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de philosophie qui aient été dans l’univers. Ce fut au Pirée qu’Antisthene forma la secte des Cyniques. On leur donna ce nom à cause du fauxbourg d’Athènes appellé Cynosarges, où les Cyniques vinrent s’établir en quittant le Pirée.

On voit au Pirée un beau lion de marbre, qui a donné le nom de Porto-Lione à ce fameux port. Le lion ouvre la gueule du côté de la mer. Il est représenté comme rugissant, & prêt à s’élancer sur les vaisseaux qui y mouillent. On voit encore le long du rivage quantité de grosses pierres de taille, employées autrefois aux murailles anciennes qui joignent le Pirée à la ville ; elles sont cubiques, & celles des fondemens sont jointes par des crampons de fer. C’est un ouvrage de fortification que les Athéniens firent faire pendant la guerre du Péloponnèse ; & ce vieux débris est une des plus grandes marques qui nous restent de la richesse, de la magnificence & de la sage précaution des anciens Athéniens. Mais ce qu’on voyoit autrefois de plus merveilleux dans la fortification du Pirée, c’étoit cette fameuse tour de bois que Sylla ne put jamais brûler, parce que le bois employé à sa construction, avoit été préparé avec une composition d’alun, que les flammes & les feux d’artifice ne pouvoient endommager ; le tems en est venu à-bout.

Le tombeau de Thémistocle qui bâtit le Pirée, étoit le long de la grande muraille ; on ne sait plus dans quel endroit ; car il faudroit être bien éclairé pour assurer que c’est un grand cercueil de pierres, qui est à environ cent pas du port, proche de quelques grottes taillées dans le roc.

A moitié chemin de Pirée à Athènes, il y a un puits entouré de quelques oliviers ; mais il est trop profond pour se persuader que ce soit la fontaine qui étoit près d’un petit temple dédié à Socrate. En un mot, il ne reste plus rien de la ville du Pirée, ni de ces beaux portiques décrits par Pausanias. Le seul bâtiment qu’on y trouve est une méchante halle bâtie par les Turcs pour recevoir les marchandises & les droits de la douane.

Quoique l’entrée du Pirée soit étroite, de sorte qu’à peine il pourroit y passer deux galeres à la fois, cependant quand on est dedans, il a bon fonds partout, si ce n’est dans un de ces enfoncemens qui étoit peut-être comme une darse pour les galeres, & qui est presque tout comblé. Il est de bonne tenue & bien fermé ; ce qui le rend plus considérable, c’est que quand même les vaisseaux seroient portés à terre par quelque tempête, ils ne se romproient pas, parce qu’il y a assez d’eau, & qu’il n’y a point de rochers & de brisans cachés : ce que l’on a vu par l’expérience de cinq vaisseaux anglois qui, dans le dernier siecle, eurent tous leurs cables rompus dans une nuit par une bourasque.

En revenant du Pirée à Athènes, on voit presque tout le long du chemin les fondemens de la muraille qui joignoit le Pirée à la ville, & qui fut détruite par Sylla. On l’appelloit macra-teichi, c’est-à-dire, les longues murailles ; car elles n’avoient pas moins de cinq milles de longueur, puisqu’il y en a autant depuis le port de Pirée jusqu’à Athènes.

Je rentre dans ce port pour y parler de son marché, où l’on trouvoit tant de denrées, qu’au rapport d’Isocrate, le Pirée seul en fournissoit plus de toute espece, que tous les autres ports de la Grece ensemble, n’en fournissoient d’une seule. Il y avoit dans ce port, outre cinq galeries couvertes, un lieu où l’on etaloit les marchandises, & qui par cette raison s’appelloit δεῖγμα, comme qui dirait le lieu de la montre, de l’étalage. Les Athéniens tenoient au Pirée une garnison pour éloigner les corsaires, & pour obvier aux desordres. Divers magistrats y résidoient aussi afin d’y maintenir la police, l’ame du commerce, & de

couper le chemin aux petits différends inévitables dans une foule d’acheteurs & de vendeurs. La bonne foi, par ce moyen, regnoit à tel point dans le Pirée, que selon Aristote, les habitans du fauxbourg avoient, contre la coutume, l’esprit plus doux & plus traitable que les habitans de la ville.

