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fig. 13, pour y couler ensuite le plomb comme auparavant.

Il faut observer que le meilleur ouvrier & le plus intelligent ne l’est pas trop pour cette opération : trop de hardiesse & trop de timidité seroient également nuisibles dans cette manœuvre ; mais beaucoup de précaution, de prudence, & sur-tout d’usage sont seuls capables de procurer le moyen de faire de bon ouvrage.

La seconde espece de plomb en table est le plomb laminé. Cette partie inventée par les Anglois regarde plus particulierement une manufacture privilégiere établie à Paris à cet effet, que les Plombiers auxquels elle fait beaucoup de tort, & qui n’ont pas moins de talent, & ne sont pas moins en état qu’elle de faire ce qu’elle fait ; cette sorte de plomb se coule d’abord d’environ 18 lignes d’épaisseur & 4 à 4 piés & demi én quarré sur une table ou moule, de même forme & grandeur, bordé comme celui, fig. 11, que nous avons déja vu précédemment, que l’on fait passer ensuite au laminoir, dont on peut voir la description en son lieu. Voyez l’article Laminoir.

Comparaison du plomb coulé en table avec le plomb laminé. Toute sorte de plomb nouvellement coulé est sujet à une infinité de pores très-ouverts que le laminoir seul peut resserrer ; ce même plomb est beaucoup plus roide & plus cassant, lorsqu’il n’y a point passé : il est vrai que quelques-uns, pour resserrer ces pores & tenir lieu par-là du laminoir qu’ils méprisoient, ont imaginé de le forger[1] ; mais l’ont rendu, ainsi que tous les métaux que l’on frappe à froid, encore plus roide & plus cassant, & n’ont pu en rendre l’épaisseur aussi parfaitement égale que le laminoir le peut faire.

Si le plomb qui a passé au laminoir est beaucoup plus liant que le précédent, aussi est-il beaucoup plus feuilleté, & moins capable, selon le sentiment des Chimistes, de résister au soleil, à la gelée & aux intempéries des saisons ; la raison est que la masse du plomb que l’on destine à passer au laminoir, est sujette, comme toute espece de plomb qui vient d’être coulé d’une assez forte épaisseur, à être composée d’une infinité de globules d’air plus grandes les unes que les autres : plus cette masse passe de fois au laminoir, & plus toutes ces globules s’élargissent, & en s’élargissant se traversent, ce qui forme quantité de feuilles posées les unes sur les autres qui s’élevent successivement, soit par les grandes gelées ou les grandes chaleurs du soleil.

La troisieme maniere de couler le plomb en table, est de le couler sur toile, pour en faire des tables aussi minces que le papier. Cette espece de plomb est fort difficile à bien faire, & d’un usage assez rare, raison pour laquelle on en fait très-peu, aussi est-il fort cher ; on ne s’en sert que pour des couvertures extrèmement légeres, & qui n’ont pas besoin d’une longue durée ou pour des modeles, les facteurs d’orgue sont ceux qui en emploient le plus pour leurs tuyaux.

De la maniere de couler le plomb sur toile. Lorsque l’on veut couler le plomb sur toile, il faut se servir pour cela d’une table ou planche A, fig. 25, d’environ 18 pouces de large sur 9 à 10 piés de long, garnie de chaque côté B d’un petit bord pour empêcher que le plomb ne s’échappe, & couverte sur sa superficie d’une toile de coutil A, bien serrée & bien tendue, attachée de petits cloux tout-autour : cette planche ainsi séparée, on la pose sur deux treteaux C, dont l’un est plus élevé que l’autre, afin de donner à la table une obliquité convenable ; ensuite le plomb étant fondu, on le verse simplement dessus en passant & repassant le rable D autant qu’il est néces-

saire, pour approcher le plus qu’il est possible d’une

égale épaisseur : il faut observer que c’est non-seulement de l’obliquité de cette table, mais encore du degré de chaleur du plomb fondu que dépend l’épaisseur de la table que l’on veut faire ; c’est aussi de l’intelligence de l’ouvrier que dépend la bonne façon de cet ouvrage qui, quoique fait avec beaucoup de précaution & d’adresse, n’en est pas moins difficile, & ne réussit pas aussi-bien qu’on pourroit le desirer ; c’est ce qui a fait prendre le parti aux associés de la manufacture du plomb laminé d’en faire venir d’Angleterre tout laminé, d’une épaisseur parfaitement égale, aussi mince & aussi uni que le papier le plus mince & le plus uni.

