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opinion, répondre à ce que je viens d’observer sur la circonspection de l’usage qui n’autorise jamais une locution irréguliere sans un besoin réel d’analogie ou d’énergie. Si d’ailleurs on s’en rapporte au moyen proposé par Leclerc, il me semble qu’il ne lui fournira pas une conclusion favorable : res… certa erit, dit-il, de hebraica, si quis expendat loca scriptura in quibus occurrit ea phrasis. N’est-il pas évident que comedendo comedes ne signifie pas simplement vous mangerez, mais vous aurez toute liberté de manger, vous mangerez librement, tant & si souvent que vous voudrez ? C’est la même énergie dans moriendo morieris ; cela ne veut pas dire simplement vous mourrez ; mais la répétition de l’idée de mort donne à l’affirmation énoncée par le verbe une emphase particuliere, vous mourrez certainement, infailliblement, indubitablement : & de là vient que pour donner plus de poids à l’affirmation contraire ou à la négation de cette sentence, le serpent employa le même pléonasme : לא מוה חמדון, nequaquam moriendo moriemini, Gen. 3, 4. il est certain que vous ne mourrez point. Voyez au surplus la grammaire hébraïque de Masclef, ch. xxiv. §§ 5, 8, 9 ; ch. xxv. § 8, & ch. xxvj. §§ 7, 8.

II. J’avoue néanmoins qu’il se rencontre, & même assez souvent, de ces répétitions identiques où nous ne voyons ni emphase, ni énergie. Dans ce cas, il faut distinguer entre les langues mortes & les langues vivantes, & soudistinguer encore entre les langues mortes dont il nous reste peu de monumens, comme l’hébreu, & les langues mortes dont nous avons conservé assez d’écrits pour en juger avec plus de certitude, comme le grec & le latin.

Par rapport à l’hébreu, quand nous n’appercevons pas les idées accessoires que la répétition identique peut ajouter au sens, il me semble qu’il est raisonnable de penser que cela vient de ce que nous n’avons plus assez de secours pour entendre parfaitement la locution qui se présente ; & c’est d’ailleurs un hommage que nous devons à la majesté de l’Ecriture sainte, & à l’infaillibilité du S. Esprit qui en est le principal auteur.

Pour les autres langues mortes, il est encore bien des cas où nous devons avoir par équité la même réserve ; & c’est principalement quand il s’agit de phrases dont les exemples sont très-rares. Mais en général nous ne devons faire aucune difficulté de reconnoître la périssologie, même dans les meilleurs écrivains de l’antiquité, comme nous la trouvons souvent dans les modernes. 1°. Nous entendons assez le grec & le latin pour en discuter le grammatical avec certitude ; & peut-être Démosthene & Cicéron seroient-ils surpris, s’ils revenoient parmi nous, & que nous pussions communiquer avec eux des progrès que nous avons faits dans l’intelligence de leurs écrits, quoique nous ne puissions pas parler comme eux. 2°. Le respect que nous devons à l’antiquité, n’exige pas de nous une adoration aveugle : les anciens étoient hommes comme les modernes, sujets aux mêmes méprises, aux mêmes préjugés, aux mêmes erreurs, aux mêmes fautes : osons croire une fois, que Virgile n’entendoit pas mieux sa langue, & n’étoit pas plus châtié dans son style que ne l’étoit notre Racine ; & Racine n’a point été entierement disculpé par l’Abbé des Fontaines, qui s’étoit chargé de le venger contre les remarques de M. l’Abbé d’Olivet. Disons donc que le sic ore locutus de Virgile, & mille autres phrases pareilles de ce poëte & des autres écrivains du bon siecle, ne sont que des exemples de périssologie, & des défauts réels plûtôt que des tours figurés. (B. E. R. M.)

PLÉROTIQUES, adj. en Medecine, une espece de remedes, que l’on appelle autrement incarnatifs & sarcotiques. Voyez Incarnatif & Sarcotique. Ce mot est formé du mot grec πληρόω, je remplis.

