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avec ses deux autres freres, & leur rançon coûta huit cens mille besans.

Saint Louis délivré de captivité, revint dans sa patrie, pour former une croisade nouvelle. Pendant son séjour en France il augmenta ses domaines de l’acquisition de Namur, de Péronne, d’Avranches, de Mortagne, du Perche. Il pouvoit ôter aux rois d’Angleterre tout ce qu’ils possédoient dans ce royaume, les querelles d’Henri III. & de ses barons lui en facilitoient les moyens ; mais il préféra la justice à l’usurpation. Il les laissa jouir de la Guienne, du Périgord, du Limousin, & se contenta de les faire renoncer pour jamais à la Touraine, au Poitou, & à la Normandie, réunis à la couronne par Philippe-Auguste ; ainsi la paix fut affermie.

Il établit le premier la justice de ressort ; & les sujets opprimés par les sentences arbitraires des juges des baronnies commencerent à pouvoir porter leurs plaintes à quatre grands bailliages royaux, créés pour les écouter. Sous lui des lettrés commencerent à être admis aux séances des parlemens, dans lesquels des chevaliers, qui rarement savoient lire, décidoient de la fortune des citoyens. Il joignit à la piété d’un religieux la fermeté éclairée d’un roi, en réprimant les entreprises de la cour de Rome, par cette fameuse pragmatique, qui conserve les anciens droits de l’Eglise, nommés libertés de l’église gallicane.

Treize ans de sa présence réparoient en France tout ce que son absence avoit ruiné, lorsque sa passion pour les croisades l’entraîna. Il partit une seconde fois, non du côté de la Palestine ni du côté de l’Egypte, mais il fit cingler sa flotte vers Tunis, où il fut bien-tôt assiégé lui-même par les Maures. Les maladies que l’intempérance de ses sujets transplantés, & le changement de climats, avoient attirées dans son camp en Egypte, désolerent son camp de Carthage. Un de ses fils, né à Damiette pendant la captivité, mourut de cette espece de contagion devant Tunis. Enfin le roi en fut attaqué ; il se fit étendre sur la cendre, & expira le 25 Août 1270, à l’âge de cinquante-six ans, avec la piété d’un religieux, & le courage d’un grand homme. Ce n’est pas un des moindres exemples des jeux de la fortune, que les ruines de Carthage aient vû mourir un roi chrétien qui venoit combattre des Musulmans, dans un lieu où Didon avoit apporté les dieux des Syriens.

Joinville, Mrs de la Chaise & de Choisi, ont écrit la vie de saint Louis, car Boniface VIII. canonisa ce prince à Orviete le 11 Août 1297. Il le méritoit par sa foi, qui étoit si grande, dit M. Bossuet, qu’on auroit cru qu’il voyoit plutôt les mysteres divins qu’il ne les croyoit.

Je ne connois qu’un homme de lettres né à Poissy, c’est Mercier (Nicolas), qui mourut à Paris en 1656. On a de lui un manuel des Grammairiens imprimé plusieurs fois, & un traité latin de l’Epigramme, ouvrage estimé, dont Baillet a eu tort de faire honneur a M. le Venier, puisque celui-ci a comblé l’auteur d’éloges, & que Mercier, qui étoit très en état de composer un pareil ouvrage, étoit incapable de s’en attribuer un qui ne fût pas de lui. (D. J.)

POITIERS, (Géog. mod.) ville de France, capitale du Poitou, sur une colline, à la rive gauche de la petite riviere de Clain, à 20 lieues au sud-ouest de Tours, 45 sud-ouest d’Orléans, 48 nord-est de Bordeaux, 74 sud-ouest de Paris. Long. suivant Cassini, 17. 46. 30. lat. 46. 34.

On compte dans Poitiers outre la cathédrale, 4 chapitres, 22 paroisses, 9 couvents d’hommes, 12 de filles, 2 séminaires.

