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lastre sert aussi, & souvent en même tems à faire chauffer les fers à souder (fig. 32. & 34.) dont nous parlerons dans la suite, que l’on place chacun dans une échancrure A, pratiquée de distance à autre autour du polastre ; mais lorsque l’on a besoin d’une beaucoup plus grande quantité de plomb fondu à la-fois, ce qui arrive le plus souvent dans l’attelier des plombiers ; ils ont alors chacun chez eux un fourneau (fig. 8. 9. & 10.) bâti en brique A de deux piés & demi à trois piés de hauteur sur quatre, cinq & quelquefois six piés en quarré, composé d’une grande marmite de fer B, en forme de chaudiere capable de contenir depuis cinq cens jusqu’à trois ou quatre milliers pesant de plomb, arrasée par-dessus le fourneau, enclavée & soutenue dans la maçonnerie de brique A, par des armatures de gros fer à environ quinze pouces au-dessus du fond du fourneau C, fig. 8. ce qui forme par-dessous un vuide où l’on fait un feu de bois à brûler, dont la fumée sort par une ouverture D d’environ huit pouces de largeur, pratiquée fort près de la chaudiere, & s’éleve ensuite dans un tuyau de cheminée E, fig. 10. dont la hotte se trouve au-dessus du fourneau ; c’est dans cette espece de chaudiere que l’on met le plomb F, fig. 8. que l’on veut fondre, comme navettes, fig. 1. saumons, fig. 2. tels qu’ils arrivent des mines.

Du plomb coulé. Le plomb se coule de quatre manieres, qui se réduisent en deux principales, l’une que l’on appelle plomb en table, & l’autre plomb moulé.

La premiere se fait en forme de table dont les dimensions varient selon les circonstances : cette forme de plomb sert pour l’intérieur des réservoirs, les bassins, les bains, les couvertures des bâtimens, platesformes, terrasses, gouttieres, chaîneaux, hottes, lucarnes, cuvettes, bavettes de fontaines, &c. & quelquefois dans la maçonnerie pour les joints des pierres, on en fait aussi des tuyaux de descente pour l’écoulement des eaux, chausses, aisances, &c. le pié quarré sur une demi-ligne d’épaisseur pese environ 2 livres 14 onces ; sur une ligne, environ 5 livres 3 quarts, & le reste à proportion.

La seconde, qu’on appelle plomb moulé, se coule dans des moules faits exprès, soit pour des tuyaux dont la grosseur intérieure varie depuis 6 lignes jusqu’à 6 pouces de diametre, & l’épaisseur à proportion, depuis 2 lignes & demie jusqu’à 6 : je dis grosseur intérieure, parce qu’en général les tuyaux ne se mesurent jamais par l’extérieur, mais bien par l’intérieur ; leurs longueurs ne passent jamais 18 ou 20 piés, non qu’on ne puisse les faire beaucoup plus longs, si on le jugeoit à propos, mais parce que cette grande longueur seroit trop embarrassante pour leur transport, & seroit sujette à les tourmenter, casser ou rompre, soit encore pour des figures, statues & ornemens d’architecture & de sculpture.

Du plomb en table. Le plomb en table se divise en trois especes différentes ; la premiere, que l’on appelle plomb moulé en table ; la seconde, plomb laminé ; & la troisieme, plomb coulé sur toile.

Pour couler le plomb en table, selon la premiere espece, il faut d’abord employer à cet usage une table, fig. 11, appellée moule en table, que tous les Plombiers ont chacun dans leurs atteliers, faite en bois de chêne de 15 à 18 lignes d’épaisseur, 4 à 5 piés de largeur sur environ 20 piés de longueur, posée sur trois ou quatre forts supports ou treteaux de bois A solidement assemblés, en observant de lui donner environ 12 à 15 lignes de pente par toise pour procurer au plomb une plus grande facilité de couler ; le pourtour de cette table se trouve bordé d’une espece de chassis de planches BD de même bois de pareille épaisseur sur 8 à 10 pouces de hauteur, qu’on

appelle éponge, dont l’intérieur C est rempli d’un sable jaune d’environ 5 à 6 pouces d’épaisseur, sur lequel étant préparé, on coule le plomb dont il est ici question : il faut remarquer que pour donner aux tables de plomb la largeur que l’on juge à propos, on enfonce dans le sable une autre éponge D mobile, que l’on soutient par derriere avec des masses de fer ou de plomb.

