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connoissance assez exacte des ministres à qui l’exécution des lois fut confiée.

Moïse, sur les avis de Jéthro son beau-pere, reconnoissant, malgré l’étendue de ses lumieres & sa capacité, son insuffisance pour l’exercice entier de la police, confia une partie de son autorité à un certain nombre d’hommes craignant Dieu, ennemis du mensonge & de l’avarice ; partagea le peuple en tribus de 1000 familles chacune, chaque tribu en départemens de 100 familles, chaque département en quartiers de 50, & chaque quartier en portions de 10 ; & créa un officier intendant d’une tribu entiere, avec d’autres employés subalternes pour les départemens & leurs divisions. Cet intendant s’appella sara alaphem, ou préfet, ou intendant de tribu ; ses subalternes, sara meot, préfet de 100 familles ; sara hhanilschein, préfet de 50 familles ; sara hazatoth, préfet de 10 familles.

Il forma de plus un conseil de soixante-dix personnes, appellées, de leur âge & de leur autorité, zekemni, seniores & magistri populi. Ce conseil étoit nommé le sanhedrin. Le grand-prêtre y présidoit. On y connoissoit de toutes les matieres de religion. Il veilloit à l’observation des lois. Il jugeoit seul des crimes capitaux ; & on y portoit appel des jurisdictions inférieures.

Au-dessous du sanhedrin, il y avoit deux autres conseils où les matieres civiles & criminelles étoient portées en premiere instance : ces tribunaux subalternes étoient composés chacun de sept juges entre lesquels il y avoit toujours deux lévites.

Tel fut le gouvernement & la police du peuple dans le desert : mais lorsque les Hébreux furent fixés, l’état des sare changea ; ils ne veillerent plus sur des familles, mais sur des quartiers ou portions de ville, & s’appellerent sare pelakim, le kireiah.

Jérusalem qui servit de modele à toutes les autres villes de la Judée, fut distribuée en quatre régions appellées pelek bethacaram, ou le quartier de la maison de la vigne ; pelek bethsur, le quartier de la maison de force ; pelek malpha, le quartier de la guérite ; pelek ceila, le quartier de la division. Il y eut pour chaque quartier deux officiers chargés du soin de la police & du bien public ; l’un supérieur qui avoit l’intendance de tout le quartier, on l’appelloit sare pelek, préfet du quartier. Le sarahhtsi pelek, l’officier subalterne, n’avoit inspection que sur une portion du quartier. C’étoit à-peu-près comme le commissaire ancien & les nouveaux commissaires parmi nous ; & leurs fonctions étoient, à ce qu’il paroît, entierement les mêmes. Voilà en général ce qui concerne la police & le gouvernement des Hébreux.

Police des Grecs dans Athènes. Ce fut aussi chez les Grecs la maxime de partager l’autorité de la magistrature entre plusieurs personnes. Les Athéniens formoient un sénat annuel de cinq cens de leurs principaux citoyens. Chacun présidoit à son tour, & les autres membres de cette assemblée servoient de conseil au président.

Ces cinq cens juges se distribuoient en dix classes qu’on appelloit prytanes ; & l’année étant lunaire & se partageant aussi chez eux en dix parties, chaque prytane gouvernoit & faisoit la police pendant 35 jours ; les quatre jours restans étoient distribués entre les quatre premiers prytanes qui avoient commencé l’année.

Entre les cinquante juges qui étoient de mois, on en élisoit dix toutes les semaines qu’on nommoit présidens, proeres ; & entre ces dix on en tiroit sept au sort, qui partageoient entr’eux les jours de la semaine ; celui qui étoit de jour s’appelloit l’archai. Voilà pour la police de la ville.

Voici pour l’administration de la république. Entre les dix prytanes ils en prenoient une pour ces fonc-

tions. Les neuf autres leur fournissoient chacune un

magistrat, qu’on appelloit archonte. De ces neuf archontes, trois étoient employés à rendre au peuple la justice pendant le mois : l’un avoit en partage les affaires ordinaires & civiles, avec la police de la ville ; on le nommoit poliarque, préfet ou gouverneur de la ville : l’autre, les affaires de religion, & s’appelloit basileus, le roi : le troisieme, les affaires étrangeres & militaires, d’où il tiroit le nom de polemarque ou commandant des armées. Les six autres archontes formoient les conseils du poliarque, du roi & du polemarque. Ils examinoient en corps les nouvelles lois, & ils en faisoient au peuple le rapport ; ce qui les fit nommer du nom générique de thesmotetes.

Tous ces officiers étoient amovibles & annuels. Mais il y avoit un tribunal toujours composé des mêmes personnes, c’étoit l’aréopage. C’étoit une assemblée formée de citoyens qui avoient passé par l’une des trois grandes magistratures, & toutes les autres jurisdictions leur étoient subordonnées. Mais ce n’étoient pas là les seuls officiers ni du gouvernement ni de la police ; les Grecs avoient conçu qu’il n’étoit guere possible d’obvier aux inconvéniens qu’à force de subdivisions ; aussi avoient-ils leurs dœsismates ou exploratores, leurs panepiscopes ou inspectores omnium rerum, leurs chorepiscopes ou inspectores regionum urbis. Les Lacédémoniens comprenoient tous ces officiers sous le nom commun de nomophulaques, dépositaires & gardiens de l’exécution des lois.

Les autres villes de la Grece étoient pareillement divisées en quartiers, les petites en deux, les moyennes en trois, & les grandes en quatre. On appelloit les premieres dipolis, les secondes tripolis, & les troisiemes tetrapolis. Dans Athènes, chaque quartier avoit son sophroniste, & dans Lacédémone, son armosin, ou inspecteur de la religion & des mœurs ; un gunaiconome, ou inspecteur de la décence & des habits des femmes ; un opsinome, ou inspecteur des festins ; un astunome, ou inspecteur de la tranquillité & commodité publique ; un agoranome, ou inspecteur des vivres, marchés & commerce ; un métronome, ou inspecteur des poids & mesures. Tels furent les officiers & l’ordre de la police des Grecs.

Les Romains eurent la leur, mais qui ne fut pas toujours la même : voyons ce qu’elle fut sous les rois & ce qu’elle devint sous les consuls & les empereurs. Les Romains renfermés dans une petite ville qui n’avoit que mille maisons & douze cens pas de circuit, n’avoient pas besoin d’un grand nombre d’officiers de police ; leur fondateur suffisoit, & dans son absence un vice-gérent, qu’il nommoit sous le titre de préfet, præfectus urbis.

Il n’y avoit que les matieres criminelles qui fussent exceptées de la jurisdiction du souverain ou du prefet de la ville ; les rois qui se réserverent la distribution des graces, renvoyoient au peuple la punition des crimes ; alors le peuple s’assembloit ou nommoit des rapporteurs.

Il n’y avoit encore d’autre juge de police que le souverain & son préfet, car le sénateur n’étoit qu’un citoyen du premier des trois ordres, dans lesquels Romulus avoit divisé le peuple romain ; mais la ville s’agrandissant, & le peuple devenant nombreux, on ne tarda pas à sentir la nécessité d’en créer d’autres. On institua donc deux officiers pour la recherche des crimes, sous le nom de quæsteurs ; voilà tout ce qui se fit sous les rois, soit jalousie de leur part, soit peu de besoin d’un plus grand partage de l’autorité.

Tarquin fut chassé & on lui substitua deux consuls. Les consuls tinrent la place du souverain, & créerent, à son exemple, un préfet de la ville, en cas d’absence. Les choses demeurerent cent seize ans dans cet état ; mais le peuple las de ne donner aucun magistrat à