L’évêque établi vers l’an 260, est suffragant de Bordeaux ; cet évêché vaut plus de 40000 livres de

revenu. L’université de Poitiers fut fondée en 1431 par Charles VII ; elle a les quatre facultés, dont aucune n’est brillante. Il y a outre cela, intendance, bureau des finances, présidial, élection, maréchaussée, hôtel des monnoies ; mais il n’y a presque aucun commerce, & cette ville malgré son enceinte considérable, est une des plus desertes & des plus ruinées du royaume.

Les restes de murailles, les souterreins qu’on trouve au vieux Poitiers, sont une preuve qu’il y a existé anciennement un château fortifié ; sa situation entre les rivieres de Vienne & du Clain, & près de leur confluent, étoit fort avantageuse pour une place de défense ; mais ses ruines & la dénomination du lieu, ne prouvent point que ce soit l’emplacement de l’ancienne capitale des peuples Pictavi.

La ville de Poitiers a été décorée par des ouvrages des Romains, d’un amphithéatre, & d’un magnifique aqueduc, dont on voit encore les vestiges ; on ne découvre au vieux Poitiers aucun monument de la grandeur romaine.

La ville de Poitiers étoit au quatrieme siecle, le siége de l’évêque, la capitale du peuple, & une des plus célebres de l’Aquitaine ; enfin, il est demontré qu’elle est l’ancienne Limonum ou Limonum Pictavorum, ville considérable au second siecle du tems de Ptolomée, & place importante lors de la conquête des Gaules. Il est donc constant que Poitiers n’est point une ville nouvelle, & que depuis le siecle de Jules-César, elle a toujours existé dans la situation, je ne dis pas dans le triste état, où elle est présentement.

L’histoire moderne a rendu son nom célebre, par la bataille qui fut donnée dans son territoire le lundi 19 Septembre 1356, entre le roi Jean & Edouard, prince de Galles, que le gain de la bataille de Crecy avoit déja rendu fameux. Ce prince surpris à deux lieues de Poitiers dans des vignes, dont il ne pouvoit se sauver, demanda la paix au roi Jean, offrant de rendre tout ce qu’il avoit pris en France, & une trêve de sept ans. Le roi Jean refusa toutes ces conditions, attaqua huit mille hommes avec quatre-vingt mille ; fut vaincu, fait prisonnier, conduit à Bordeaux, & l’année suivante en Angleterre.

Poitiers a produit quelques hommes de lettres, que je me hâte de nommer, & je souhaite que ce ne soient pas les derniers. S. Hilaire y est né dans le quatrieme siecle ; mais j’ai parlé de ce celebre docteur de l’Eglise à l’article Peres de l’Eglise.

Aubert (Guillaume) naquit dans cette ville vers l’an 1534. Il paroît par ses ouvrages, qu’il avoit cultivé les belles lettres & la poésie, conjointement avec le droit ; vous trouverez son article dans les Mém. du P. Niceron, tom. XXXV.

Berenger (Pierre) disciple d’Abailard, fit l’apologie de son maître, contre saint Bernard. Elle se trouve dans les œuvres d’Abailard, & ne demande pas ici de plus grands détails.

Billettes (Gilles Filleau des) né en 1634, possédoit le détail des Arts, & fut aggrégé par cette raison à l’académie des Sciences, il mourut en 1720, âgé de quatre-vingt-six ans.

Bois (Philippe Goibaut du) de l’académie Françoise, naquit l’an 1626, devint gouverneur du duc de Guise, & mourut en 1694. Il a traduit plusieurs ouvrages de S. Augustin, & quelques-uns de Ciceron. La monotonie du style & l’empreinte du travail sont visibles dans ses écrits ; peut-être que la belle élocution de Ciceron l’ayant souvent désespéré, & celle de S. Augustin l’ayant dégouté plus souvent encore, il s’est cru permis de leur prêter à l’un & à l’autre son style personnel qui est toujours uniforme, quoique le langage de l’orateur de Rome & du rhéteur de Tagaste, soient si différens l’un de l’autre.