Du plomb moulé. Le plomb moulé n’est autre chose que du plomb fondu jetté dans des moules faits exprès, & de la forme que l’on juge à-propos. Il s’en fait de deux especes ; l’une consiste principalement dans les tuyaux de toutes grosseurs, dont les moules sont ordinairement en cuivre ; & l’autre dans les ornemens, comme armes, armoiries, blasons, trophées, figures, statues, & toutes sortes d’amortissemens, avec dorure ou sans dorure, où l’on veut éviter la dépense du bronze, & dont les moules se font en terre le plus souvent par les fondeurs, qui connoissent plus particulierement que personne cette partie.

Pour faire des tuyaux moulés, il faut d’abord savoir comment est fait le moule : c’est une espece de cylindre de cuivre A, fig. 16. 17. & 18, d’environ deux piés & demi à trois piés de longueur, creusé en dedans en forme de tuyau d’environ cinq à six lignes d’épaisseur, proportionnément à sa grosseur, dont le diametre intérieur est relatif à la grosseur extérieure des tuyaux B que l’on veut mouler. Le milieu de ce moule est surmonté d’un jet C en forme d’entonnoir, aussi de cuivre, & tenant à la même piece par où l’on verse le plomb, comme on le peut voir dans la Pl. II. Ce moule est fait en deux morceaux, ressemblans chacun à celui fig. 18, séparé par le milieu sur sa longueur, dont le joint traversant le milieu du jet C, le touche hermétiquement par-tout, pour empêcher par ce moyen le plomb de s’évader. Il est essentiel d’y pratiquer des ouvertures sur sa longueur, afin que l’air remplacé par le plomb puisse s’échapper facilement.

Comme cette piece de cuivre est toujours fort échauffée, qu’elle a besoin de l’être pour empêcher que le plomb que l’on y coule ne se fige trop promptement, & que par conséquent il n’est pas possible alors de la manœuvrer facilement, on y pratique par les deux bouts & de chaque côté quatre especes de gougeons D, même fig. pris à même la masse du moule, percés chacun d’un trou pour y arrêter, par le moyen d’un clavette, un collier de fer plat aussi D, à charniere par en bas, & à branche par en-haut ; ce collier de fer (fig. 19.) à charniere en D est garni d’une espece de boulon E, arrêté à demeure par un bout sur le collier, & percé d’un trou plat par l’autre ; ce boulon E traverse l’extrémité supérieure du collier, & se trouve arrêté & fermé par une clavette, & c’est par les branches F que l’on peut faire agir le moule, soit pour l’onvrir ou le fermer. Dans son intérieur (fig. 16 & 17.) est un mandrin ou boulon GH, fig. 20, arrondi, à-peu-près de la longueur du moule, fait pour que le tuyau B se trouve évidé intérieurement ; ce mandrin GH est quelquefois plein & quelquefois creux ; plein, lorsqu’il ne passe pas environ deux pouces de diametre, & alors il est de fer bien arrondi, bien dressé, & creux ; lorsqu’il passe cette grosseur, on le fait en ce cas de cuivre, comme étant plutôt fait, coûtant beaucoup moins, & étant moins pesant. Ce mandrin ou boulon GH porte par une de ses extrémités G un anneau ou moufle I, dans lequel passe un crochet ou moufle K, retenu avec un boulon claveté : à son extrémité sont de fortes ban-

  1. On appelle forger, frapper un métal quelconque, pour en resserrer les pores.