrée, lorsque la couleur sera seche.

De la porcelaine olive. La porcelaine dont la couleur tire sur l’olive, est aussi fort recherchée. On donne cette couleur à la porcelaine en mêlant sept tasses de vernis tsikin avec quatre tasses de peyeou, deux tasses ou environ d’huile de chaux & de cendres de fougere, & une tasse d’huile faite de cailloux. Cette huile fait appercevoir quantité de petites veines sur la porcelaine : quand on l’applique toute

seule, la porcelaine est fragile, & n’a point de son lorsqu’on la frappe : mais quand on la mêle avec les autres vernis, elle est coupée de veines, elle résonne, & n’est pas plus fragile que la porcelaine ordinaire.

De la porcelaine par transmutation. La porcelaine par transmutation se fait dans le fourneau, & est causée ou par le défaut ou par l’excès de chaleur, ou bien par d’autres causes qu’il n’est pas facile d’assigner. Une piece qui n’a pas réussi selon l’idée de l’ouvrier, & qui est l’effet du pur hasard, n’en est pas moins belle ni moins estimée. L’ouvrier avoit dessein par exemple, de faire des vases de rouge soufflé ; cent pieces furent entierement perdues ; une par hasard sortit du fourneau semblable à une espece d’agate. Si l’on vouloit courir les risques & les frais de différentes épreuves, on découvriroit à la fin de faire ce que le hasard produit une fois. C’est ainsi qu’on s’est avisé de faire de la porcelaine d’un noir éclatant. Le caprice du fourneau a déterminé à cette recherche, & on y a réussi.

De l’or de la porcelaine. Quand on veut appliquer l’or, on le broie & on le dissout au fond d’une porcelaine, jusqu’à ce qu’on voie au-dessous de l’eau un petit ciel d’or. On le laisse sécher, & lorsqu’on doit l’employer, on le dissout par parties dans une quantité suffisante d’eau gommée. Avec trente parties d’or, on incorpore trois parties de céruse, & on l’applique sur la porcelaine de même que les couleurs.

Comme l’or appliqué sur la porcelaine s’efface à la longue & perd beaucoup de son éclat, on lui rend son lustre en mouillant d’abord la porcelaine avec de l’eau nette, & en frottant ensuite la dorure avec une pierre d’agate. Mais on doit avoir soin de frotter le vase dans un même sens, par exemple, de droit à gauche.

Des gerçures de la porcelaine. Ce sont principalement les bords de la porcelaine qui sont sujets à s’écailler : pour obvier à cet inconvénient, on les fortifie avec une certaine quantité de charbon de bambou pilé, qu’on mêle avec le vernis qui se donne à la porcelaine, & qui rend le vernis d’une couleur de gris cendré : ensuite avec le pinceau, on fait de cette mixtion une bordure à la porcelaine deja seche, en la mettant sur la roue ou sur le tour. Quand il est tems, on applique le vernis à la bordure comme au reste de la porcelaine ; & lorsqu’elle est cuite, ses bords n’en sont pas moins d’une extrème blancheur. Comme il n’y a point de bambou en Europe, on y pourroit suppléer par le charbon de saule, ou encore mieux par celui de sureau, qui a quelque chose d’approchant du bambou.

Il est à observer 1°. qu’avant que de réduire le bambou, il faut en détacher la peau verte, parce qu’on assure que la cendre de cette peau fait éclater la porcelaine dans le fourneau. 2°. Que l’ouvrier doit prendre garde de toucher la porcelaine avec les mains tachées de graisse ou d’huile : l’endroit touché éclateroit infailliblement durant la cuite.

Opération pour le vernis de la porcelaine. Avant que de donner le vernis à la porcelaine, on acheve de la polir, & on en retranche les plus petites inégalités ; ce qui s’exécute par le moyen d’un pinceau fait de petites plumes fort fines. On humecte ce pinceau simplement avec de l’eau, & on le passe par-tout d’une main légere ; mais c’est principalement pour la porcelaine fine qu’on prend ce soin.

Quand on veut donner un vernis qui rende la porcelaine extremement blanche, on met sur treize tasses de peyeou, une tasse de cendres de fougere aussi liquides que le peyeou ; ce vernis est fort, & ne doit point se donner à la porcelaine qu’on veut peindre en bleu, parce qu’après la cuite, la couleur ne paroîtroit pas à-travers le vernis. La porcelaine à laquelle on a donné le fort vernis peut être exposée sans crainte