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niment gras dont j’ai parlé étoit nécessaire aux poils ; s’ils se sechent, ils se fendent & meurent, ce qui s’observe fréquemment dans les cochons. Mais qu’arrive-t-il dans cette autre maladie nommée plica ? Il se fait une si grande secrétion aux bulbes des cheveux, qu’ils deviennent d’une longueur demesurée, longs de quatre aunes quelquefois ; & se fendant faute de nourriture, ils laissent passer le sang : preuve certaine qu’il se fait une succession continuelle d’une très-grande partie de la moëlle qu’ils reçoivent du bulbe. L’accroissement naturel des cheveux vient de cette moëlle qui pousse sans cesse & monte par la structure vasculeuse de la moëlle, comme il arrive ordinairement dans les plantes, & prend elle-même un accroissement continuel de celui de l’épiderme, de son enveloppe extérieure. L’augmentation de la résistance fait que les poils se resserrent insensiblement en pointe conique : ces figures qu’on nous donne de poils branchus ou à nœuds, sont des fautes des observateurs, ou des effets de maladies ; à moins que ces nœuds ne soient peut-être dans quelques animaux. Les crins dont certains auteurs font mention, ne paroissent pas plus vraissemblables. La couleur des cheveux vient de celle de la moëlle qui les nourrit ; leur écorce est de la même couleur que l’épiderme. Lorsqu’on vient au monde, les cheveux sont blonds, & blanchissent dans la vieillesse, avec une transparence, effet du desséchement. Dans les lievres, les ours & les renards des Alpes & du Nord, on voit assez communément les poils devenir blancs peu-à-peu en hiver, & reprendre en été leur premiere couleur. Le cheveu au reste devient peu-à-peu de blanc jaune, brun, cendré, noir, à-moins que ces gradations ordinaires ne soient interrompues & troublées par des accidens subits, comme la terreur, qui fit blanchir les cheveux dans une seule nuit, suivant Boyle & Borelli.

La tête transpire bien autrement que les autres parties, à cause de la grande quantité des follicules. Comme les poils retiennent la matiere de la transpiration, ils forment une chaleur humide fort amie des poux qui s’y amassent, quand on néglige de se peigner. Les poils transpirent-ils eux-mêmes ? Telle est la conjecture de Kaaw. Porrius tâche de le démontrer, mais la nature même de la chose suffit pour nous en convaincre. Si le suc médullaire qui parcourt toute l’étendue du poil, depuis sa racine jusqu’à son extrémité ne s’exhaloit pas, que deviendroit-il ? Cela n’est-il pas prouvé par les places vuides des poils, que Malpighi a vûs pleins d’air ? On a vû dans les poils mêmes, non-seulement des animaux chauds, tels que les chats, mais dans ceux de la tête de l’homme ; on a vû, dis-je, sortir des étincelles d’une lueur transparente ; phénomene singulier observé par nombre d’auteurs, & dont la cause n’est pas encore connue. On connoît cette maladie nommée athézême ; elle a son siége dans les ampoules des poils, ou huileuses, ou sébacées, qui ne décharge point leurs sucs, parce que leurs orifices sont bouchés ; & comme il en vient toujours de nouveaux par les artères, elles se gonflent d’une façon énorme. Dans la phrénésie, dans les maux de tête ; en un mot, si on sent trop de chaleur, il est utile de se faire raser les cheveux ; il faut s’en donner garde à ce qu’on dit dans la plica, parce que la liqueur qui se consumoit en cette moëlle superflue de cheveux, croupit, rentre, & va attaquer les yeux & autres parties nobles, & les os mêmes. Et cette théorie est fondée, ajoute-t-on, sur l’expérience. Un auteur parle d’un moine aveugle qui se guérit en se faisant faire la barbe, sans la laisser jamais croître, suivant sa coutume. Est-il bien vrai que les poils soient entre chaque partie, comme autant de piquets faits pour les tenir séparées & ne pas troubler leurs fonctions ? Je crois plutôt qu’il n’y a aucuns poils, où le

