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nissent & acquierent par-là une pesanteur spécifique beaucoup plus grande qui les fait retomber. 5°. Il y a certaines exhalaisons qui sont de telle nature, que lorsqu’elles viennent à se rencontrer, elles fermentent ensemble, d’où il arrive que quelques-unes se précipitent. 6°. Il pleut, lorsque les exhalaisons sont poussées en-bas par des vents, en même tems que l’air dans lequel elles étoient suspendues. 7°. Lorsque les vents soufflent dans une direction horisontale, & qu’ils chassent l’air de l’endroit au-dessus duquel les vapeurs sont suspendues ; car alors il faut que la partie supérieure de l’atmosphere tombe par son poids avec tout ce qui s’y trouve, & qu’elle remplisse la place inférieure que l’air vient de quitter. 8°. Lorsque le soleil se leve, il darde sur notre globe ses rayons, qui rencontrent les exhalaisons suspendues dans l’air, & les déterminent à tomber vers la terre ; & comme ces rayons raréfient l’air par leur chaleur, & le rendent par conséquent beaucoup plus léger que les exhalaisons, il faut que le poids de celles-ci l’emporte, & qu’elles se précipitent en traversant l’air. 9°. Enfin, quand il s’éleve dans l’atmosphere plus de vapeurs que l’air n’en peut soutenir, tout ce qu’il y a de superflu retombe aussi-tôt qu’il a perdu le premier mouvement, à l’aide duquel il s’étoit élevé.

Le vent doit tenir le principal rang entre les causes de la pluie ; pour le prouver, aux observations précédentes, ajoutons celles-ci. 1°. Lorsque le vent souffle en-bas & qu’il rencontre en même tems une nuée, il faut qu’il la comprime, qu’il la condense, qu’il la pousse vers la terre, qu’il force ses parties à se réunir, & par conséquent qu’il la change en pluie. 2°. Lorsque le vent rencontrant quelques-nuées de vapeurs qui viennent de la mer, & qui sont suspendues au-dessus, les chasse vers la terre & les pousse contre les hauteurs, les montagnes ou les bois, il les condense & les réduit en pluie. C’est pour cela que les pays de montagnes sont beaucoup plus sujets à la pluie que les pays plats, où les nuées roulent avec bien plus de liberté. 3°. De même que les montagnes rompent les nuées, deux vents qui ont une direction contraire, les poussent aussi les unes contre les autres, & les compriment. 4°. Comme il se forme beaucoup de nuées des vapeurs de la mer, les vents qui viennent de la mer vers notre continent, sont ordinairement accompagnés de pluie ; au lieu que les autres vents qui soufflent sur la terre ferme, n’emportent avec eux que peu de nuées, & ne sont par conséquent pas pluvieux.

La pluie n’est pas une eau pure, mais elle est imprégnée de sels, d’esprits, d’huile, de terre, de métaux, &c. parmi lesquels il se trouve une grande différence, suivant la nature du terrein, d’où partent les exhalaisons, & suivant les saisons ; c’est pour cela que la pluie du printems est bien plus propre à exciter des fermentations, que celle qui tombe en d’autres tems. La pluie qui tombe après une longue & grande sécheresse est beaucoup moins pure, que celle qui suit d’après une autre pluie. M. Boerhaawe a remarqué, que la pluie qui tombe, lorsqu’il fait fort chaud, & beaucoup de vent, est la plus sale & la plus remplie d’ordures, sur-tout dans les villes & dans les lieux bas & puans. Il flotte aussi dans l’air des semences de très-petites plantes, & de petits œufs d’un nombre infini d’insectes qui tombent de l’air à terre en même tems que les pluies. De-là vient qu’on voit croître dans cette eau, non-seulement des plantes vertes, mais qu’on y découvre aussi un nombre prodigieux de petits animaux & de vers, qui la font comme fermenter, & lui communiquent une mauvaise odeur par leur corruption. Puisque la pluie se trouve mêlée avec un si grand nombre de corps étrangers, il n’est pas difficile de comprendre, pour-

quoi l’eau de pluie conservée dans une bouteille bien

fermée, se change bientôt en de petits nuages blanchâtres, qui augmentent insensiblement, qui s’épaississent, & se changent enfin en une humeur visqueuse qui tombe au fond.