Lors donc qu’il s’agit de préparer le sable à recevoir le plomb, on commence par l’humecter un peu en y jettant de l’eau dessus en forme d’aspersion ; ce sable ainsi humecté, s’unit beaucoup plus facilement ; on le dresse ensuite de niveau en passant & repassant le rable E à différentes reprises sur toute sa longueur : ce rable, fig. 12, n’est autre chose qu’une planche A de bois de chêne d’environ 15 lignes d’épaisseur, & dont la longueur est égale à la largeur des tables que l’on veut faire : cette planche A est échancrée par chaque bout que l’on fait glisser le long des éponges BD, fig. 11, par le moyen d’un bâton C, fig. 12, de 4 à 5 piés de long emmanché dedans : l’intervalle des échancrures B s’enfonce dans la profondeur du moule, fig. 11, relativement à l’épaisseur que l’on veut donner à ces mêmes tables : le sable ainsi dressé, on le plane aussi sur toute sa longueur avec la plane, fig. 13, que l’on a soin de chauffer un peu, afin que le table humide ne puisse s’y attacher, ce qui y formeroit autant de sillons : ceci fait, & le plomb fondu dans la grande chaudiere, fig. 8, 9 & 10, il faut prendre la précaution avant que de le couler, de le purifier avec des résines, suif ou autres graisses, & de l’écumer avec la cuillere percée, fig. 23, c’est-à-dire en supprimer toutes les ordures que ces graisses ont dû attirer : ensuite lorsqu’il s’agit de le couler, deux hommes en versent alternativement & par cuillerée au-moins autant, mais toujours un peu plus qu’il n’en faut pour la table que l’on veut faire, dans un auget, fig. 14, appellé poële à verser, placé au sommet du moule, fig. 11, comme on peut le voir dans la premiere Planche. La quantité de plomb étant suffisante, les deux mêmes hommes tenant la poële à verser, fig. 14, par la queue C, la soulevent doucement, & font ainsi couler le plomb qu’elle contient sur le sable C, fig. 11, tandis qu’un autre à 2 ou 3 piés plus loin le reçoit sur le rable E, même figure, qu’il passe presque dans le même d’un bout à l’autre du moule sur le plomb avant qu’il soit figé pour donner à la table une égale épaisseur par-tout, & le surplus du plomb va se loger dans une cavité F pratiquée dans le sable : au bout du moule, il faut prendre garde lorsque la table vient d’être coulée, d’en séparer promptement le surplus du plomb ; parce que comme le plomb, ainsi que tous les autres métaux, se retire à mesure qu’il se refroidit, la table n’auroit pas assez de force en se retirant pour amener avec soi la masse du plomb qui reste, & se romperoit çà & là en différens endroits : on a soin encore avant que cette même masse de plomb soit figée, d’y placer intérieurement les branches d’un crampon de fer recourbé, fig. 15, afin de procurer par-là la facilité de l’enlever avec des leviers, fig. 51, pour la remettre de nouveau à la fonte : cette table ainsi faite, on la roule sur sa largeur, fig. 24, pour qu’elle occupe moins de place, & avec des leviers, fig. 51, on la transporte ailleurs où elle ne puisse être embarrassante ; ensuite on humecte de nouveau le sable, qui par la chaleur du plomb que l’on coule perpétuellement dessus, se seche toujours ; on le laboure d’environ un pouce d’épaisseur avec le bout A d’un bâton à labourer, fig. 50, bien également par-tout ; car si on l’enfonce plus d’un côté que de l’autre, le sable devient par conséquent plus foible, & forme les tables de plomb d’une inégale épaisseur : on le dresse ensuite avec le rable, fig. 12, & on le place de nouveau avec la plane,