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y tomba malade & qu’il y finit ses jours en 1672.

Michel Wiecnoviecki fut élu roi de Pologne en 1669, après l’abdication de Casimir. Jamais roi n’eut plus besoin d’être gouverné ; & en pareil cas ce ne sont pas toujours les plus éclairés & les mieux intentionnés qui gouvernent. Au bout de quelques années il se forma une ligue pour le détrôner. Les Polonois ont pour maxime que tout peuple qui peut faire un roi, peut le défaire. Ainsi ce qu’on appelleroit ailleurs conjuration, ils le nomment l’exercice d’un droit national. Cependant les seigneurs ligués ne pousserent pas plus loin leur projet, par la crainte de l’empereur, & en considération de la misérable santé du roi, qui finit ses jours l’année suivante sans postérité, à l’âge de 35 ans, après quatre ans de troubles & d’agitations. Si le sceptre peut rendre un mortel heureux, c’est seulement celui qui le sait porter. L’incapacité du roi Michel fit son malheur & celui de l’état ; ses yeux se fermerent en 1673 la veille de la victoire de Choczin.

Jean Sobieski, qui remporta cette victoire, fut nommé roi de Pologne l’année suivante, & se montra un des grands guerriers du dernier siecle. C’est à l’article Olesko, lieu de sa naissance, que vous trouverez son caractere. Il mourut à Varsovie dans la 66e année de son âge.

Frédéric Auguste I. électeur de Saxe, devint roi de Pologne au moyen de son abjuration du Luthéranisme, & de l’argent qu’il répandit. Il se ligua en 1700 avec le roi de Danemarck & le czar, contre Charles XII. Il se proposoit par cette ligue d’assujettir la Pologne, en se rendant plus puissant par la conquête de la Livonie ; mais les Polonois le déposerent en 1704, & élurent en sa place Stanislas Lesczinski, palatin de Posnanie, âgé de 26 ans. Les Saxons ayant été battus par ce prince & par le roi de Suede, Auguste se vit obligé de signer un traité de renonciation à la couronne polonoise. La perte de la bataille de Pultowa en 1709, fut le terme des prospérités de Charles XII. Ce revers entraîna la chûte de son parti. Auguste rentra dans la Pologne, & le Czar victorieux l’y suivit pour l’y maintenir. Le roi Stanislas ne pouvant résister à tant de forces réunies, se rendit à Bender auprès du roi de Suede.

Les événemens de la vie du roi Stanislas sont bien remarquables. Son pere Raphaël Lesczinski avoit été grand général de la Pologne, & ne craignit jamais de déplaire à la cour pour servir la république. Grand par lui-même, plus grand encore dans son fils, dont Louis XV. est devenu le gendre ; les Polonois témoins de sa valeur, & charmés de la sagesse & de la douceur de son gouvernement, pendant le court espace qu’avoit duré son regne, l’élurent une seconde fois après la mort d’Auguste (en 1733). Cette élection n’eut pas lieu, par l’opposition de Charles VI. que soutenoient ses armes, & par celles de la Russie. Le fils de l’électeur de Saxe qui avoit épousé une niece de l’empereur, l’emporta de force sur son concurrent ; mais Stanislas conservant toujours de l’aveu de l’Europe le titre de roi, dont il étoit si digne, fut fait duc de Lorraine, & vint rendre heureux de nouveaux sujets qui se souviendront long-tems de lui.

L’Histoire juge les princes sur le bien qu’ils font. Si jamais la Pologne a quelque grand roi sur le trône pour la rétablir, ce sera celui-là seul, comme le dit M. l’abbé Coyer, « qui regardant autour de lui une terre féconde, de beaux fleuves, la mer Baltique & la mer Noire, donnera des vaisseaux, des manufactures, du commerce, des finances & des hommes à ce royaume ; celui qui abolira la puissance tribunitienne, le liberum veto, pour gouverner la nation par la pluralité des suffrages ; celui qui apprendra aux nobles que les serfs qui les nourrissent, issus des Sarmates leurs ancêtres communs, sont des

hommes ; & qui, à l’exemple d’un roi de France plus grand que Clovis & Charlemagne, bannira la servitude, cette peste civile qui tue l’émulation, l’industrie, les arts, les sciences, l’honneur & la prospérité : c’est alors que chaque polonois pourra dire :

» Nam que erit ille mihi semper deus ».

