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ni à aucune maladie ; enfin plusieurs de ces pins sont de la plus belle apparence au printems, par la couleur vive des chatons dont ils sont chargés. Voyez sur la culture du pin, le dictionnaire des Jardiniers de M. Miller, & pour tous égards, le traité des arbres de M. Duhamel, qui est entré dans des détails intéressans sur cet arbre.

Pin, maniere d’en tirer le suc résineux, (Art. méch.) on choisit pour cet effet le pin le plus commun dans les forêts du pays sablonneux, connu sous le nom de landes de Bordeaux, c’est le petit pin maritime de Gaspard Bauhin, ou celui que M. Duhamel désigne par le n°. 3. à l’article du pin, de son Traité des arbres & arbustes.

Pour retirer du suc résineux de ce pin, on attend qu’il ait acquis quatre piés de circonférence. Il est parvenu à cette grosseur environ trente-cinq ans après sa naissance dans les bons terreins, c’est-à-dire, dans des sables profonds de trois ou quatre piés. En général la grandeur de l’arbre, la rapidité de son accroissement, l’abondance du suc résineux, & la bonne qualité du bois augmentent toujours en raison d’une plus grande épaisseur de la couleur du sable.

L’ouvrier commence par emporter la grosse écorce de l’arbre depuis sa racine jusqu’à la hauteur de deux piés sur six pouces de largeur. Cette premiere opération se fait au mois de Janvier, & c’est avec une hache ordinaire qu’elle s’exécute. Ensuite dès que les froids semblent avoir cessé, il enleve avec une hache d’une structure particuliere, le liber ou la seconde écorce ; il pénetre aussi dans le corps ligneux, & il en emporte un copeau très-mince.

Cette premiere entaille faite au pié de l’arbre, n’a guere plus de trois pouces de hauteur ; & elle ne doit point excéder quatre pouces en largeur. L’ouvrier la rafraîchit chaque semaine, quelquefois plus souvent, lui conservant sa même largeur ; mais s’élevant toujours de maniere qu’après six ou sept mois, qui sont le tems de ce travail, elle se trouve haute d’environ 15 pouces.

L’année suivante, après avoir enlevé encore deux piés de grosse écorce, il éleve de nouveau son entaille de 15 pouces, & il continue de même pendant huit années consécutives, après lesquelles elle a acquis environ 11 piés de hauteur.

La neuvieme année on entame l’arbre à la racine auprès de l’endroit où s’est faite la premiere opération ; on suit celle-ci pendant huit ans, & procédant toujours de la même maniere, on fait le tour de l’arbre, même plusieurs fois, car on pratique aussi des entailles sur les cicatrices qui ont couvert ses premieres plaies.

Après trois ou quatre ans, l’ouvrier ne sauroit poursuivre son ouvrage sans le secours d’une échelle. Celle qu’il emploie & qu’il est quelquefois obligé d’appliquer à plus de deux mille pins éloignés au moins de quinze piés les uns des autres, devroit être légere, & faite de maniere à ne point l’embarrasser dans sa marche, qui est assez prompte. Sa construction remplit ces deux objets. C’est une grosse perche qu’on a rendue fort mince par le haut, & qu’on a diminuée par le bas jusqu’à ne lui laisser que deux pouces de diametre. On ménage un empatement au bout inférieur, & ensuite des saillies peu éloignées les unes des autres, & taillées en cul-de-lampe. L’extrémité supérieure est applatie & un peu courbée. L’ouvrier l’engage dans quelqu’un des intervalles que laissent entre elles les rugosités de l’écorce. Il s’éleve à la hauteur qui lui convient ; & l’un de ses piés demeurant sur une des saillies, il embrasse l’arbre de l’autre jambe. Dans cette attitude il se sert de sa hache, & il continue son ouvrage de la maniere qui a été décrite.

Une hache dont le tranchant se trouveroit dans le plan du manche entameroit difficilement le pin de la

maniere qu’on conçoit assez qu’il doit l’être, c’est-à-dire, en formant une espece de voute à l’origine de l’entaille. Aussi la hache est-elle montée obliquement sur son manche, & de plus courbée en-dehors à l’extrémité du tranchant la plus éloignée de la main de l’ouvrier.

Depuis le printems jusqu’au mois de Septembre, le suc résineux coule sous une forme liquide ; & dans cet état il se nomme galipot. Il va se rendre dans des petites auges taillées dans l’arbre même, à la naissance des racines. Celui qui sort depuis le mois de Septembre se fige le long de l’entaille, à laquelle il se colle quelquefois. Sous cette forme, on le nomme barras. On le détache, lorsque cela est nécessaire, avec une petite ratissoire emmanchée.

On met le galipot & le barras dans une chaudiere de cuivre montée sur un fourneau de briques ou de tuileaux maçonnés avec de la terre grasse. On introduit le feu sous la chaudiere par un conduit souterrein, & on l’entretient avec du bois de pin, mais seulement avec la téde, c’est-à-dire, avec la partie qui a été entaillée. Le suc résineux doit être tenu sur le feu jusqu’à ce qu’il se réduise en poudre étant pressé entre les doigts. Alors on étend de la paille sur une auge de bois. On répand avec un poëlon la matiere sur cette paille. Elle tombe dans l’auge parfaitement nette, ayant déposé sur ce filtre les corps étrangers dont elle étoit chargée. On la fait couler par un trou percé à l’extrémité de l’auge dans des creux cylindriques pratiqués dans le sable, & où elle est conduite par différentes rigoles. Elle s’y moule en pains du poids de cent ou de cent cinquante livres. Cette préparation du suc résineux se nomme le brai sec.

Dans quelques endroits on travaille avec beaucoup de propreté les creux dans lesquels on moule le brai sec. On a une aire remplie de sable fin, dans lequel on enfonce des morceaux de bois auxquels on a donné en les tournant la forme d’un petit tourteau. On remplit ces creux de matiere fondue, qu’on transporte avec le poëlon ; il en sort de petits pains plus estimés que les grands, & qu’on vend plus avantageusement.

Le suc résineux étant dans l’auge, bien dépuré & encore très-chaud, on y mêle de l’eau qu’on a fait chauffer, mais qu’on n’a point laissé bouillir. On brasse fortement le mélange avec de grandes spatules de bois. Il devient jaune à mesure qu’on lui donne de l’eau ; & lorsque la couleur est parvenue au ton qu’on souhaite, on fait couler la matiere dans les moules où elle se durcit ; & c’est la résine.

Le sable ne pouvant se soutenir par lui-même, il céderoit au poids du brai ou de la résine, dont les masses deviendroient informes. On mouille les creux & les rigoles pour leur donner de la consistance.

On met du galipot dans la chaudiere. Lorsqu’il est assez cuit pour avoir pris une couleur légerement dorée, on le coule & on le fait passer de l’auge dans les barriques, où il conserve l’état de liquidité d’un syrop très-épais.

Dans la partie septentrionale des forêts de pins, on expose le galipot au grand soleil dans des baquets. Les pieces du fond de ces baquets n’étant pas exactement jointes, le galipot fondu tombe dans des auges placées pour le recevoir. C’est la térebenthine de soleil beaucoup plus estimée que la premiere, qu’on appelle térebenthine de chaudiere.

La térebenthine ayant été mise avec de l’eau dans une chaudiere entierement semblable à celle dont on se sert pour faire l’eau-de-vie, & qui a le même attirail que celle-ci ; on en tire par la distillation une liqueur d’une odeur pénétrante, & assez désagréable, qu’on nomme huile de térebenthine.

On construit avec des tuileaux & de la terre grasse un four assez semblable à ceux qui servent à cuire le