PLESCOW, ou PLESKOW, ou PSKOW, (Géogr. mod.) ville de Russie, capitale du duché du même nom, avec un archevêché du rit moscovite, & un château bâti sur un rocher. Elle fut réunie à la couronne de Russie par le grand Duc Jean Basilowitz, & Etienne Battori, roi de Pologne, fut obligé d’en lever le siege en 1507. Cette ville est située sur la riviere de Muldow, près de son embouchure dans le lac de Plescow, à 60 lieues nord-ouest de Riga, & à égale distance de Petersbourg. Long. 45, 18. latit. 57. 35.

PLESS, ou PSEZINA, (Géog. mod.) petite ville de Silésie sur le bord septentrional de la Vistule, aux confins de la Pologne, sur la route de Cracovie à Vienne. Les Catholiques y ont une église, & les Luthériens en plus grand nombre y ont leur temple.

PLESSIS-LEZ-TOURS, (Geog. mod.) ancienne maison royale de France, près de Tours, bâtie par Louis XI. qui y fonda une collégiale & un couvent de Minimes, le premier qu’ils aient eu en France.

C’est au Chateau de Plessis-lez-Tours que mourut Louis XI. le 30 Aout 1483, âgé de 60 ans. Peu de tyrans, dit M. de Voltaire, ont fait périr plus de citoyens par les mains des bourreaux, & par des supplices plus recherches. Les cachots, les cages de fer, les chaînes dont on chargeoit ces victimes, sont les monumens qu’il a laissés de son caractere. Le supplice de Jaquet d’Armagnac, Duc de Nemours, qu’il fit juger par des commissaires, les circonstances & l’appareil de sa mort, le partage de ses dépouilles, les prisons où il enferma ses jeunes enfans, sont autant de traits odieux.

On avoit vu l’héroïsme éclater sous Charles VII ; sous Louis XI, il n’y eut nulle vertu ; le peuple fut tranquille comme les forçats le sont dans une galere. Cependant ce cœur artificieux & dur avoit deux penchans qui auroient dû mettre de l’humanité dans ses mœurs : c’étoit l’amour & la dévotion ; mais son amour tenoit de son caractere, & sa dévotion n’étoit que la crainte d’une ame coupable. Toujours couvert de reliques, & portant à son bonnet sa notre-Dame de plomb, on prétend qu’il lui demandoit pardon de ses forfaits, avant de les commettre. Il donna par contrat la comté de Boulogne à la Sainte Vierge. La piété ne consiste pas à faire la Sainte Vierge Comtesse, mais à s’abstenir des mauvaises actions.

Sentant sa mort approcher, renfermé dans son château, inaccessible à ses sujets, entouré de gardes, dévoré d’inquiétudes, il fit venir de Calabre un hermite nommé François Martorillo, révéré depuis sous le nom de S. François de Paule. Il se jette à ses piés ; il le supplie, en pleurant, d’intercéder auprès de Dieu, & de lui prolonger la vie ; comme si l’ordre éternel établi par l’être suprème, eût dû changer à la voix d’un calabrois dans un village de France, pour laisser dans un corps usé, une ame foible & perverse, plus long-tems que ne comportoit la nature.

Tandis qu’il demande ainsi la vie à un homme étranger, incapable de lui être utile, il croit en ranimer les restes, en s’abreuvant du sang qu’on tire à de jeunes enfans, dans la fausse espérance de corriger l’âcreté du sien. Enfin on ne peut éprouver un sort plus triste dans le sein des prospérités, que celui d’un malheureux prince qui n’a d’autres sentimens que l’ennui, les remords, la crainte, & le désespoir d’être haï.

Louis XI, dit Comines, étoit léger à parler des gens, sauf de ceux qu’il craignoit ; car il étoit assez craintif de sa propre nature… Il répétoit souvent que tout son conseil étoit dans sa tête, parce qu’en effet il ne consultoit personne : ce qui fit dire à l’amiral de Brezé, en le voyant monter sur un bider très foible, qu’il falloit que ce cheval fût plus fort qu’il ne paroissoit, puisqu’il portoit le roi & tout son conseil. Il étoit jaloux de son autorité, au point qu’étant