Il est rare que les gouttes de pluie aient plus d’un quart de pouce de diametre. On prétend qu’en Afrique, dans la Nigritie, il tombe des gouttes d’eau de la grosseur d’un pouce, & même que dans le Méxique les ondées sont si terribles, que les hommes sont quelquefois écrasés par leur chûte ; mais ces relations sont un peu suspectes.

Les gouttes de pluie tombent quelquefois fort proche les unes des autres, & d’autres fois à une plus grande distance, cela pourroit venir de la densité de la nuée. Lorsqu’une nuée n’est pas dense, & que ses parties se réunissent en gouttes, il faut qu’il y ait un certain espace dans lequel ces parties puissent former une goutte, & alors elles doivent être éloignées les unes des autres en tombant. Si au contraire la nuée est épaisse, il peut tomber beaucoup de parties supérieures immédiatement sur les inférieures, les gouttes se forment beaucoup plus vîte, & sont plus voisines. On peut examiner à cette occasion, pourquoi les gouttes de pluie sont plus grosses en été, mais plus éloignées les unes des autres, & pourquoi elles sont plus petites en hiver, mais moins éloignées. Il est certain, que l’air est plus rarefié en été, & qu’il résiste moins aux corps qui se meuvent à-travers. Les gouttes de pluie peuvent donc être plus grosses, puisqu’elles souffrent moins de résistance dans leur chûte ; mais en hiver, l’air est plus dense, il fait plus de résistance, & désunit par conséquent plutôt les gouttes d’eau.

Lorsque dans le vuide, on laisse tomber une goutte d’eau de la hauteur de quinze piés sur un morceau de papier ou sur une feuille d’arbre, elle fait un grand bruit, sans pourtant rompre la feuille ; mais si cette même goutte tomboit d’une nuée haute de six mille piés, elle auroit vingt fois plus de vitesse, & par conséquent quatre cens fois plus de force ; de sorte qu’elle mettroit en pieces les tendres fleurs & les feuilles des plantes. Heureusement la résistance de l’air empêche la goutte de tomber sur la terre avec tant de rapidité, & elle en diminue d’autant la vitesse, qui n’est alors guere plus grande, que si la goutte étoit tombée de la hauteur de 15 piés.

Si l’on suppose deux gouttes d’eau, dont l’une soit huit fois plus grosse que l’autre, la surface de la petite goutte étant à celle de la grosse comme 1 à 4 & la résistance de l’air contre les corps qui tombent, étant comme la grandeur des surfaces, divisée par les masses, il s’ensuit que la résistance de l’air contre la plus petite goutte est double de la même résistance contre la plus grosse goutte. Si la bruïne étoit composée de petites gouttes, qui fussent cent quinze mille fois plus menues que la grosse goutte, leurs surfaces seroient cinquante fois plus petites, & rencontreroient par conséquent cinquante fois plus de résistance de la part de l’air, ce qui les feroit tomber fort lentement.

Il pleut rarement lorsqu’il fait un gros vent, à-moins que la direction du vent ne soit de haut en-bas. Dans ce cas il peut toujours pleuvoir, car la pluie est poussée par le vent ; mais si le vent a une direction horisontale, & qu’il souffle avec une vitesse qui lui fasse parcourir seize piés en une seconde, il ne tombera pas de pluie, parce que ce vent pousse horisontalement chaque goutte avec beaucoup de rapidité. La quantité de pluie qui tombe dans les différens pays est fort différente, & on en peut apporter différentes causes. Telles sont la proximité ou l’éloignement de la mer, des lacs, des rivieres, la situation des lieux, selon qu’ils sont plus élevés ou