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graisse, de mucosité, de substances charnues, de lambeaux charnus, de masses de chair noire, de membranes longues & tenues, & c. Bartholet passe pour le premier qui leur a donné le nom de polype, ou matiere polypeuse : cette dénomination tirée de sa figure, a été adoptée par Pistinus, Tulpius, Bartholin, Malpighi, & tous les auteurs qui les ont suivis.

La matiere dont les polypes sont composés ne peut être que des fluides privés de leur état de fluidité, épaissis & condensés plus ou moins fermement : à en juger par les différens noms que les polypes ont reçu, ils sont tantôt des excrescences charnues, tantôt des matieres pituiteuses, quelquefois ils ne sont qu’une gelée ou une concrétion muqueuse, &c. mais ces noms tirés des variétés accidentelles dans la couleur & la forme de ces excrescences, plutôt que d’un examen attentif & des expériences certaines, ne doivent rien décider sur la nature des polypes. On peut tirer plus de lumieres de deux différences générales qu’on observe dans leur couleur, & auxquelles doivent se rapporter toutes les autres variétés ; les uns sont blancs, les autres sont rouges ; ceux-ci, plus semblables au sang, paroissent être en grande partie un tissu de globules rouges ; ceux-là, analogues à la substance lymphatique & gélatineuse qui fait partie du sang, paroissent en être entierement composés : la différente combinaison de ces parties produira les variétés dans la consistance & les couleurs ; le sang est quelquefois tout blanc, selon les observations de Lower, de Borel, de Rhodius, de M. de Senac, &c. alors sa coagulation formera des polypes de la même couleur : dans les cas même où il conserve sa couleur naturelle, la partie lymphatique qui contient des matieres gélatineuses en forme de vessie, de la graisse, de la mucosité, n’a qu’à se séparer de la partie rouge, elle s’épaissira, se condensera, les concrétions qui en seront composées seront blanches : si cette même substance, facile à se coaguler par le repos & le froid, retient les globules rouges enveloppés dans son tissu visqueux, elle donnera naissance aux polypes rouges : il ne paroît pas en effet que le sang dépouillé de cette partie lymphatique, pût se coaguler au point de former une substance compacte ; les globules rouges seuls ne peuvent se rassembler en une masse qui ait tant de consistance, ils conservent aussi leur fluidité pendant long-tems, dès qu’on leur a enlevé cette espece de lien qui les enchaîne & les rapproche.

L’arrangement des parties qui composent le polype ne paroît pas fortuit, il ressemble au tissu d’une toile ; cette espece de réseau est également formé par les parties blanches & par les globules rouges ; cette disposition singuliere avoit fait regarder ces concrétions comme un tissu organique. Trompés par quelques traînées de globules rouges, plusieurs auteurs & Manget entr’autres, avoient cru que des vaisseaux sanguins concouroient à former & entretenir ces excrescences ; c’est à la plus ou moins grande facilité qu’ont les différentes parties à s’unir, à leur différent degré de cohésion, à leur hétérogénéité, qu’on doit attribuer la structure de ce tissu réticulaire ; le mouvement du sang & l’action des vaisseaux en agitant les concrétions, serrent & alongent les aires qui résultent des filamens croisés, & rendent ces masses plus compactes en leur donnant plus d’étendue. La plûpart des polypes & même tous, suivant Bartholet, peuvent être divisés en plusieurs membranes ; ils sont composés de plusieurs couches, ou lames comme membraneuses, roulées les unes sur les autres à-peu-près comme dans les racines bulbeuses. La structure & la disposition de ces couches, confirmées par l’anatomie que Malpighi fit d’un polype de la grosseur des deux poings, trouvé par Borelli dans l’aorte, ne peuvent dépendre que de la diversité des tems où arrivent ces coagulations ; il se fait d’abord une couche

sur les matieres auxquelles le polype est attaché, ensuite il s’en dépose une autre sur la seconde, & ainsi de suite : c’est ainsi que se forment les calculs biliaires, c’est ainsi qu’étoient formées les coagulations que Malpighi trouva autour d’une aiguille dans l’estomac d’une poule.

Variétés des polypes. La diversité des matieres qui se condensent, & des endroits où se forme le polype, donnent lieu aux variétés qu’on observe dans leur substance, leur dureté, leur couleur, leur attache, leur figure & leur étendue ; les parties lymphatiques sont la base de toutes les concrétions polypeuses ; mais elles peuvent être mélées avec une plus ou moins grande quantité de matieres graisseuses, muqueuses, ou de globules rouges ; de là les polypes, qu’on appelle graisseux, muqueux, ou sanguins ; de là ces dénominations qu’ont employé Vormius, Vesale, Skenkius, Spigel, Riolan, Severin, Ambroise Paré, &c. par lesquelles ils ont prétendu indiquer la nature des concrétions qu’ils ont trouvées dans le cœur. On a cru avoir vû des polypes pierreux, mais de telles observations sont incertaines ; on ne trouve qu’un seul exemple rapporté par Posternius, de polype dont la substance fût friable. Leur consistence varie beaucoup, & augmente à proportion de la quantité de parties lymphatiques qu’ils renferment, & de leur ancienneté, d’où l’on peut tirer un signe assuré pour distinguer s’ils sont vrais ou faux. On appelle faux polype, ceux qui se forment sur la fin des maladies, ou après la mort ; ils sont mollasses, faciles à diviser, peu différens du sang coagulé ; les vrais polypes sont ceux qui se sont formés long-tems avant la mort des malades, & qui ont même occasionné une partie des accidens, & rendu la maladie plus dangereuse ; ils sont plus durs, plus élastiques, plus membraneux. La couleur des polypes sera d’autant plus blanche, qu’il y aura moins de mélange dans la lymphe ; elle tirera sur le rouge ou le noir, le gris ou le jaune, suivant qu’il y aura plus de globules rouges & qu’ils seront plus pressés, & suivant le mélange de la sérosité de la gelée de la bile. Riolan, Bartholin & Malpighi assurent avoir observé que les polypes qui naissent dans le ventricule droit sont ordinairement blancs, semblables au lardon, à la pituite, & qu’ils sont noirâtres dans le ventricule gauche ; ces observations vraies le plus souvent, ne souffrent que des exceptions très-rares.

Les variétés qu’on remarque dans les polypes, relativement à leurs attaches, viennent de ce que les uns sont attachés plus ou moins fortement aux parois du cœur ou des vaisseaux ; d’autres suivant les observations rapportées dans les actes de Berlin, sont flottans, & peuvent changer de place à chaque instant. Parmi ceux qui sont adhérans, il y en a qu’on ne peut séparer que très-difficilement du cœur, telles étoient les concrétions polypeuses dont parle Posternius, qui étoient incorporées aux parois des ventricules, de façon qu’on ne put bien les détacher sans déchirer la substance du cœur ; telles étoient aussi les polypes que Kisternius appelle innés. La plûpart des polypes ont des branches ou des appendices qui s’attachent aux colonnes des ventricules ou à ses valvules ; les membranes forment quelquefois des anneaux, comme l’a observé M. de Senac ; elles se prolongent souvent dans les cavités voisines. On a vû des polypes extrèmement allongés s’étendre du cœur dans les vaisseaux qui s’y abouchent jusques à une distance très-considérable. On en voit d’autres renfermés dans les ventricules & les oreillettes ; mais dans ces cavités leur volume n’est pas moins différent ; il est quelquefois excessif. Vesale dit avoir trouvé dans le cœur deux livres de chair noirâtre. Les différens endroits du cœur où naissent les polypes sont comme autant de moules qui en diversifient les figures à l’in-