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entraîner tous ces petits filets de mousses qui commençoient à s’y nourrir.

Quant au limon qui fait le relâchement des fibres, & ensuite des obstructions, le terreau & la fiente de pigeon y remédient. La cendre de vigne, la chaux, la fiente de poule & de pigeon, mêlées avec la terre qui couvre les racines des oliviers & des orangers paresseux, les excitent à fleurir & à porter des fruits : mais ces sortes de remedes ne conviennent pas à toutes sortes de plantes. L’urine, l’eau de chaux, l’eau du fumier un peu trop forte, les couches même trop chaudes, dessechent & brûlent, comme l’on dit, le chevelu des racines.

Il seroit trop long de parler ici de la mauvaise qualité de la seve, qui vient du défaut des terres, cette discussion demanderoit un traité d’Agriculture raisonnée ; mais il y a un vice qui rend les plantes stériles dans les meilleurs fonds, c’est quand le suc nourricier devient si gluant, qu’il ne sauroit circuler, ni faire développer les parties qui doivent paroître successivement les unes après les autres.

La squille, l’oignon portant laine, les especes d’aloës, & plusieurs plantes grasses, fleurissent avec beaucoup plus de facilité dans les pays chauds, parce que la terre leur fournit un suc assez maigre, que la chaleur fait couler aisément ; au lieu que dans les pays froids, ce suc est gluant, & devient comme une espece de mucilage, qui ne sauroit faire sortir les tiges du fond de leurs racines. Le seul remede est d’élever ces sortes de plantes sur couche & dans des terres sablonneuses.

Malgré cette précaution, les oignons qui viennent des Indes ne fleurissent qu’une seule fois dans ce pays-ci, parce que la jeune tige qui est dans le fond de la racine se trouve assez développée avant le transport pour pouvoir s’élever & s’épanouir ; mais après cela le suc nourricier qui devient trop gluant, n’a pas la force de faire développer le jeune embryon qui est dans le cul de l’oignon, & qui ne devoit paroître que dans un an.

La plûpart des narcisses & des jacinthes dont on coupe les feuilles après que leur fleur est passée, ne fleurissent pas bien l’année d’après. Il semble que le suc glaireux qui étoit en mouvement dans les racines de ces plantes, & qui passoit à l’ordinaire dans les feuilles, se décharge sur la jeune tige qui est au fond de la racine ; il s’imbibe, il s’épaissit, il se fige dans cet embryon, & l’empêche de se développer au printems.

La stérilité de plusieurs plantes ne dépend pas toujours de la mauvaise qualité du suc nourricier ; souvent c’est une maladie qui vient de la distribution imparfaite de ce suc ; il faut alors ébrancher la plante, en resserrer les racines dans un petit terrein. Les orangers & les figuiers plantés dans des petites caisses, donnent beaucoup plus de fruits que ceux dont la seve trouve à s’étendre dans les racines, au lieu de faire éclore les fleurs & les embryons. C’est par cette méthode qu’on a de bonnes graines de pervenche & d’épimédium, qui en pleine terre s’amusent à tracer & ne nouent pas.

Pour ce qui est des maladies causées par les accidens extérieurs, elles surviennent ordinairement par la grêle, par la gelée, par la brouiture, par la moisissure, par les plantes qui naissent sur d’autres plantes, par la piquure des insectes, par différentes tailles & incisions que l’on fait aux plantes.

La grêle qui tombe sur les feuilles en meurtrit les fibres, & fait extravaser le suc nourricier qui forme une dureté élevée en tumeur. Si la pluie tombe avec la grêle, l’impression du coup est bien moindre, parce que les fibres amollies par l’eau, obéissent au coup ; d’ailleurs, cette eau détergeant & emportant le suc qui commence à s’épancher, donne lieu aux fibres de

se rétablir par leur ressort, à-peu-près comme il arrive aux parties meurtries que l’on étuve sur le champ.