tact est très-fin, où l’on sue souvent, & où par conséquent l’arrangement des papilles & des vaisseaux cutanés est fort nécessaire. L’homme a-t-il eu des poils, pour se couvrir comme les bêtes, quand la société lui refusoit d’autre habit ? je le crois au pubis comme à l’anus, cette intention de la nature me paroît évidente. Spigel a observé autrefois, que le dos des brutes & la poitrine de l’homme sont couverts de poils ; chacun pour se garantir des injures de la pluie & des vents qui agissent toujours plus sur la poitrine de l’homme que sur le dos.

Poil, (Anat.) les poils contre nature, qu’on trouve quelquefois en différens endroits du corps dans les parties intérieures de l’homme, ne se nourrissent point comme les poils de la peau ; ils n’ont point de racines ; ils ne sont point adhérens aux parties ; ils y sont simplement collés, & on les en détache facilement. Enfin, on les trouve dans des parties grasses, ou confusément mêlés avec une matiere onctueuse. Ainsi l’origine de ces poils pourroit bien être une matiere grasse & onctueuse, qui ayant séjourné dans des follicules, s’épaissit au point nécessaire pour faire des brins velus ou soyeux, lorsque cette matiere a été filée par des trous excréteurs, ou par des pores. (D. J.)

Poil, (Science microscop.) Malpighi a trouvé que les poils des animaux étoient composés d’un grand nombre de tubes extremement petits ; c’est en examinant la criniere & la queue d’un cheval, & les soies d’un verrat, qu’il a fait cette découverte. On distingue fort aisément ces tubes vers le bout des poils où ils paroissent plus ouverts, & il en a quelquefois compté plus de vingt. Dans les pointes des hérissons qui sont de la nature des poils, il apperçut ces tubes fort clairement, & il y vit des valvules & & des cellules médullaires.

Il y a aussi dans les poils de plusieurs animaux, des lignes, qui dans les uns sont transversales, dans les autres spirales, & de couleur noirâtre. Les poils d’un rat sont de cette espece, ils paroissent comme s’ils avoient des articulations semblables à celles de l’épine du dos ; ils ne sont pas unis, mais dentelés par les côtés, & terminés par une pointe d’une finesse inconcevable. Les poils du ventre sont moins opaques & plus propres au microscope.

Les poils des hommes, des chevaux, des brebis, des cochons, &c. sont composés de fibres creusées en tubes, longues & minces, ou de plus petits poils entourés d’une écorce ; par ce moyen un poil fendu paroît semblable à un bâton qui s’est rompu en frappant ; ils ont des racines de différentes figures en différens animaux ; ils s’alongent par impulsion, & sont plus épais au milieu qu’aux deux bouts.

Les poils des cerfs indiens sont percés de part en part ; ceux des cerfs d’Angleterre paroissent couverts d’une écorce écailleuse. Les moustaches des chats, coupées en travers, ont quelque chose au milieu qui ressemble à la moëlle du sureau. Les pointes du porc-épic ou du hérisson, ont aussi une moëlle blanchâtre & étoilée ; & le poil de l’homme coupé de la même maniere, présente une grande variété de vaisseaux qui ont des figures fort régulieres.

Les poils tirés de la tête, des sourcils, des narines, de la main, & des autres parties du corps paroissent différens, tant dans les racines que dans les poils même, & varient comme les différentes especes d’un même genre de plante. (D. J.)

Poil des insectes, (Scienc. microscop.) on trouve plusieurs especes d’insectes qui sont revêtus de poils ; quelquefois très-visibles, & quelquefois si fins qu’on ne peut les voir qu’à l’aide d’une bonne loupe. Les insectes n’ont pas de poils dans toutes les parties de leurs corps. Quelques-uns en ont à la tête, où ils font l’effet que les barbes font aux plumes ;