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toute la protection du roi : on lui fit seulement grace du bourreau ; il passa par les armes.

Pour connoître le sénat qui est l’ame de la diete, il faut jetter les yeux sur les évêques, les palatins, & les castellans. Ces deux dernieres dignités ne sont pas aussi connues que l’épiscopat : un palatin est le chef de la noblesse dans son palatinat. Il préside à ses assemblées ; il la mene au champ électoral pour faire ses rois, & à la guerre lorsqu’on assemble la pospolite ou l’arriere-ban. Il a aussi le droit de fixer le prix des denrées, & de regler les poids & mesures ; c’est un gouvernement de province. Un castellan jouit des mêmes prérogatives dans son district, qui fait toujours partie d’un palatinat, & il représente le palatin dans son absence. Les castellans autrefois étoient gouverneurs des châteaux forts, & des villes royales. Ces gouvernemens ont passé aux starostes qui exercent aussi la justice par eux-mêmes, ou par ceux qu’ils commettent. Une bonne institution, c’est un registre dont ils sont dépositaires : tous les biens du district libres ou engagés, y sont consignés : quiconque veut acquérir, achete en toute sûreté.

On ne voit qu’un staroste dans le sénat, celui de Samogitie ; mais on y compte deux archevêques, quinze évêques, trente-trois palatins, & quatre-vingt-cinq castellans ; en tout cent trente-six sénateurs.

Les ministres ont place au sénat sans être sénateurs ; ils sont au nombre de dix, en se répétant dans l’union des deux états.

Le grand maréchal de la couronne.

Le grand maréchal de Lithuanie.

Le grand chancelier de la couronne.

Le grand chancelier de Lithuanie.

Le vice-chancelier de la couronne.

Le vice-chancelier de Lithuanie.

Le grand trésorier de la couronne.

Le grand trésorier de Lithuanie.

Le maréchal de la cour de Pologne.

Le maréchal de la cour de Lithuanie.

Le grand maréchal est le troisieme personnage de la Pologne. Il ne voit que le primat & le roi au-dessus de lui. Maître du palais, c’est de lui que les ambassadeurs prennent jour pour les audiences. Son pouvoir est presque illimité à la cour, & à trois lieues de circonférence. Il y veille à la sureté du roi, & au maintien de l’ordre. Il y connoît de tous les crimes, & il juge sans appel. La nation seule peut réformer ses jugemens. C’est lui encore qui convoque le sénat, & qui reprime ceux qui voudroient le troubler. Il a toujours des troupes à ses ordres.

Le maréchal de la cour n’a aucun exercice de jurisdiction que dans l’absence du grand maréchal.

Le grand chancelier tient les grands sceaux ; le vice-chancelier les petits. L’un des deux est évêque, pour connoître des affaires ecclésiastiques. L’un ou l’autre doit répondre au nom du roi en polonois ou en latin, selon l’occasion. C’est une chose singuliere que la langue des Romains, qui ne pénétrerent jamais en Pologne, se parle aujourd’hui communément dans cet état. Tout y parle latin jusqu’aux domestiques.

Le grand trésorier est dépositaire des finances de la république. Cet argent, que les Romains appelloient le trésor du peule, ærarium populi, la Pologne se garde bien de le laisser à la direction des rois. C’est la nation assemblée, ou du moins un sénatus-consulte qui décide de l’emploi ; & le grand trésorier ne doit compte qu’à la nation.

Tous ces ministres ne ressemblent point à ceux des autres cours. Le roi les crée ; mais la république seule peut les détruire. Cependant, comme ils tiennent au trône, la source des graces, & qu’ils sont hommes, la république n’a pas voulu leur accorder voix délibérative dans le sénat.

On donne aux sénateurs le titre d’excellence, & ils prétendent à celui de monseigneur, que les valets, les serfs, & la pauvre noblesse leur prodiguent.

Le chef du sénat est l’archevêque de Gnesne, qu’on nomme plus communément le primat, & dont nous ferons un article à part : c’est assez de dire en passant qu’il est aussi chef de l’église, dignité éminente qui donne à ce ministre de l’humble christianisme tout le faste du trône, & quelquefois toute sa puissance.

Le sénat hors de la diete, remue les ressorts du gouvernement sous les yeux du roi : mais le roi ne peut violenter les suffrages. La liberté se montre jusque dans les formes extérieures. Les sénateurs ont le fauteuil, & on les voit se couvrir dès que le roi se couvre. Cependant le sénat hors de la diete, ne décide que provisionnellement. Dans la diete, il devient législateur conjointement avec le roi & la chambre des nonces.

Cette chambre ressembleroit à celle des communes en Angleterre, si, au lieu de ne représenter que la noblesse, elle représentoit le peuple. On voit à sa tête un officier d’un grand poids, mais dont l’office n’est que passager. Il a ordinairement beaucoup d’influence dans les avis de la chambre. C’est lui qui les porte au sénat, & qui rapporte ceux des sénateurs. On le nomme maréchal de la diete, ou maréchal des nonces. Il est à Varsovie ce qu’étoit le tribun du peuple à Rome ; & comme le patricien à Rome ne pouvoit pas être tribun, celui qui étoit est le tribun des tribuns doit être pris dans l’ordre équestre, & non dans le sénat.

Lorsque la diete est assemblée, tout est ouvert, parce que c’est le bien public dont on y traite. Ceux qui n’y portent que de la curiosité sont frappés de la grandeur du spectacle. Le roi sur un trône élevé, dont les marches sont décorées des grands officiers de la cour ; le primat disputant presque toujours de splendeur avec le roi ; les sénateurs formant deux lignes augustes ; les ministres en face du roi, les nonces en plus grand nombre que les sénateurs, répandus autour d’eux, & se tenant de bout : les ambassadeurs & le nonce du pape y ont aussi des places marquées, sauf à la diete à les faire retirer, lorsqu’elle le juge à-propos.

Le premier acte de la diete, c’est toujours la lecture des pacta conventa qui renferment les obligations que le roi a contractées avec son peuple ; & s’il y a manqué, chaque membre de l’assemblée a droit d’en demander l’observation.

Les autres séances pendant six semaines, durée ordinaire de la diete, amenent tous les intérêts de la nation ; la nomination aux dignités vacantes, la disposition des biens royaux en faveur des militaires qui ont servi avec distinction, les comptes du grand trésorier, la diminution ou l’augmentation des impôts selon la conjoncture, les négociations dont les ambassadeurs de la république ont été chargés, & la maniere dont ils s’en sont acquittés, les alliances à rompre ou à former, la paix ou la guerre, l’abrogation ou la sanction d’une loi, l’affermissement de la liberté, enfin tout l’ordre public.

Les cinq derniers jours qu’on appelle les grands jours, sont destinés à réunir les suffrages. Une décision pour avoir force de loi, doit être approuvée par les trois ordres d’un consentement unanime. L’opposition d’un seul nonce arrête tout.

Ce privilege des nonces est une preuve frappante des révolutions de l’esprit humain. Il n’existoit pas en 1652, lorsque Sicinski, nonce d’Upita, en fit le premier usage. Chargé de malédictions, il échappa avec peine aux coups de sabre ; & ce même privilege contre lequel tout le monde s’éleva pour lors, est aujourd’hui ce qu’il y a de plus sacré dans la république. Un moyen sûr d’être mis en pieces, seroit d’en proposer l’abolition.