La gelée au contraire fait périr les plantes lorsqu’elles sont mouillées, parce que l’eau qui se gele dans leurs pores les déchire en se dilatant, tout comme elle fait casser les vaisseaux où elle est enfermée.

La brouiture, en latin uredo, est cet accident qui arrive aux plantes en été, lorsqu’après le beau tems il survient quelqu’orage accompagné d’une légere pluie, & que le soleil paroît immédiatement après : alors il brûle les feuilles & les fleurs sur lesquelles la pluie est tombée, & ôte l’espérance des fruits. Les naturalistes cherchent la cause d’un si étrange effet, & M. Huet, qui n’étoit point physicien, mais seulement homme d’esprit, paroît l’avoir imaginée le plus ingénieusement.

Dans les jours sérains de l’été, dit-il, il est visible qu’il s’assemble sur les feuilles & sur les fleurs, comme par-tout ailleurs, un peu de poussiere ; quand la pluie tombe sur cette poussiere, les gouttes se ramassent ensemble, & prennent une figure ronde, ou approchante de la ronde, comme on voit qu’il arrive souvent sur des planchers poudreux, lorsqu’on y répand de l’eau pour les balayer. Or ces boules d’eau ramassées sur ces feuilles & sur ces fleurs, tiennent lieu de ces verres convexes, que nous appellons miroirs ardens, & produisent le même effet sur les plantes que produiroient ces verres si on les en approchoit ; si la pluie est grosse & dure long-tems, le soleil survenant ne produit plus cette brûlure, parce que la force & la durée de cette pluie a abattu toute la poussiere qui arrondissoit les gouttes d’eau, les gouttes perdant leur figure brûlante, s’étendent & se répandent sans aucun effet extraordinaire.

Les plantes sont encore détruites par celles qu’on appelle parasites, & par la moisissure, véritable assemblage de très-petites plantes parasites. Voyez Moisissure. Les remedes seront de tenir les plantes au sec, de déraciner les parasites, de les arracher, de racler avec la serpette l’écorce des arbres auxquels elles s’attachent, d’en couper des branches, & de faire des incisions dans l’écorce jusqu’à fleur de terre.

Parmi les tumeurs des plantes, autre genre de maladie qui les attaque ; il y en a qui leur sont naturelles ou viennent d’une méchante conformation, & d’autres qui naissent de la piquure des insectes. Ces petits animaux qui n’ont pas la force de bâtir leurs nids avec de la paille, ou d’autre matiere, comme sont les oiseaux, vont décharger leurs œufs dans les parties des plantes qui les accommodent le mieux. La piquure est suivie d’une tumeur, & cette tumeur est une suite de l’épanchement du suc nourricier, qui s’imbibant dans les pores voisins, les fait gonfler à mesure qu’il en dilate les fibres, l’œuf ne manque pas d’éclore au milieu de ce nid, & le ver ou le puceron qui en sort, y trouve sa nourriture toute préparée. C’est ainsi que se forment les noix de galle, & toutes les tumeurs que l’on observe sur les plantes piquées.

Pour remplir le dénombrement des causes auxquelles l’on a rapporté les maladies des plantes, il nous reste à parler des bosses qui naissent autour des greffes. Comme les vaisseaux de la greffe ne répondent pas bout à bout aux vaisseaux du sujet sur lequel on l’a appliqué, il n’est pas possible que le suc nourricier les enfile à ligne droite ; desorte que le cal bossu est inévitable : d’ailleurs il se trouve bien de la matiere inutile dans la filtration qui se fait de la seve, qui passe du sujet dans la greffe, & cette matiere qui ne sauroit être vuidée par aucuns vaisseaux, ni déférens, ni excrétoires, ne laisse pas d’augmenter la bosse.

Les levres de l’écorce des arbres que l’on taille pour enter, ou pour émonder, se tuméfient d’abord par le suc nourricier qui ne sauroit passer outre, à cause que l’extrémité des vaisseaux coupés, est pin-