(Le Chevalier de Jaucourt.)

Pologne, sacre des rois de, (Hist. des cérémonies de Pologne.) la Pologne, pour le choix de la scene du couronnement, fait comme la France. Au lieu de sacrer ses rois dans la capitale, elle les mene à grands frais dans une ville moins commode & moins belle, à Cracovie, parce que Ladislas Loketek, au iv. siecle, s’y fit couronner.

Ceux qui aiment les grands spectacles, sans penser à ce qu’ils coûtent aux peuples, seroient frappés de celui-ci. On y voit la magnificence asiatique se mêler au goût de l’Europe. Des esclaves éthiopiens, des orientaux en vêtemens de couleur du ciel, de jeunes polonois en robes de pourpre, une armée qui ne veut que briller ; les voitures, les hommes & les chevaux disputant de richesses, l’or effacé par les pierreries : c’est au milieu de ce cortege que le roi élu paroît sur un cheval magnifiquement harnaché.

La Pologne, dans l’inauguration de ses rois, leur présente le trône & le tombeau. On commence par les funérailles du dernier roi, dont le corps reste en dépôt jusqu’à ce jour ; mais comme cette pompe funébre ressemble en beaucoup de choses à celle des autres rois, je n’en citerai qu’une singularité. Aussitôt que le corps est posé sur le catafalque dans la cathédrale, un hérault à cheval, armé de pié en cap, entre par la grande porte, court à toute bride, & rompt un sceptre contre le catafalque. Cinq autres courant de même, brisent l’un la couronne, l’autre le globe, le quatrieme un cimeterre, le cinquieme un javelot, le sixieme une lance, le tout au bruit du canon, des trompettes & des tymbales.

Les reines de Pologne ont un intérêt particulier au couronnement. Sans cette solemnité, la république, dans leur vuidité, ne leur doit point d’apanage, (cet apanage ou douaire est de deux mille ducats assignés sur les salines & sur les starosties de Spiz & de Grodeck), & même elle cesse de les traiter de reines. Il s’est pourtant trouvé deux reines qui ont sacrifié tous ces avantages à leur religion, l’épouse d’Alexandre au xvj. siecle, & celle d’Auguste II. au xvij. siecle : la premiere professoit la religion greque, la seconde le luthéranisme qu’Auguste venoit d’abjurer ; ni l’une ni l’autre ne furent couronnées.

La pompe finit par un usage assez singulier. Un évêque de Cracovie assassiné par son roi dans l’onzieme siecle, étant à son tribunal, c’est-à-dire dans la chapelle où son sang fut versé, cite le nouveau roi comme s’il étoit coupable de ce forfait. Le roi s’y rend à pié, & répond comme ses prédécesseurs « que ce crime est atroce, qu’il en est innocent, qu’il le déteste, & en demande pardon en implorant la protection du saint martyr sur lui & sur le royaume ». Il seroit à souhaiter que dans tous les états, on conservât ainsi les monumens des crimes des rois. La flatterie ne leur trouve que des vertus.

Ensuite le roi, suivi du sénat & des grands officiers tous à cheval, se rend à la place publique. Là sur un théâtre élevé, couvert des plus riches tapis de l’Orient, il reçoit le serment de fidélité des magistrats de Cracovie, dont il ennoblit quelques-uns. C’est la seule occasion où un roi de Pologne puisse faire des nobles. La noblesse ne doit se donner que dans une diete après dix ans au-moins de service militaire. Histoire de Sobieski, par M. l’abbé Coyer. (D. J.)

POLOGRAPHIE, s. f. (Gramm.) description as-