C’est au Pirée que se noya, l’an 293 avant J. C. à 52 ans, l’aimable Ménandre, disciple de Théophraste, célebre poëte comique, & l’un des plus beaux esprits de l’ancienne Grece. On le nomma le prince de la nouvelle comédie ; & tous les auteurs grecs & latins citent ses pieces avec éloge. Il composa 108 comédies, dont il ne nous reste çà & là que de courts fragmens, qui ont été recueillis par M le Clerc. Plutarque préferoit les pieces de Ménandre à celles d’Aristophane, & vraissemblablement Térence pensoit de même.

J’ai déja indiqué d’où viennent les noms de Porto-Draco & Porto-Lione donnés par les Grecs & par les Francs au Pirée ; ces deux noms viennent d’un beau lion de marbre de dix piés de haut, trois fois plus grand que nature, qui est sur le rivage au fond du port. Il est assis sur son derriere, la tête fort haute, percée par un trou qui répond à la gueule, & à la marque d’un tuyau, qui monte le long du dos, on connoît qu’il servoit à une fontaine, comme celui qui est proche de la ville.

Pour éviter toute équivoque en géographie, je dois observer en finissant, que le mot Pirée, Piræus, est encore le nom du peuple de la tribu Hippothoontide. Enfin Etienne le géographe appelle aussi Pirée le port de Corinthe ; & selon Plutarque Pyræenses est le nom d’une bourgade de l’Attique dans la Mégardie. Le chevalier de Jaucourt.

PIRGO, (Géog. mod.) petite ville de l’île de Santorin, sur une terre d’où l’on découvre les deux mers, & les plus beaux vignobles : c’est la plus agréable de toute l’île. L’évêque du rit grec y fait sa résidence, ainsi que le cadi. (D. J.)

PIRIFORME, adj. (Anat.) qui est en poire. Le premier des muscles abducteurs de la cuisse s’appelle le piriforme ou pyramidal, parce qu’il est en pyramide ou en poire. Il prend son origine à la partie supérieure & latérale de l’os sacrum, & à la partie latérale de l’os des îles, & va s’insérer dans une pente courte, qui est à la racine du grand trocanter.

PIROGUE, s. f. c’est un bâtiment de mer dont se servent les Caraïbes & les Sauvages de la terre ferme. On voit des pirogues de trente-cinq à quarante piés, même plus de longueur, construites d’un seul arbre creusé, ayant sur les côtés deux longues planches assujetties & cousues avec de petites cordes, elles servent à exhausser de 12 à 14 pouces les bords de la pirogue, dont la figure approche de celle d’une navette ; sa largeur dans le milieu est d’environ 6 à 7 piés ; & sa profondeur à-peu-près de 4 & demi. Ce bâtiment dont les bords sont fort évasés, se termine en rond par-dessous ; la poupe en est plate & garnie d’un gouvernail, & le haut de la proue se trouve communément traversé d’un morceau de planche chargé d’une sculpture grossiere. Voyez Ouaracaba. Pour maintenir l’évasement des bords, la pirogue est traversée de 4 piés en 4 piés par de gros bâtons bien assujettis à leurs extrémités au moyen de petites cordes ; c’est contre ces traverses que les Sauvages s’appuient lorsqu’ils rament, ayant le visage tourné vers la proue, & se servant de grandes palettes qu’ils appellent pagayes. S’ils veulent profiter du vent, ils attachent une petite voile quarrée à un bout de mât qu’ils plantent dans un embrevement fait exprès au milieu de la barque, & qu’ils assujettissent avec des cordes contre l’un des bâtons dont on a parlé. Les grandes pirogues de 40 à 45 piés, s’appellent bacassas, & les moyennes ainsi que les petites de 12 à 15 piés,